Adieu les cons
France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Albert Dupontel
Scénario : Albert Dupontel, Marcia Romano, Xavier Nemo
Acteurs : Albert Dupontel, Virginie Efira, Nicolas Marié
Éditeur : Gaumont
Genre : Comédie
Durée : 1h27
Date de sortie cinéma : 21 octobre 2020
Date de sortie DVD/BR : 25 août 2021
Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable…
Le film
[4/5]
Malmené par la pandémie de Covid-19, Adieu les cons n’aura pu rencontrer son public en salles que de façon morcelée : d’abord à l’automne 2020, puis au printemps 2021. Au final, ce seront quand même près de deux millions de français qui se seront plongés dans la tragi-comédie burlesque d’Albert Dupontel, offrant un regard caustique sur la lenteur ubuesque de l’administration, mise en parallèle avec la numérisation galopante de la société contemporaine.
Albert Dupontel l’avait déjà démontré avec Enfermés dehors en 2006, il le confirme avec Adieu les cons : il n’a pas son pareil en France pour mettre à nu les paradoxes de la bureaucratie, soulignant son propos à grands coups de jargon professionnel, de problèmes de communication entre les administrations ou encore de déshumanisation forcenée.
Dans Adieu les cons, la déshumanisation est réellement au centre des débats, comme le prouve le running-gag sur les noms de famille des deux personnages principaux, constamment écorchés par les autres. Mais elle s’exprime aussi et surtout dans la dénonciation que fait Dupontel du « tout numérique » : reconnaissance faciale, interconnexion des bases de données, traçage numérique… L’être humain n’est plus qu’un numéro, un code-barres aux yeux d’une société qui, tel Big Brother, est en mesure de tout contrôler.
La filiation avec le 1984 d’Orwell, mais également avec le Brazil de Terry Gilliam (qui fait d’ailleurs une apparition dans le film), s’imposent ainsi au spectateur comme des évidences. Par le biais d’un absurde aux accents tragique, Albert Dupontel nous montre avec Adieu les cons que les dystopies imaginées par ces grands créateurs de cauchemars science-fictionnels sont véritablement à nos portes, et n’attendent qu’à ce que les moutons – ou les « cons » comme les désigne le titre du film – courbent un peu plus l’échine pour s’installer durablement.
Le propos est plutôt audacieux dans sa misanthropie, mais au fond, cette tonalité noire et désabusée correspond parfaitement à l’esprit frondeur cultivé par Albert Dupontel depuis les « Sales histoires » – on notera d’ailleurs que le cinéaste, fidèle en amitié, confie à nouveau ici un petit rôle à son complice de toujours Michel Vuillermoz. D’ailleurs, il n’est pas le seul à suivre Dupontel depuis ses débuts derrière la caméra avec Bernie en 1996 : Philippe Uchan, Nicolas Marié ou encore Yves Pignot remettent également à nouveau le couvert, campant tous des personnages attachants. Parmi les nouveaux venus dans l’univers du cinéaste, on notera entre autres Virginie Efira, mais également Grégoire Ludig et David Marsais, les deux lascars du PalmaShow, qui nous livrent une apparition réjouissante.
Du côté de l’intrigue, Adieu les cons prend la forme d’une espèce de road movie, suivant la cavale de deux électrons libres ayant miraculeusement échappé au système. Elle, c’est Virginie Efira : elle aimerait continuer à vivre, mais ses jours sont comptés, et désire retrouver l’enfant qu’elle a mis au monde sous X, 28 ans plus tôt, alors qu’elle était adolescente. Lui, c’est Albert Dupontel, un fonctionnaire ayant tenté de se suicider sur son lieu de travail dans le but de dénoncer une faute de gestion et se retrouvant poursuivi par la police. Deux personnages inhibés et dépressifs réunis par des circonstances improbables, et qui constituent, avec le personnage incarné par Nicolas Marié (un aveugle bien décidé à les aider), le cœur et l’âme du film d’Albert Dupontel.
Généreux en rebondissements et en courses-poursuites, Adieu les cons n’est pas un film qui vous fera rire à gorge déployée en vous tapant les cuisses ; cependant, Albert Dupontel y distille quelques pointes d’humour tantôt noir, tantôt absurde, mais toujours ou presque pour dénoncer les travers de ce monde moderne qui glisse lentement mais sûrement vers une absurdité technologique à la Brazil. Et si misanthrope soit le film de Dupontel, cela ne l’empêche pas d’éprouver une grande affection pour ses personnages de laissés-pour-compte, luttant contre un système oppressant comme des Don Quichotte des temps modernes.
Très abouti et formellement impeccable, Adieu les cons impose par ailleurs un rythme soutenu qui faisait parfois défaut aux films précédents de Dupontel. On soulignera par ailleurs le magnifique travail sur la photo d’Alexis Kavyrchine, qui appuie énormément sur les contrastes et donne par moments un aspect franchement irréel à l’environnement urbain entourant les personnages – on pense parfois au grand classique de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet Delicatessen. Une belle réussite !
Le Blu-ray
[4,5/5]
Plus que jamais, Gaumont reste fidèle à Albert Dupontel, et après lui avoir offert la possibilité de ressortir son film dans les salles obscures, Gaumont s’occupe naturellement aujourd’hui de sa sortie en vidéo. Et comme on pouvait s’y attendre, le Blu-ray d’Adieu les cons envoie le bois niveau visuel, avec un master sublime, un léger grain superbement préservé, et des couleurs et des contrastes saturés à mort, conformément aux désirs d’Albert Dupontel et de son directeur photo Alexis Kavyrchine. Le piqué et le niveau de détail sont excellents, et la profondeur de champs très appréciable, bref, tous les éléments sont réunis pour que le spectateur puisse admirer le travail de Dupontel dans l’Art de la composition de plans iconiques et puissants. Côté son, et comme toujours avec l’éditeur, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, et nous plonge littéralement au cœur de cette intense comédie burlesque. Le confort d’écoute est optimal, le dynamisme époustouflant, et les ambiances sont renforcées par des basses omniprésentes… Du beau travail. On notera également que Gaumont n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent et équilibré si vous visionnez Adieu les cons sur un « simple » téléviseur.
Rayon suppléments, on aura tout d’abord droit à un passionnant commentaire audio d’Albert Dupontel. Le cinéaste, calme, posé et chuchotant presque, reviendra sur le processus de tournage de plusieurs scènes, sur les acteurs ainsi que sur certains autres petits secrets de fabrication. Il évoquera de plus assez longuement et dans le détail le travail des techniciens en effets spéciaux, et les modifications qu’ils ont apportés à un nombre incalculable de scènes. On continuera avec un making of (13 minutes), qui prendra la forme de plusieurs segments s’imposant comme autant de « moments volés » sur le tournage, et présentés sans commentaire ni entretiens avec les membres de l’équipe. Intéressant. Enfin, on se régalera de la présence des storyboards de deux séquences-clés du film : celle de la panique à l’agence de santé et celle de la découverte de la salle des archives.