Test Blu-ray : Le Mari de la coiffeuse

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Le Mari de la coiffeuse

France : 1990
Titre original : –
Réalisation : Patrice Leconte
Scénario : Patrice Leconte, Claude Klotz
Acteurs : Jean Rochefort, Anna Galiena, Maurice Chevit
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h22
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie cinéma : 3 octobre 1990
Date de sortie DVD/BR : 3 mai 2022

Antoine a connu ses premiers émois amoureux dans le salon de coiffure de la plantureuse madame Sheaffer. Il s’est fait une promesse : lorsqu’il sera grand, il épousera une coiffeuse. Il rencontre Mathilde, la coiffeuse de ses rêves. Le coup de foudre est réciproque…

Le film

[5/5]

Original, hypnotique, aussi merveilleusement parfait que parfaitement merveilleux, Le Mari de la coiffeuse constitue, avec Tandem, l’un des sommets de la carrière de Patrice Leconte. Délicat, élégant, nostalgique et lumineux, ce grand film fait de petits riens nous raconte l’histoire d’un homme – dont on ignore tout, si ce n’est une poignée de bribes de son enfance – qui réalise son rêve de toujours en épousant une coiffeuse dont il est littéralement éperdu d’amour.

Drôle de drame traitant avec subtilité du désir, de l’obsession romantique tout autant que de l’éveil des sens – avec cette belle séquence de découverte de la coiffeuse victime d’une overdose de barbituriques faisant explicitement référence à « L’origine du monde » de Gustave Courbet, Le Mari de la coiffeuse dessine les contours de la rencontre entre deux solitudes, et de l’amour fou né de cette fusion des âmes, de cette folie commune – et communicative – qui les poussera à danser, à s’aimer, et même, à l’occasion d’une scène mémorable, à s’enivrer d’eau de Cologne et de cigarettes, comme si le lendemain n’existait pas.

Absolument magistral dans son interprétation, Jean Rochefort incarne donc Antoine, l’obsédé, qui voue au personnage de Mathilde incarné par Anna Galiena un amour sans limite. L’excellent scénario de Patrice Leconte et Claude Klotz laisse dans l’ombre de larges pans de la vie d’Antoine, dont on ignore ce qu’il a fait de sa vie d’adulte, comme si les quarante années qui séparaient son enfance dans les années 20 et sa rencontre avec Mathilde dans les années 60 n’avaient pas existé. Mais ces ellipses habiles ne font que renforcer l’impact dramatique du film, plaçant Le Mari de la coiffeuse plus que jamais dans l’instant présent, dans ce salon de coiffure, aux côtés de cette femme, elle lisant des magazines sur son perchoir près de la caisse, lui travaillant sur ses mots croisés sur la banquette de cuir rouge, la lumière du soleil l’inondant. Les jaunes, les bleus, les couleurs tropicales. Leurs journées s’écoulent dans une parade sereine, parfois animée par le penchant d’Antoine pour la musique orientale, sur laquelle il se met à danser, sans prévenir, comme possédé. A l’occasion, leurs regards se croisent et ils se sourient, dans un bonheur partagé.

Un bonheur immuable, mais un bonheur du présent, indéfectiblement lié au salon de coiffure où ils partagent leur existence et qui s’avère, selon les paroles du personnage d’Antoine lui-même, leur « paquebot immobile », leur vie devenant dès lors une croisière autour du monde. Ils navigueront sur le Nil, s’embrasseront dans l’ombre des grandes pyramides, verront le soleil se coucher sur tous les paradis terrestres, et ce sera toujours exactement comme ça. Parfait. Idyllique. Comme dans un rêve éveillé, qu’ils construisent ensemble. Car les deux personnages s’accordent complètement sur cette vision du bonheur, et Le Mari de la coiffeuse accompagne ces deux personnages, prenant le spectateur par la main pour l’emmener bien plus loin qu’il ne l’aurait cru possible alors que, dans la séquence d’ouverture, la voix-off imperturbable de Jean Rochefort lui déclarait « Cet été-là, j’ai réalisé que je devais prendre soin de mes couilles ».

Bien sûr, une partie de la beauté du Mari de la coiffeuse se situe aussi dans ce refus de la mièvrerie habituellement liée à l’imagerie romantique. Ce conte de fées là se déroule dans la réalité, avec de vraies personnes, dans un monde fait d’hommes, de femmes mais aussi de temps qui passe. Ce temps, Antoine et Mathilde désirent l’arrêter, et chacun des deux personnages le fera à sa manière toute personnelle, notamment lors d’un climax extrêmement fort en émotions. Bien sûr, le film ne reste pas rivé sur les personnages d’Antoine et Mathilde : Patrice Leconte et Claude Klotz interrompent régulièrement cette croisière au long cours en faisant entrer des clients dans le salon de coiffure. Deux amis inséparables (Philippe Clévenot et Ticky Holgado), cherchant inlassablement des réponses aux grandes questions de l’existence. Un petit garçon hirsute peu enclin à se faire couper les cheveux, accompagné de sa mère (Michèle Laroque). Un mari affolé (Jacques Mathou), qui se précipite au salon pour tenter d’éviter la gifle que lui assénera sa redoutable épouse. Le défilé de clients semble n’avoir cependant aucune incidence sur leur transe amoureuse. Mathilde reste cependant une coiffeuse experte ; patiente, attentive, elle est pleine de tact et toujours souriante. Le soleil brille à l’intérieur du salon, éclairant leurs jours.

Drôle, chaleureux et fantaisiste, Le Mari de la coiffeuse développe son style minimaliste tout en nous proposant néanmoins une photographie exceptionnelle signée Eduardo Serra, et une sublime musique de Michael Nyman. Tout au long du film, le spectateur se verra comme transporté, et le ton et la musique ne varieront guère tout au long du film. Nous passons presque tout le film à l’intérieur d’un salon de coiffure, et pourtant l’intérêt ne faiblit jamais. Et d’une manière étrange, la fin du film pourra également être considérée comme une fin heureuse. Heureuse pour elle, heureuse pour lui : l’amour qui lie Antoine et Mathilde reste inaltéré, éternel, dépassant la problématique du temps qui passe – on pourra également la voir comme une libération, notamment par rapport à l’intensité de cet amour, que l’on ressent tout au long du film comme trop beau pour durer, voire même trop parfait pour être supporté. Un chef d’œuvre, assurément, à la fois envoûtant et doux-amer.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponible chez Rimini Éditions au sein d’une petite vague de Blu-ray consacrés au cinéma de Patrice Leconte (on vous invite d’ailleurs à lire nos tests des Grands Ducs et du Parfum d’Yvonne), son chef d’œuvre Le Mari de la coiffeuse s’offre donc aujourd’hui, un peu plus de trente ans après sa sortie dans les salles, un lifting Haute-Définition très attendu par les amoureux du jeu du regretté Jean Rochefort. Présenté au format Scope 2.35 respecté et en 1080p, Le Mari de la coiffeuse bénéficie donc de l’expertise de Rimini en termes de restauration, et s’offre de fait une cure de jouvence absolument salvatrice. La définition en ressort accrue, les couleurs sont superbes, et le grain cinéma a été parfaitement préservé. L’ensemble s’avère d’une finesse remarquable, et s’il ne s’agit pas d’une totale redécouverte, on salue tout de même l’excellent travail technique de l’éditeur sur ce titre. Côté son, le film de Patrice Leconte nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo d’origine : les dialogues sont clairs, nets et parfaitement découpés, on ne déplore aucun souffle disgracieux… Du beau travail acoustique qui vient comme la cerise sur le gâteau d’une présentation vidéo optimale.

Du côté des bonus, l’éditeur nous propose tout d’abord un passionnant entretien avec Patrice Leconte (18 minutes). Après avoir commencé en évoquant la courte durée de ses films en général, il se remémorera le tournant dans sa carrière ayant eu lieu avec les sorties consécutives de Tandem et du Mari de la coiffeuse, qui lui valurent souvent dans la presse que l’on dise de lui qu’il « entrait dans la cour des grands ». Il évoquera ensuite ses rapports avec le producteur Thierry de Ganay, la composition artisanale de son film, à base de bribes, d’ambiances et d’odeurs. Il se rappellera également que Jean Rochefort et Anna Galiena ne s’entendaient pas trop sur le plateau. Ces propos seront vaguement contredits par l’intéressée dans un entretien avec Anna Galiena (17 minutes), qui évoquera quant à elle un tournage « parfait », à l’ambiance agréable, et la fantaisie de Jean Rochefort. On se replongera ensuite dans un long entretien avec Patrice Leconte (55 minutes) recyclé du DVD sorti en l’an 2000 chez Opening. Cette interview durant laquelle le cinéaste commente plusieurs séquences de son film est non seulement passionnante, mais elle permet également de constater que le cinéaste a de la suite dans les idées : de nombreuses anecdotes citées dans l’entretien de 2022 l’étaient déjà en 2000 – la genèse du film et les relations avec Thierry de Ganay, le comportement de Jean Rochefort vis-à-vis d’Anna Galiena, l’anecdote du barrage sur la plage… On terminera enfin avec le très amusant court-métrage Le Batteur du Boléro (8 minutes, 1992, HD), mettant en scène Jacques Villeret.

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