Critique Express : A plein temps

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A plein temps

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Eric Gravel
Scénario : Eric Gravel
Interprètes : Laure Calamy, Anne Suarez, Geneviève Mnich
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h25
Genre : Drame
Date de sortie : 16 mars 2022

4/5

Synopsis : Julie se démène seule pour élever ses deux enfants à la campagne et garder son travail dans un palace parisien. Quand elle obtient enfin un entretien pour un poste correspondant à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports. C’est tout le fragile équilibre de Julie qui vacille. Elle va alors se lancer dans une course effrénée, au risque de sombrer.


Quand les difficultés s’enchainent !

Dire que Julie est speedée est un euphémisme. La petite quarantaine, elle est divorcée, elle élève seule ses 2 enfants, son mari pense rarement à envoyer à temps la pension alimentaire, et, pour se rendre à son travail, elle doit faire chaque jour l’aller-retour entre le village de la région parisienne où elle habite et le palace parisien dans lequel elle est première femme de chambre. Si ce lieu de résidence, c’est elle qui l’a choisi afin de donner un cadre de vie agréable à ses enfants, son travail actuel n’est qu’un pis aller en attendant de retrouver un travail en phase avec ses diplômes, elle qui était chargée d’études de marketing, 6 ans auparavant, avant la disparition de la société qui l’employait. En temps normal, son emploi du temps est donc déjà largement chargé entre la préparation du petit déjeuner pour les enfants, le fait de les accompagner chez leur nounou qui les conduira à l’école, qui viendra les rechercher et qui s’occupera d’eux en attendant le retour de leur mère, le trajet en RER vers Paris, le travail dans le palace dans lequel il est indispensable de satisfaire en permanence des clients friqués et difficiles même quand il arrive qu’un chanteur écossais ait fait une « Bobby Sands » dans sa chambre (Il y a un moyen de savoir de quoi il s’agit : aller voir le film !), le retour en RER, la récupération des enfants chez la nounou et la soirée avec eux, en leur donnant, malgré la fatigue, un maximum d’amour. Mais que dire de la vie qu’elle va devoir mener lorsque le personnel des transports de la région parisienne entre dans une grève très dure et très suivie, et cela au moment précis où se profile pour elle un entretien d’embauche qui pourrait déboucher sur l’emploi qu’elle recherche ? Des circonstances qui vont conduire Julie à jongler de trajets en bus de remplacement à des trajets en stop, à mentir, à mettre des collègues en situation délicate, etc.

 

Deux ans ! Deux ans que la pandémie suivie par la guerre en Ukraine ont entrainé  beaucoup de nos concitoyens vers une forme d’amnésie. Heureusement, alors que l’élection présidentielle se rapproche à grands pas, une élection qui va déterminer notre avenir pour les 5 ans à venir, le cinéma est là pour rappeler à notre souvenir tous les problèmes, nombreux et variés, qui existaient bien avant la pandémie et l’Ukraine. L’hôpital public abandonné à son triste sort, avec son personnel et ses patients, heureusement qu’il y a eu La fracture pour le rappeler au souvenir de celles et ceux qui l’avaient oublié ! Les compressions de personnel imposées pour mieux rémunérer des actionnaires, heureusement qu’il y a eu Un autre monde pour nous le rappeler. Le triste sort des personnes qui travaillent dans les métiers du lien, assistantes maternelles, accompagnantes d’enfants en situation de handicap, auxiliaires de vie sociale, infirmières, aides-soignante, techniciennes de surface, scandaleusement sous-payées et devant subir des horaires démentiels, heureusement qu’il y a eu Debout les femmes !  pour nous le rappeler. Et Ouistreham aussi, bien sûr. Et toutes les causes qui ont entrainé le mouvement des gilets jaunes, qu’on a pu suivre dans J’veux du soleil, dans Un peuple, dans A demain mon amour. A plein temps vient s’ajouter à cette liste, en nous parlant des problèmes des familles monoparentales, le plus souvent des familles qui voient une femme seule élever ses enfants avec des ex-maris qui ne respectent pas toujours le paiement des pensions alimentaires. Avec, en prime, le tact consistant à ne pas mettre les grévistes en accusation pour les problèmes supplémentaires subis par Julie.

Après Crash Test Aglaé, un film de 2017 qui n’a pas rencontré le succès qu’il méritait, A plein temps est le deuxième long métrage du réalisateur franco-canadien Eric Gravel. Présenté dans la section Orizzonti lors de la dernière Mostra de Venise, A plein temps a obtenu le Prix du meilleur Réalisateur et celui de la meilleure actrice, décerné à Laure Calamy. Cette dernière, qui interprète le rôle de Julie, est pratiquement de tous les plans et sa prestation prouve qu’elle est définitivement entrée dans la poignée des grandes comédiennes françaises du moment. En plus, elle est remarquablement filmée par Victor Seguin qui, après Revenir et Gagarine, montre qu’il est un excellent Directeur de la photographie. L’alternance de scènes filmées de façon très nerveuse et de scènes filmées de façon beaucoup plus calme fonctionne très bien et permet de respecter au mieux le contexte de chacune de ces scènes. Du trio Gravel, Calamy, Seguin, on retiendra particulièrement deux scènes particulièrement bouleversantes : un face-à-face entre Julie et Sylvie, sa supérieure hiérarchique dans le palace, et la scène finale, qu’on se gardera bien de dévoiler. Finalement, il semble bien que le seul bémol du film soit la musique électro d’Irène Drésel : une musique médiocre quand elle n’est pas horripilante. Heureusement, elle n’est pas présente en permanence.

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