Candyman
États-Unis : 1992
Titre original : –
Réalisation : Bernard Rose
Scénario : Bernard Rose
Acteurs : Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h39
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 20 janvier 1993
Date de sortie BR4K : 15 juin 2022
Helen Lyle est une étudiante diplômée de l’université de Chicago qui écrit une thèse sur les légendes urbaines. À l’occasion d’entrevues menées dans le cadre de ses recherches, elle entend parler d’une légende locale appelée Candyman, un mystérieux tueur armé d’un crochet qui apparaîtrait lorsque l’on prononce cinq fois son nom devant un miroir. Convaincue de tenir une piste intéressante pour sa thèse, Helen se rend, avec son amie Bernadette, à Cabrini Green, une cité qui serait le « territoire » de Candyman…
Le film
[4,5/5]
Très étrange – et sensuelle – histoire d’amour entre une femme et un Boogeyman (réel ? irréel ?), doublée d’une remarquable adaptation de la nouvelle de Clive Barker « Lieux Interdits », Candyman est sans conteste un des films d’horreur les plus singuliers et les plus envoûtants des années 90. Il s’agit d’un film de Bernard Rose, qui avait été révélé quelques années auparavant par l’excellent – et très personnel – Paperhouse. Et à nouveau, si le réalisateur a pris le parti de développer à l’écran la nouvelle de Barker, il l’enrichirait également en y mettant de lui-même.
Quoiqu’on puisse en penser aujourd’hui, si le film de Bernard Rose est fortement ancré dans la réalité (la banlieue pauvre de Chicago), les objectifs premiers de Candyman ne se situent à priori pas réellement dans le naturalisme de sa description sociale. Bien entendu, les questions sociales et raciales introduites dans le film sont importantes, et Jordan Peele, scénariste de la suite du film sortie en 2021, l’a parfaitement compris. De fait, s’il a choisi – de façon très pertinente – de faire de la question raciale la thématique principale du film de 2021, c’est parce que Candyman était le premier film d’horreur de studio à proposer aux afro-américains de s’identifier aux personnages au centre du film, et qu’en ce sens, il marquait un changement dans l’histoire du cinéma d’horreur – un postulat qu’il a parfaitement exploré dans le script de Candyman version 2021, et qui s’inscrivait dans une remarquable réflexion plus générale sur la place des noirs dans la société américaine.
Pour autant, il semble que dans le Candyman de Bernard Rose, les tours délabrées de la cité Cabrini-Green ne revêtent en réalité une signification plus « symbolique » que réellement sociale : on peut en effet les considérer comme une étape à franchir pour l’héroïne incarnée par Virginia Madsen. Car au-delà des tags qu’elle photographie, elle réalise qu’il y a quelque-chose derrière les messages et les graffitis : quelque chose de plus sinistre, en lien avec la communauté – elle passe alors de l’autre côté du miroir, faisant de son exploration du ghetto une étape au-delà de laquelle elle va découvrir que la naissance d’une légende urbaine telle que celle du Candyman peut trouver le terreau idéal dans cet univers de laissés pour compte de la société, ayant perdu toute foi en l’avenir autant que dans une quelconque idée de reconstruction sociale et humaine, perçue ici comme un idéal inatteignable.
Par conséquent, « l’idée » même du Candyman s’imposera comme la seule chose à laquelle se raccrocher, comme si la légende urbaine prenait vie afin de permettre à cette communauté opprimée de protéger les siens. Ainsi, et même s’il n’évoque que la souffrance et les sentiments les plus sombres, le boogeyman brillamment interprété par le magnétique Tony Todd finira par prendre dans l’esprit des habitants du ghetto l’image et l’aura d’une véritable Dieu – une idée qui sera d’ailleurs également reprise par Jordan Peele. Ainsi, si Bernard Rose ancre son récit dans les quartiers les plus pourris de Chicago, c’est afin de montrer que ce sont les gens les plus désespérés – ici livrés à l’isolement quasi-total du ghetto – qui sont sans doute le plus susceptibles de recourir à l’appel de ceux qu’ils peuvent percevoir comme un sauveur. Ainsi, toutes les cages d’escaliers, tous les couloirs, tous les décors sordides ornés de tags filmés par Bernard Rose dans Candyman semblent alors faire office d’autels propres au culte du Boogeyman au crochet, qui représente le désir de mort (et d’amour) qui pourrait sauver ces âmes perdues.
De fait, l’imagerie religieuse autour du personnage est d’ailleurs clairement mise en évidence par Bernard Rose, qui donne à son Candyman la voix – grave, profonde, elle impose immédiatement le silence – mais également le charisme, les paroles, les gestes lents et calculés, qui donnent presque l’impression de voir le Boogeyman singer les gestes effectués lors des cérémonies et des offices religieux. On notera également que comme dans nombre de religions, le Candyman du film de Bernard Rose assied son pouvoir par la peur, et la terreur qu’il inspire à ses disciples sera d’ailleurs l’occasion pour plusieurs gangs de régner par la violence en utilisant la légende à leur propre bénéfice.
Évidemment, les cinéphiles ayant lu la nouvelle de Clive Barker dans le cinquième volume de la série des Livres de Sang (« Prison de chair », Albin Michel, 1991) sont parfaitement conscients de la valeur ajoutée conférée par le film au récit d’origine, et de la façon dont Bernard Rose a modifié l’histoire de Barker avec Candyman, afin de lui donner une nouvelle dimension : dans la nouvelle, le Boogeyman était un homme blanc, vêtu d’un costume d’Arlequin à la Robert Powell. Le background du personnage a ainsi considérablement été modifié et enrichi, afin d’en faire ici l’esprit malveillant d’un descendant d’esclaves victime de ségrégation, et qui semble bien déterminer à laisser libre cours à son désir de vengeance sur quiconque ose répéter son nom cinq fois devant un miroir. Sans doute inspiré de la façon dont les morts ayant besoin de Beetlejuice faisaient appel à lui dans le chef d’œuvre de Tim Burton, Bernard Rose a littéralement été pris d’une inspiration de génie avec le coup du miroir – qui n’a jamais essayé après avoir vu le film ?
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Petit à petit, le format 4K fait son nid : même si on est encore loin de parler d’explosion du marché, la France vient gentiment de dépasser les 1000 titres disponibles en Ultra Haute-Définition, ce qui est plutôt encourageant. Au fur et à mesure, les « gros » films de catalogue commencent donc à apparaître sur nos écrans en 2160p, et les grands Boogeymen du cinéma d’horreur sont naturellement de la partie : après Michael Myers, c’est aujourd’hui au tour de Candyman de débarquer au format Blu-ray 4K Ultra HD en France, le personnage incarné par Tony Todd grillant la politesse aux Freddy, Jason et autres Chucky qui, pour l’instant, doivent se contenter de s’épanouir en Blu-ray.
Côté master, Candyman a bénéficié d’une restauration 4K solide, et la galette UHD éditée par ESC Éditions s’avère tout simplement majestueuse : l’image du Blu-ray 4K Ultra HD nous propose un rendu visuel époustouflant, avec une granulation préservée et un niveau de détail d’une finesse vraiment extraordinaire, et ce même si le film se déroule le plus souvent dans le noir ou dans l’obscurité – les couleurs, les contrastes et les noirs sont impressionnants : c’est magnifique, un bel hommage rendu au travail sur l’image assuré par Bernard Rose et son chef op’ Anthony B. Richmond (Ne vous retournez pas). Même constat d’excellence et de fidélité au matériau d’origine du côté des pistes sonores : version française et anglaise sont mixées en DTS-HD Master Audio 2.0, et proposent un bon équilibre et une excellente stabilité d’ensemble, sans souffle ni craquements intempestifs. Du très beau travail. La VO est également disponible dans un mixage DTS-HD Master Audio 5.1, qui se révélera particulièrement dynamique, surtout pendant les scènes de flippe et, bien sûr, celles sur lesquelles intervient le personnage-titre.
Du côté des suppléments, rien sur le Blu-ray 4K Ultra HD, alors il faudra vous rabattre sur le Blu-ray du film, qui accompagne la galette Katka dans le boîtier, mais que l’on n’a malheureusement pas reçu. Les bonus disponibles sur le Blu-ray de Candyman sont les suivants :
– Commentaire audio avec le réalisateur Bernard Rose
– Entretien croisé avec les journalistes et critiques Alexandre Poncet et Laurent Duroche (34 minutes)
– Entretien avec Olivier Desbrosses, rédacteur en chef d’Underscore, à propos de Philip Glass (17 minutes)
– 3 courts-métrages du réalisateur Bernard Rose :
A Bomb with No Name on It (4 minutes)
The Wreckers (6 minutes)
Looking at Alice (27 minutes)
– Storyboard : split-screen du film et des dessins de Bernard Rose (7 minutes)
– « Be My Victim » : entretien avec l’acteur Tony Todd (9 minutes)
– « It Was Always You » : entretien avec l’actrice Virginia Madsen (13 minutes)
– « Forbidden Flesh » : effets spéciaux de maquillage de Candyman, entretiens avec Bob Keen, Gary J. Tunnicliffe et Mark Coulier (8 minutes)
– Le Mythe de Candyman (24 minutes)
– Bande-annonce originale
– Clive Barker : un créateur d’enfer ! (11 minutes)