Test Blu-ray : La Truite

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La Truite

France : 1982
Titre original : –
Réalisation : Joseph Losey
Scénario : Monique Lange, Joseph Losey
Acteurs : Isabelle Huppert, Jean-Pierre Cassel, Jeanne Moreau
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 22 septembre 1982
Date de sortie Blu-ray : 13 avril 2022

« La Truite », c’est Frédérique, semblable à ce poisson qu’elle élevait chez son père dans son Jura natal. Froide, insaisissable, elle provoque les hommes puis se refuse à eux. Un soir, au bowling avec son mari, elle rencontre deux hommes d’affaires. Ils sont aussitôt fascinés par l’innocence provocante de Frédérique. L’un d’entre eux l’invite à l’accompagner dans un voyage d’affaires au Japon…

Le film

[3,5/5]

Cinéaste américain exilé au Royaume-Uni après avoir été mis sur la « liste noire » à Hollywood, Joseph Losey est aujourd’hui surtout connu pour ses collaborations successives avec Harold Pinter, qui écrivit pour lui les scénarios de The Servant (1963), Accident (1967) et Le Messager (1971), trois films incontournables explorant, entre autres, les relations hommes / femmes, la psychologie sexuelle ou encore l’infidélité. De fait, Joseph Losey a souvent été considéré comme le plus « européen » des cinéastes américains, dans le sens où ses films étaient émotionnellement complexes et exploraient sans concession certaines particularités du comportement humain, parfois envisagées comme des travers.

La Truite ne fait pas exception à la règle : on irait même jusqu’à dire que pour son avant-dernier film, Joseph Losey nous présentera ici l’humanité sous un jour bien peu flatteur. Le personnage central du film, Frédérique (Isabelle Huppert), est la fille manipulatrice d’un éleveur de truites qui a appris, dès l’adolescence, qu’elle pouvait utiliser la sexualité pour obtenir tout ce qu’elle voulait des hommes. Utilisant une structure narrative à base de flash-backs, le film de Losey joue la carte des allers/retours entre le passé et le présent. Le cinéaste suit donc l’ascension sociale de la jeune femme : son mariage intéressé avec un homosexuel hypersensible et autodestructeur, la façon insidieuse dont elle attirera l’attention de deux hommes d’affaires prospères, puis son voyage au Japon à la recherche du « Satori », un état d’élévation de la conscience dans le bouddhisme zen.

Bien interprété et bénéficiant d’une élégante photographie d’Henri Alekan (Les Ailes du désir), La Truite évolue sur son propre rythme, lent mais assez fascinant, dépassant largement le simple « portrait de garce » que beaucoup y voient pour s’imposer comme un récit aux nuances profondes et complexes, suivant une femme ayant découvert beaucoup trop tôt la façon sadomasochiste dont tourne le monde, et qui cherche à s’y adapter sans y laisser son innocence. L’héroïne de La Truite incarnée par Isabelle Huppert n’a qu’un seul allié : un vieux japonais qui a atteint un état de conscience supérieur et s’avère donc détaché de toutes les contingences de la vie telle que Frédérique la subit.

Au final, La Truite est donc plutôt davantage un portrait de femme qu’un simple portrait de garce – la frigidité de Frédérique et son incapacité à s’engager dans des relations sexuelles ne semblent pas si incompréhensibles dans le fond, surtout si on met son attitude en balance avec les défauts de caractère des hommes qui l’entourent – chacun d’entre eux semble en effet ressentir un « vide » dans son existence, et pense pouvoir le combler avec la jeune femme. Mais au contraire, ils perdront tous une partie d’eux-mêmes dans leur relation avec Frédérique, et tous lutteront, sans succès, pour réparer les dégâts occasionnés par sa présence nuisible et nihiliste.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est donc aujourd’hui sous les couleurs de Gaumont que débarque La Truite en Blu-ray. Le film rejoint les rangs de la prestigieuse collection Blu-ray Découverte de l’éditeur (parfois également appelée Gaumont découverte en Blu-ray). Techniquement parlant, la galette Haute Définition que nous propose l’éditeur a tout de la merveille, rendant clairement hommage au travail sur le cadre et la photo effectué par Joseph Losey et Henri Alekan. L’image encodée en 1080p est à la hauteur de nos attentes et de nos exigences de consommateur, et le niveau de détail est précis, les couleurs sont superbes, la définition sans la moindre faille, c’est absolument magnifique, d’autant que le grain cinéma a été scrupuleusement préservé. Côté audio, Gaumont reste fidèle à son excellente réputation en nous offrant le film dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 à l’ampleur sonore remarquable, clair et sans fausse note. On notera également la présence de sous-titres à destinations des sourds et malentendants.

Côté suppléments, Gaumont nous propose, en plus de la traditionnelle bande-annonce, un entretien avec Frédéric Bourboulon (21 minutes), deuxième assistant réalisateur sur La Truite et ami assez proche de Joseph Losey jusqu’à la fin de sa vie. Il y reviendra entre autres sur la forte consommation d’alcool du réalisateur au moment du tournage. N’étant guère clément vis à vis du film, il affirmera que La Truite n’est « pas un bon film », mais réalisé par un excellent metteur en scène, ce qui est « toujours mieux que le chef d’œuvre d’un naze ». Entre deux anecdotes sur le tournage ou les acteurs, il qualifiera par la suite le film de « beau foutoir ».

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