Attention bandits
France : 1987
Titre original : –
Réalisation : Claude Lelouch
Scénario : Claude Lelouch, Pierre Uytterhoeven
Acteurs : Jean Yanne, Marie-Sophie L., Patrick Bruel
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h48
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 3 juin 1987
Date de sortie DVD/BR : 6 janvier 2022
Simon Vérini a quitté le banditisme jusqu’au jour où un jeune voyou, « Mozart », vient lui proposer une affaire… Dénoncé, il passe 10 ans en prison pendant lesquels il échange une correspondance abondante avec sa fille Marie-Sophie. A sa sortie, c’est le choc de deux mondes. Et Marie-Sophie ne tarde pas à tomber amoureuse de l’homme qui a peut-être tué sa mère et trahi son père…
Le film
[3/5]
Entre l’échec critique et public d’Un homme et une femme : vingt ans déjà en 1986 et le triomphe d’Itinéraire d’un enfant gâté en 1988, Claude Lelouch n’a pas chômé : l’année 1987 fut en effet marquée par la sortie d’Attention bandits, qui ne fit pas forcément grand bruit du côté du box-office, mais qui s’imposait comme une petite récréation dans la carrière du cinéaste. Un polar « à la Lelouch », typique de son auteur, avec tout ce que cela peut sous-entendre en termes de qualités et de défauts.
Ainsi, et malgré les nombreuses références faites à la mort de Jean Gabin au début du film, Attention bandits n’est pas du tout Le Clan des Siciliens. Détournant volontiers les codes du polar, le film de Lelouch s’inscrit davantage dans la veine « intimiste » de son cinéma, avec ses longues séquences quasiment non narratives et que l’on devine en grande partie improvisées : la scène de pêche, le long montage alterné sur la pension suisse, la scène du restaurant, le plan final sur la péniche…
Cinéaste de la digression, Claude Lelouch « dilue » le plus possible son histoire de vendetta au cœur d’Attention bandits : d’avantage intéressé par les retrouvailles entre un père et sa fille après de longues années de séparation que par les échanges de coups de feu, il orientera le spectateur dans une autre direction, à travers une série de scènes typiques de son style, c’est-à-dire faite de regards, de soupirs, d’hésitations, de bafouillements… Toujours à la recherche du « moment de vérité » qui finira par transcender son histoire, Lelouch abandonne la mise en scène volontiers tourbillonnante qui a fait sa réputation : l’approche formelle de l’histoire est plus sage, même si quelques rebondissements et autres ficelles narratives conservent pour beaucoup la naïveté – presque la niaiserie – du conte de fées.
C’est le style Lelouch : on aime ou on déteste. Selon le degré de rigueur observé par le cinéaste dans l’écriture de son scénario, le résultat à l’écran pourra varier d’un extrême à un autre. Dans le cas d’Attention bandits, évidemment, le manque de fermeté dans la façon de mener l’intrigue policière donne régulièrement l’impression que le cinéaste oublie son objectif principal, d’autant que le film passe souvent sans transition du coq à l’âne. Soyons honnête, ce défaut risque d’agacer plus d’un spectateur, surtout quand les digressions semblent étirées jusqu’à l’absurde, comme durant la scène de la pension suisse, qui suit de façon bucolique les interminables échanges épistolaires entre un père et sa fille, tous deux emprisonnés à leur manière.
Bien évidemment, malgré la lutte entre l’innocence et le vice qui se joue en arrière-plan, les choix formels de Claude Lelouch sur Attention bandits mettent finalement les acteurs au premier plan de l’œuvre : ils en sont l’âme, la substantifique moelle. C’est à la fois une qualité et un défaut, dans le sens où il va sans dire que le grand Jean Yanne terrasse tous ses camarades de jeu par son naturel, sa répartie et son goût inné pour l’improvisation.
Si on n’a jamais eu l’occasion de voir le scénario écrit par Lelouch pour le film, on miserait volontiers notre chemise sur le fait que les trois quarts des dialogues d’Attention bandits n’étaient pas écrits dans le script, et furent le fruit des brillantes improvisations de l’acteur principal. Et quitte à prendre froid, on miserait également notre pantalon sur le fait que le discours sur le « bégaiement » du personnage de Marie-Sophie L. a été improvisé par Jean Yanne, et a donc à sa manière influencé la suite du tournage, Lelouch demandant de ce fait à son actrice de réitérer les balbutiements. Face à Jean Yanne, bien sûr, les autres acteurs font ce qu’ils peuvent. Patrick Bruel ne s’en sort pas trop mal, jouant de son image de séducteur, offrant au film quelques jolies séquences et une insupportable chanson titre. Charles Gérard, éternel second-rôle du cinéma français, fait parfaitement ce qu’on attend de lui, c’est-à-dire en composant le traditionnel sous-fifre pittoresque, bourru mais gentil.
Mais au-delà de la mise en scène de Claude Lelouch en elle-même, le vrai problème de d’Attention bandits se situe surtout dans le jeu de Marie-Sophie L., qui atteint très rapidement ses limites. Epouse de Claude Lelouch à l’époque, elle jouerait dans tous ses films entre 1985 et 1993, avant de mettre un temps sa carrière d’actrice entre parenthèses, puis de se spécialiser dans les rôles à la TV, qui lui conviennent probablement mieux. Dans Attention bandits, son jeu sonne extrêmement faux dès les premières scènes où elle apparaît et le moins que l’on puisse dire, c’est que la liberté dont elle bénéficiait sur le tournage ne sert pas son personnage : ses talents dans le domaine de l’improvisation sont très limités, et elle se contentera le plus souvent de rire des facéties de Jean Yanne, avant de se ressaisir et de tenter de le suivre, sans succès. Les deux grandes scènes de dialogues avec l’acteur – dans la voiture à sa sortie de prison, puis au restaurant – donnent au contraire l’impression d’une actrice dépassée par les événements, et ce même quand l’acteur tente de la provoquer (notamment en la comparant à une « pute ») afin de la faire réagir. La platitude de son interprétation ternit au final largement l’impact que le film aurait pu avoir avec une actrice d’une trempe supérieure (Juliette Binoche, Isabelle Adjani…).
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible depuis peu chez Metropolitan Vidéo, qui a récupéré au sein de son catalogue une poignée de films de Claude Lelouch, Attention bandits s’offre donc un inattendu lifting HD sur galette Blu-ray, qui fait suite à une nouvelle et remarquable restauration du film, effectuée avec le soutien du CNC. Et on ne pourra que saluer le travail de restauration de l’éditeur, qui se fend aujourd’hui d’un bien beau master : définition exemplaire, piqué précis, couleurs éclatantes… Le rendu est optimal, impeccablement homogène, on redécouvre totalement le film. La légère granulation d’origine est également parfaitement respectée par l’encodage Blu-ray. En un mot : c’est superbe. Côté audio, le film de Lelouch est encodé en DTS-HD Master Audio 2.0 et propose un mixage essentiellement basé sur les voix, mais rendant un bel hommage à la musique de Francis Lai. Des sous-titres anglais sont également disponibles. Dans la section suppléments, on trouvera la traditionnelle bande-annonce du film.