Critique : La métaphysique du berger

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La métaphysique du berger

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Michaël Bernadat
Interprète : Boris
Distribution : La vingt-cinquième heure
Durée : 1h12
Genre : Documentaire
Date de sortie :  28 juillet 2021

3/5

Nivernais d’origine, Michaël Bernadat a choisi de s’établir en Bretagne. Doué pour les langues, il est allé jusqu’à apprendre le breton qu’il parle dorénavant couramment. Ayant fait partie d’un groupe de musique metal, c’est tout naturellement en tournant des clips musicaux qu’il a commencé sa carrière de réalisateur. Ce réalisateur dont les goûts cinématographiques vont vers Andreï Tarkovski, Bruno Dumont, Robert Bresson, Raymond Depardon, Claire Denis et Agnès Varda a de nombreux projets en tête.

Synopsis : Des hauts-plateaux du Vercors aux limbes des vallées de la Drôme, Boris tente d’atteindre son idéal : mener une vie de berger, loin de la société contemporaine et de sa technologie dévorante. Tout bascule à la naissance de son fils avec le difficile apprentissage de la paternité.

Quels choix de vie ?

Quand on rencontre Boris et son gros troupeau de moutons sur le plateau du Vercors, on a tendance à trouver le paysage très beau mais on ne peut pas s’empêcher de se demander ce que le film va bien pouvoir nous apporter. Et puis, sur ces images, toujours très belles, intervient très vite en voix off un « discours », sans rapport vraiment direct avec ce qui est montré, tout un ensemble de réflexions, de questionnements, d’interrogations délivré par Boris à propos de son existence, passée et présente. Boris est un homme d’une petite trentaine d’années qui a fait des études de philosophie. Durant cette période, des lectures et des discussions avec des professeurs et d’autres élèves l’ont amené à remettre en cause le modèle de société dans lequel on vit. C’est ainsi qu’est né chez lui le désir de se rapprocher de la nature, de vivre une existence qui ne fonctionnerait plus avec de l’argent, de se montrer le plus autonome possible, que ce soit en matière de nourriture, d’habillement ou de logement. Ne pas avoir de facture à payer, d’assurance à prendre, voilà ce qui était tentant pour Boris. Il y a plusieurs façons de vivre une telle existence, en complète solitude, par exemple, ou dans une communauté, quitte à la quitter quand on va avoir l’impression de vivre dans « un centre de vacances pour beatniks ». Et puis, il y a aussi la confrontation avec d’autres choix existentiels : le désir de vivre avec une compagne qui n’a pas forcément les mêmes désirs extrêmes, un petit enfant à élever, … Quand on rencontre Boris, il est le berger d’un troupeau, dans les Alpages, pour une période de 3 mois. On le retrouve plus tard dans une yourte, plus bas, avec une compagne et un petit bébé, pensant à la construction d’une maison, utilisant une carte de paiement. Est-ce déjà une trahison par rapport à ses idéaux de départ ? De compromis en compromis, de réflexions en réflexions, comment va évoluer l’existence de Boris, de Claire, sa compagne, et de Armand, leur enfant ?

Finalement très riche !

Au départ, Michaël Bernadat avait comme projet la réalisation d’un court-métrage documentaire sur quelqu’un qui quitterait la société comme si c’était la fin du monde, pour vivre seul dans la montagne, sans électricité et sans les autres. Une sorte d’adaptation documentaire du livre « Ravage » de Barjavel. Toutefois, ayant jeté son dévolu sur Boris, le frère de son ancienne compagne, pour être ce personnage, il est apparu que Boris avait déjà « dépassé » ce désir de solitude complète et que, dorénavant, il ressentait ce besoin des autres qu’il avait cru pouvoir rejeter. Qu’importe après tout, Michaël Bernadat a modifié son projet de départ et il a choisi de faire un long métrage dont les images ont été tournées sur plusieurs périodes de quelques jours sur un an et demi de la vie de Boris et dont la voix et les courts poèmes écrits par lui ont été enregistrés le soir au cours de diverses conversations. Et, finalement, on s’aperçoit que ce documentaire nous apporte beaucoup plus que ce qu’on pensait (qu’on craignait !) au départ : sur Boris et sur ses difficultés pour construire une vie dans laquelle tous ses désirs pourraient cohabiter, d’autant plus que ces désirs ne cessent d’évoluer ; sur nous mêmes, aussi, dans la mesure où ce film nous amène à réfléchir sur notre propre existence, sur nos choix, sur leur pertinence, sur la réalisation ou non de nos désirs les plus chers ; sur tout ce que la pandémie a modifié dans la vie de nombreuses personnes, avec le développement du télétravail et son éventuel corollaire, le désir de quitter les grandes villes et le besoin pour beaucoup de se rapprocher de la nature.

Choix de réalisation

C’est à deux que s’est effectué le tournage de La métaphysique du berger : le réalisateur, Michaël Bernadat, pour l’image, Renaud Duguet, pour le son. Pour conserver une vision à échelle humaine tout au long du film, Michaël Bernadat s’est interdit de recourir à des gros plans et d’utiliser un téléobjectif, d’où un tournage avec une seule focale de 50mm. La première version du film était très musicale. Petit à petit, de la musique a été gommée pour être remplacée par des sons pris par Renaud Duguet. Il reste des plages de musique, toutefois, œuvre de Cédric Michon.

Conclusion

Si vous avez besoin qu’un film nous assène des solutions toutes faites pour qu’il vous intéresse, La métaphysique du berger n’est pas pour vous. Si, par contre, le fait qu’un film vous amène à vous interroger sur notre société et sur vous-mêmes est pour vous un élément positif, alors n’hésitez pas à voir et à écouter La métaphysique du berger

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