Le Parfum d’Yvonne
France : 1994
Titre original : –
Réalisation : Patrice Leconte
Scénario : Patrice Leconte
Acteurs : Hippolyte Girardot, Sandra Majani, Jean-Pierre Marielle
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h29
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie cinéma : 23 mars 1994
Date de sortie DVD/BR : 3 mai 2022
À la fin des années 50, un jeune homme qui prétend être un comte d’origine russe, tombe amoureux d’une sublime jeune femme, toujours accompagnée d’un dogue allemand et d’un vieil excentrique. Tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…
Le film
[3,5/5]
Un an après l’humour noir de Tango (1993), Patrice Leconte revenait avec Le parfum d’Yvonne à une ambiance lui étant diamétralement opposée : celle de la mélancolie vaporeuse et de la langueur doucement rêveuse qui imprégnait Le mari de la coiffeuse, une des plus grandes réussites artistiques de sa carrière. Sauf que, comme on dit, la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit : malgré ses efforts pour tenter d’insuffler un peu de magie au cœur de son récit adapté de Patrick Modiano, Patrice Leconte ne parviendra ici que partiellement à recréer l’atmosphère d’insouciance et de nostalgie de son film de 1990, et les résultats au box-office furent malheureusement sans appel : avec seulement 159.000 entrées réalisées en France au printemps 1994, Le parfum d’Yvonne s’impose clairement comme une des œuvres les plus « mal aimées » de Patrice Leconte. « Boudé par le public et vilipendé par la critique » déclarera le réalisateur quelques années plus tard au magazine Positif.
Peut-être ce désamour du public est-il à mettre au crédit de l’absence de Jean Rochefort, et surtout de la présence de deux têtes d’affiche n’ayant jamais réellement réussi à marquer les esprits du public français (Hippolyte Girardot et Sandra Majani). Alors bien sûr, il y a Jean-Pierre Marielle, l’immense Jean-Pierre Marielle, qui illumine certes Le parfum d’Yvonne de son aura incomparable, mais qui n’est probablement pas suffisamment présent à l’écran pour complètement sauver le film. On est loin du naufrage cependant : grâce au talent de formaliste de Patrice Leconte, aux sublimes images signées Eduardo Serra et à une série de belles performances d’acteur, le film reste très agréable et régulièrement charmant. Cependant, il s’agit aussi d’une œuvre un peu trop « pépère », qui ronronne plus qu’elle ne rugit, et à laquelle il manque le petit supplément d’âme qui lui aurait permis de devenir incontournable.
L’histoire du Parfum d’Yvonne est d’une simplicité trompeuse, et tourne autour du souvenir d’une romance intense ayant pris place au cours de l’été 1958. Le film est raconté par le biais d’une série de flash-backs, alors que Victor (Hippolyte Girardot) contemple ce qui semble être un feu de joie – mais qui est en fait tout autre chose – et se remémore quelques années en arrière le jour fatidique où il a rencontré la jeune et jolie Yvonne (Sandra Majani) dans le hall d’un hôtel de luxe sur les rives du lac Léman. Si comme on l’a dit un peu plus haut, les deux acteurs principaux peinent un peu à convaincre, Jean-Pierre Marielle quant à lui compense clairement leur côté un peu falot, et s’avère littéralement fracassant dans le rôle du Dr Meinthe, un médecin homosexuel, absolument flamboyant dans son genre, se nommant lui-même « la Reine des Belges », et rendant de menus services pas forcément légaux dans le cadre de la guerre d’Algérie. Victor, déserteur, vit sous une fausse identité dans une pension de famille. Avec Yvonne et Meinthe, ils forment un trio de co-conspirateurs qui mènent une vie tranquille, faite d’élégance et d’un certain cynisme, qui se traduira par de vives moqueries visant leurs contemporains. Magistral, Jean-Pierre Marielle confère cependant une grande dignité à son personnage. Au rayon des seconds-rôles, on notera la présence de Richard Bohringer, qui nous livre une performance convaincante dans le rôle de l’oncle garagiste d’Yvonne.
Les scènes d’amour du Parfum d’Yvonne sont remarquablement sensuelles, fleurant bon l’érotisme bourgeois bon teint, avec leur lot de préliminaires tranquilles et de caresses prolongées. Habile metteur en scène d’un érotisme sophistiqué, Patrice Leconte utilise la largeur du format Cinemascope pour isoler certains gestes significatifs et autres détails évocateurs : un foulard en soie, un genou placé de manière aguichante, etc. Il faut dire aussi que Le parfum d’Yvonne plonge le spectateur au cœur d’une époque bien antérieure à la révolution sexuelle de la fin des années 60 : beaucoup de choses étaient alors tacitement interdites, et leur souvenir n’en sera que plus délicieux pour les personnages du film. La délicatesse de l’ensemble est encore soulignée par la musique mélancolique de Pascal Estève, absolument superbe.
Le Blu-ray
[4/5]
Après plusieurs éditions au format DVD, Le parfum d’Yvonne débarque aujourd’hui en Blu-ray, sous les couleurs de Rimini Editions. On souhaite le meilleur à l’éditeur en termes de ventes : le fait de ressortir aujourd’hui ce film de Patrice Leconte constitue en effet un pari éditorial audacieux, pour un titre dont le potentiel commercial n’est pas forcément évident – on se souvient par exemple que par le passé, Le parfum d’Yvonne avait été couplé par M6 Vidéo avec un autre film de Patrice Leconte (Les Grands Ducs) afin d’attirer davantage l’attention du public.
Côté Blu-ray, il n’y a pas grand-chose à redire : le master est proposé en 1080p, et la restauration est globalement réussie ; le tout est encodé avec soin, et le film de Patrice Leconte affiche un excellent niveau de détail et des contrastes solides, doublées de couleurs magnifiques. Par ailleurs, l’image ne semble pas avoir subi de filtrage numérique : le grain argentique est parfaitement respecté. Côté son, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, et impose un rendu acoustique relativement ouvert et ample, d’une parfaite efficacité malgré un très léger souffle. Les dialogues sont intelligibles, et la piste est globalement très propre, sans effets de saturation intempestifs. Du très beau travail.
Du côté des suppléments, on retrouvera dans un premier temps le commentaire audio de Patrice Leconte déjà disponible sur l’édition M6 Vidéo, qui s’avérera toujours aussi passionnant qu’il y a vingt ans, tant dans ce qu’il raconte du film que dans ses aspects les plus techniques. On terminera ensuite avec un entretien avec Patrice Leconte (12 minutes), enregistré il y a seulement quelques semaines à l’occasion de la mise en boite de cette édition Blu-ray. Bien sûr, beaucoup des propos qu’il tient au cours de cette interview auront largement été évoquées dans le commentaire audio du film, mais Patrice Leconte est un personnage toujours intéressant, ayant le don pour capter l’attention du spectateur. Il expliquera donc que l’insuccès du Parfum d’Yvonne ne l’empêche pas d’aimer ce film, et ce pour plusieurs raisons : il s’agissait de sa première collaboration avec Jean-Pierre Marielle, d’une adaptation de Patrick Modiano qu’il admire beaucoup, et il est très content de la lumière d’Eduardo Serra. Pour autant, il admettra également avoir quelques regrets, par rapport au titre, choisi par le producteur, mais également par rapport à l’affiche du film, qu’il qualifie de « calamiteuse ». Il se lamentera également d’avoir contribué avec ce film à la chute de Sandra Majani, qui aurait sans doute pu, si le film avait été un succès, connaitre une belle carrière d’actrice. Après s’être un temps reconvertie dans la décoration d’intérieur, elle a depuis opté pour une autre carrière, dans la vente immobilière en région parisienne.