Critique : Balada Triste

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Balada Triste

Balada Triste

Balada TristeFrance, Espagne : 2010
Titre original : Balada Triste De La Trompeta
Réalisateur : Álex de la Iglesia
Scénario : Álex de la Iglesia
Acteurs : Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang
Distribution : SND
Durée : 1h47
Genre : Drame, Comédie
Date de sortie : 22 juin 2011

Note : 4,5/5

A film décalé, critique décalée… Lundi dernier, Alex de la Iglesia (Le Crime farpait, Crimes à Oxford…) présentait son nouveau film Balada Triste au public français… Enfin plutôt franco-espagnol si on en croit les gens présents dans la salle. Décrit comme le film le plus original de la décennie selon le journal espagnol El Pais, les rédactrices de Critique-film.fr (Anaïs et Claudine) le voient plutôt comme l’un des films les plus originaux de l’histoire du cinéma ! Et apparemment nous ne sommes pas les seules vu les réactions du public qui a semblé assez séduit par cette histoire poético-trash (oui on invente toujours des mots…).

1973, en pleine Espagne franquiste: Bien décidé à venger son père mort sous le régime du dictateur après avoir vu sa carrière de clown détruite, Javier intègre une troupe de cirque pour suivre les pas des hommes de sa famille. Dès qu’il pose les yeux sur Natalia, la belle acrobate du cirque, Javier tombe éperdument amoureux. Malheureusement, celle-ci «appartient» à Sergio, homme violent et imprévisible. Ce dernier est le futur partenaire de Javier . Sergio, est le clown joyeux qui fait rire les enfants, Javier le clown triste un peu pathétique mais touchant. Une rivalité d’une violence sans limite pour gagner l’amour de la belle va alors naître entre les deux hommes…

 
Balada Triste

Machete au cirque Pinder

Vous vous souvenez de Machete, le Mexicain assoiffé de vengeance imaginé par Robert Rodriguez ? On vous avait dit qu’il reviendrait…on ne l’attendait pas sous les traits d’un clown dans un film espagnol d’Álex de la Iglesia.

Dès le début de Balada Triste le ton est donné : ça va saigner. On se prend une grande claque avec un générique violent et puissant à vous rendre épileptique : par succession de flashs mêlant images d’archives et séquences du film et emmené par le son des castagnettes quasi militaires, le spectateur se retrouve scotché à son siège avec l’impression que si le film s’arrêtait après le générique, le spectacle aurait déjà justifié le prix de la place (excessivement chère, rappelons-le ! Message subliminal passé…).

Violence certes, mais de la violence es-thé-tique s’il-vous plait ! S’ il y a quelque chose de Tarantinesque dans ce film, Balada Triste cache un réel message et traite d’un sujet grave et encore très présent dans les mémoires du peuple espagnol. Il semblerait en effet que les cinéastes espagnoles aient du mal à se confronter directement au sujet du franquisme sans ajouter une touche onirique et fictive à leurs films comme l’a précédemment montré Guillermo del Toro avec Le Labyrinthe de Pan.

Là où Tarantino joue sur des dialogues jubilatoires, des scènes cultissimes et des musiques inoubliables et où Rodriguez s’amuse à mettre en scène de la violence décalée à l’extrême, Álex de la Iglesia utilise cette « belle » violence comme métaphore de l’absurdité de la période franquiste. En effet, il est peu probable de croiser ce genre de clowns assassins dans les cirques (bien que depuis Ça les cas de clownophobie aigüe aient très nettement augmentés), mais comme le dit lui-même le réalisateur, quand on a 8 ans dans une Espagne meurtrière, la fiction rejoint la réalité. Ce qui explique les images d’archives incrustées régulièrement au récit, et les évènements historiques (attentats,etc.) qui se retrouvent au milieu des scènes burlesques.

 
Balada Triste

« Le monde est un cirque »

C’est étrange mais deux hommes (l’un jeune et innocent, l’autre violent et dangereux) dans un cirque partageant l’amour d’une belle acrobate… ça rappelle quelque chose, non ? Mais la ressemblance avec De l’eau pour les éléphants s’arrête là, et d’ailleurs Balada Triste a été réalisé bien avant que le film de Francis Lawrence ne sorte sur nos écrans : «Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite». En même temps, De l’eau pour les éléphants c’est d’abord un livre, mais Alex, ça fait 15 ans qu’il réfléchit à un film sur deux clowns tueurs, alors bon…

Toutefois, dans les deux œuvres on retrouve une affirmation commune : «Le monde est un cirque.»

Álex de la Iglesia utilise le maquillage et les costumes, éléments liés au cirque, pour exprimer l’idée selon laquelle personne n’est ni blanc ni noir, mais a au moins deux visages… Voire plus, si l’on observe le personnage de Natalia (Carolina Bang), changeant d’apparence (perruques, maquillage, costumes) à chaque scène ou presque, la rendant méconnaissable. Personnage aussi double dans son comportement, oscillant sans cesse entre le sentiment de protection que lui procure Javier (Carlos Areces) et la jouissance malsaine et violente que lui apporte Sergio (Antonio de la Torre).

Les clowns quant à eux vont beaucoup plus loin dans la transformation physique, se retrouvant défigurés avec des traces indélébiles laissant en réalité apparaître leur vrai visage.

 
Balada Triste

La belle et les bêtes

Javier et Sergio deviennent donc des bêtes de foire, de vrais animaux. Álex de la Iglesia s’offre d’ailleurs un pur délire néandertalien pour exprimer le retour à l’état primitif de Javier. Les deux hommes se battent comme des animaux pour la belle Natalia, qui elle aussi montre son côté bestial à travers son masochisme. Pour elle, l’amour ne peut être fait que de violence physique et verbale. Après tout, les protagonistes ne seraient-ils pas eux même les animaux du cirque?

Toute cette bestialité atteint son paroxysme lors de la scène finale, que l’on peut comparer à King Kong, la belle gravissant une immense croix, les deux bêtes à sa poursuite dans l’espoir de la récupérer mais pourchassés elles-mêmes par l’armée. Mais un seul peut prétendre à la victoire .

Tout en étant bestiale cette scène fait partie de l’un de ces moments de grâce qui ponctuent le film. Entre deux scènes de pure violence, les personnages retrouvent un peu de leur humanité lors de séquences douces qui amplifient tout l’humour noir et le sarcasme présents du début à la fin du film. La scène durant laquelle le clown triste regarde au cinéma un autre clown triste issue du film Sin un adios est tout simplement LA scène du film. Mise en abime, moment de prise de conscience pour Javier, à la fois émouvante et violente, c’est le moment clé du long-métrage. Il semblerait qu’Álex de la Iglesia s’amuse à briser tous les codes et rythmes de réalisation en faisant éclater la violence là où on ne l’attend pas et en rendant ses personnages meurtriers attendrissants.

D’ailleurs, le film en entier est si fort qu’il provoquera forcément une réaction extrême chez le spectateur, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Autant le dire clairement, Balada Triste déplaira à tous ceux qui ne sont pas fans des univers violents de Tarantino et Rodriguez, mais ravira les autres. Petit bijou pour certains, bon nanar pour d’autres…

Conclusion

Balada Triste est ce qu’on peut appeler une tuerie, au sens propre comme au figuré. Álex de la Iglesia signe un film profond, non conventionnel, fou, ancré dans l’histoire et pour autant ultra violent et beau à la fois. A déconseiller donc aux âmes sensibles. Pour les autres, quand on vous demandera « Avez-vous déjà vu De l’eau pour les Éléphants rencontre Machete ?», vous pourrez répondre « Maintenant, oui ! ».

[Critique de Claudine et Anaïs]

5 Commentaires

  1. Superbe critique très bien écrite c’est vrai que ce film prend au trip ! Je ne suis pas d’accord avec le rapprochement avec Tarantino lui c’est de la violence purement gratuite dépourvue de sens mais bon …
    Juste une question je n’arrive pas à me procurer le résumé et le film Sin un adios Sauriez vous où je peux trouver cela ? Merci pour votre critique

    Bien à vous

    Deborah

  2. Bonjour,
    je ne vois trop où il y a violence gratuite dans les tarantino, à part dans boulevard de la mort bien sûr (mais elle y a totalement sa place, vu le genre dans lequel s’inscrit le film).

  3. Moi qui n’aime pas beaucoup les clowns, je viens de le regarder et je dois l’avouer, il m’a complètement scotché ! Au fur et à mesure qu’on avance, l’histoire monte en crescendo jusqu’à la grande scène finale (à laquelle je ne m’attendais pas, d’ailleurs…). Un film trash et beau à la fois et surtout très original ! =)

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