La Révélation
France : 1973
Titre original : –
Réalisation : Alain Lavalle
Scénario : Giova Selly, Alain Lavalle
Acteurs : Olga Georges-Picot, Juliette Mills, Sady Rebbot
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h20
Genre : Drame, Érotique
Date de sortie : 25 janvier 1973
Date de sortie Blu-ray : 15 juillet 2021
Mariée avec deux enfants, jolie femme, Claire a tout pour être heureuse. Mais voilà, son mari, un homme d’affaires, est souvent absent. Lorsque ses enfants partent en classe de neige, Claire se retrouve seule. Désemparée, elle sort avec son amie Gisèle et fait la connaissance d’un couturier, Michel. Gisèle et lui s’adonnent avec assiduité au libertinage, et Claire se laisse un jour séduire par le couturier. Tombée dans le piège de l’adultère, la jeune femme sera-t-elle en mesure d’accepter tous les fantasmes de son amant ?
Le film
[3,5/5]
Attention, vraie rareté, et énorme découverte à l’horizon ! On ne saurait trop exprimer notre gratitude envers Le Chat qui fume, qui nous permet aujourd’hui de découvrir La Révélation, unique film d’Alain Lavalle, et complètement oublié depuis sa sortie dans les salles en 1973. Ancien assistant d’Eddy Matalon (Et avec les oreilles, qu’est-ce que vous faites ?), Alain Lavalle se tournerait presque naturellement vers le cinéma érotique, avec l’aide de sa compagne Giova Selly, qui assurerait l’écriture du scénario à ses côtés.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que La Révélation tient finalement autant du cinéma d’auteur que du film érotique, dont il contourne tous les codes (tous les pièges ?) avec une aisance vraiment remarquable. Dans un sens, le film d’Alain Lavalle est vraiment le fruit de son époque. En effet, au début des années 70, le cinéma érotique en était à ses balbutiements, et durant quelques années, de véritables auteurs aujourd’hui oubliés (Michel Lemoine, Eddy Matalon…) avaient eu l’opportunité d’expérimenter des choses avec le genre, d’aller dans des directions inédites, de mélanger les tonalités, d’oser proposer un vrai discours et une vraie sensibilité… D’exercer leur métier d’artiste en somme !
Cette volonté de tisser un vrai « drame » de cinéma autour de la trajectoire de Claire (Olga Georges-Picot) se retrouve d’ailleurs dans les suppléments du Blu-ray de La Révélation édité par Le Chat qui fume : l’éditeur nous propose en effet presque un quart d’heure de scène érotiques tournées pour l’exploitation du film à l’étranger – il s’agit bien là d’une preuve incontestable que le cœur du film se situait non pas dans ses scènes de cul, mais bel et bien dans l’évolution psychologique des personnages… Un constat qui, cinquante ans plus tard, nous parait bien difficilement envisageable dans le cinéma pour adultes contemporain, et même plus largement dans le X de l’âge d’or français qui apparaitrait quelques années plus tard et qui sacrifierait le plus souvent son intrigue au profit de ses scènes de cul.
La Révélation s’attache donc clairement, à sa manière, à développer une intrigue et des personnages solides, qui s’imposent comme le parfait reflet des mœurs un peu perdues des trentenaires du début des années 70, bouleversés par la révolution sexuelle et le « nouveau » rapport aux sentiments qu’il semble impliquer. Le personnage de Claire, incarné par Olga Georges-Picot, est à l’image de cette génération en proie au doute : incapable d’envisager les mutations de l’époque, elle semble complètement paumée, en décalage, et confère à La Révélation une espèce d’aura de mélancolie. A la façon d’Anna Karina dans Pierrot le Fou, elle laisse la vie couler sur elle, développant un ennui manifeste, même si elle ne l’exprime pas clairement. « Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… »
Le désœuvrement et la perte de repères la mènera, bon gré mal gré, à envisager le libertinage, mais sans passion réelle. Ainsi, si on sent évidemment son trouble lorsqu’elle découvre son amie Gisèle (Juliette Mills) en train de s’envoyer en l’air avec son amant, La Révélation ne nous montre pas l’éveil de Claire à la sensualité comme une révélation – comme le ferait l’année suivante le fameux Emmanuelle de Just Jaeckin – mais d’avantage comme une façon comme une autre de tuer le temps. Cela dit, et comme si elle n’était pas prête à épouser les codes de cette nouvelle ère, Claire mettra un certain temps avant de « sauter le pas ».
Alors bien sûr, elle le fera, suivant une lente montée en puissance au fur et à mesure que l’intrigue de La Révélation évolue, pour finalement se rendre compte que ce mode de vie n’est pour elle qu’une fuite en avant, futile et finalement aussi ennuyeuse que son existence « d’avant ». Porté par la prestation pleine de vague à l’âme d’Olga Georges-Picot, La Révélation n’évite certes pas quelques maladresses formelles et narratives. Alain Lavalle ne parvient pas non plus réellement à trouver le rythme adéquat pour raconter son histoire, qui souffre de quelques longueurs. Pour autant, il s’agissait d’un premier film prometteur, et on aurait aimé voir ce que sa carrière de cinéaste aurait pu donner s’il s’était donné la peine de persévérer.
Le Blu-ray
[4/5]
Après en avoir exhumé quelques trésors oubliés de l’horreur et du fantastique ces dernières années, Le Chat qui fume a axé cet été son exploration des tréfonds du cinéma de genre à la française en redécouvrant plusieurs films érotiques signés Michel Lemoine (lire notre article) et Eddy Matalon (lire notre article). Plus rare et précieux encore, Le Chat nous a également dégotté La Révélation, qui s’avère donc l’unique film d’Alain Lavalle. Voilà une excellente nouvelle pour les cinéphiles curieux, qui se régaleront à coup sûr de cette découverte. Proposé à un prix tout doux, le Blu-ray de La Révélation intègre donc le catalogue de l’éditeur dans un Blu-ray en boitier plastique, mais bénéficiant toujours d’une jaquette recto/verso magnifique, conçue par l’excellent Frédéric Domont.
Côté Haute Définition, La Révélation a fait l’objet d’une restauration 4K absolument superbe et n’a clairement pas à rougir de sa prestation technique : la définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. La copie est d’une propreté et d’une stabilité étonnantes et, pour tout dire, assez inespérée. Le Chat qui fume nous propose donc un rendu HD tout à fait enthousiasmant, ce qui est d’autant plus appréciable que le film était, jusqu’ici, inédit en France en vidéo. Côté son, la version française est mixée dans un très satisfaisant DTS-HD Master Audio 2.0, et le film dispose également d’une version anglaise. Les deux mixages sont excellents, les dialogues sont répartis de façon propre et claire, et l’ensemble ne parait jamais étouffé : du beau travail.
Du côté des suppléments, on commencera donc avec une poignée de scènes érotiques inédites (13 minutes), que l’on a déjà évoquées un peu plus et qui ont été tournées avec des doublures pour l’exploitation du film à l’international – un carton en préambule nous informe qu’elles n’ont pas été réalisées par Alain Lavalle. On continuera ensuite avec une courte présentation du film (4 minutes), comme toujours assurée par la comédienne par Jessica Jhean, qui remettra le film dans son contexte de tournage. Cependant, le « gros morceau » de la section interactivité réside dans la présence d’un passionnant entretien avec Alain Lavalle (28 minutes), qui reviendra, comme de coutume, sur son parcours au cinéma. Stagiaire chez Guitry, il continuera en collaborant en tant qu’assistant-réalisateur avec une poignée de réalisateurs réputés : André Téchiné, John Huston, Michel Boisrond… Ainsi bien entendu qu’Eddy Matalon. Après avoir évoqué son travail en tant que metteur en scène sur la série TV Quand la liberté venait du ciel, il abordera enfin La Révélation, avec une grande honnêteté : il précisera en effet d’entrée de jeu que le film a surtout été le fruit d’un concours de circonstances et qu’il n’avait à priori pas forcément envie de se lancer dans cette aventure. Il abordera son casting ainsi que quelques anecdotes d’un tournage sur lequel les acteurs ne s’appréciaient pas forcément beaucoup les uns les autres. Très sévère avec lui-même et avec con film, il reviendra également sur l’accueil critique désastreux du film, en donnant raison aux critiques de l’époque. Il se lancera enfin dans une courte évocation de la suite de sa carrière : réalisation de documentaires, production, communication… Pour terminer, il lapidera littéralement le système d’avance sur recettes, la fameuse exception culturelle française qui fait débat depuis quelques années, et qui selon lui s’avère une absurdité ne fonctionnant plus du tout. On terminera enfin avec une petite sélection de bandes-annonces.