Les copains d’abord
États-Unis : 1983
Titre original : The big chill
Réalisation : Lawrence Kasdan
Scénario : Lawrence Kasdan, Barbara Benedek
Acteurs : Tom Berenger, Kevin Kline, William Hurt
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 1h45
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 7 mars 1984
Date de sortie DVD/BR : 24 février 2021
Inséparables pendant leurs études dans les années 1960, Sam, Sarah, Michael, Karen et les autres se retrouvent une douzaine d’années ans plus tard, le temps d’un week-end, réunis en la mémoire d Alex, le meilleur de la bande, qui vient de se suicider. Des huit, il n’en reste plus que sept, tous profondément troublés par la disparition prématurée de leur ami. Tandis que les heures s’écoulent, les gestes d’autrefois reprennent le dessus. On réécoute des musiques familières, on s’étonne de ce qu’on est devenu, alors que ressurgissent désirs oubliés et vieilles jalousies…
Le film
[5/5]
Lawrence Kasdan est né le 14 janvier 1949 à Miami Beach. Il fait partie de ces américains ayant connu la fac à la fin des années 60, ce qui semble avoir bouleversé et déterminé une partie de son existence. À l’exception peut-être des années 50, aucune décennie de l’histoire américaine ne semble avoir autant été évoquée, racontée, déformée et transformée. Ainsi, une série de mythes nimbent les années 60 – cette décennie durant laquelle tout le monde semble être allé à Woodstock, tout le monde a fait le Vietnam, tout le monde fumait de l’herbe ou prenait de l’acide, tout le monde baisait avec tout le monde avec des fleurs dans les cheveux, et tout le monde soutenait Martin Luther King.
« 68, c’était hier » chantait Jean Meyrand, et en 1983, Lawrence Kasdan semble également se demander ce que sont devenus les idéaux de paix et d’unité brandis par la jeunesse de l’époque. 15 ans plus tard, où sont passés les idéalistes ? Les copains d’abord permet donc à Lawrence Kasdan de confronter une bande de joyeux soixante-huitards à leurs rêves d’hier, avec une tendresse non dénuée d’une féroce ironie.
Ils ne se sont pas vus depuis des années, et sont réunis à l’occasion des funérailles de l’un des leurs. 15 ans plus tôt, ils étaient tous à l’Université du Michigan, et rêvaient de devenir des écrivains, des militants, des avocats défendant les droits civiques des opprimés ou des artistes. Au lieu de cela, ils sont devenus acteurs à Hollywood, investisseurs en capital-risque ou trafiquants de drogue. Mais la mort de leur ami incitera chacun des personnages à faire face à sa propre mortalité, et à prendre des « décisions », bonnes ou mauvaises – quoi qu’il en soit, après ce weekend, rien ne sera plus jamais pareil.
A l’image de la bande originale du film, composée de morceaux des Rolling Stones, Creedence Clearwater Revival, Procol Harum, des Temptations ou de Marvin Gaye, la décennie des 60’s hante les personnages du film, à la façon d’un esprit vengeur. Durant le premier tiers des Copains d’abord, leurs conversations sont un peu trop formelles, mais les masques finiront par tomber. Et plus ils se sentent à l’aise les uns avec les autres, plus il deviendra clair pour le spectateur que leurs vies respectives ne se sont pas déroulées comme ils l’espéraient. Après avoir obtenu leur diplôme universitaire, ils ont tous pris les bonnes décisions – ces décisions « d’adulte » qu’on leur avait appris à prendre. Ils ont décroché les bons jobs, ont épousé les bonnes personnes, et la plupart d’entre eux ont créé les familles qu’ils étaient censés avoir.
Les copains d’abord, c’est une finesse d’écriture remarquable, mais aussi un casting littéralement hallucinant : l’alchimie entre les différents interprètes est telle que le spectateur ne pourra que s’avérer vraiment troublé, voire authentiquement ému quand, au fil des discussions entre les acteurs, leurs sentiments et émotions commenceront à se dessiner sous ses yeux. Il sera ainsi difficile de retenir son émotion quand l’évidence se fera jour : une évidence selon laquelle tous ces personnages se sont fourvoyés en faisant ce que la société avait déterminé comme étant bon pour eux.
Tous ? Pas tout à fait. Ainsi, le personnage de Chloé, incarné par Meg Tilly, la cadette du groupe, d’abord présenté comme une idiote, prendra en réalité par la suite l’ascendant sur de nombreux personnages, et notamment sur celui de Nick, incarné par William Hurt. Elle deviendra pour lui une espèce d’ange rédempteur, comme elle l’a auparavant été pour Alex, leur ami disparu. Les scènes les mettant en scène tous les deux sont d’ailleurs d’autant plus belles qu’elles évoquent un amour pur et sans aucune arrière-pensée, contrairement aux motivations cachées que pouvait avoir Mike (Jeff Goldblum) dans la première moitié des Copains d’abord.
C’est à travers cette relation, mais également dans le triangle qui se crée autour des personnages de Harold / Sarah / Meg (Kevin Kline / Glenn Close / Mary Kay Place), que le spectateur se rendra le mieux compte de la pureté des idéaux soixante-huitards de ce groupe d’amis, soudés malgré les années. Ils tentent par leurs actes du présent de ranimer la flamme d’une époque où leur vie était simple, où ils connaissaient les gens en qui ils pouvaient avoir confiance, et où ils connaissaient les gens qui leur faisaient confiance – comme le souligne le personnage de Sam (Tom Berenger) quand il évoque sa vie à Hollywood. Leurs rêves et leurs ambitions étaient simples ; ils avaient l’impression d’avoir tout le temps du monde pour faire ces choses simples de la vie – celles qui comptent – mais le temps les a rattrapés.
Alors, Les copains d’abord est-il le film de la crise de la quarantaine ? Dans un sens, bien sûr, mais à travers le portrait de cette bande d’amis, Lawrence Kasdan ne sous-entend-il pas que c’est l’Amérique tout entière qui faisait sa crise de la quarantaine au début des années 80 ? Le film cultive en tout cas la nostalgie, les désillusions et les actes manqués de toute cette génération de baby-boomers, et le fait avec sensibilité, sans jamais sombrer dans le pathos, et en cultivant tout au long de son récit un humour souvent irrésistible.
Même s’il est un peu retombé dans l’oubli aujourd’hui (en partie sans doute à cause de son titre français évoquant Georges Brassens), Les copains d’abord s’impose, encore de nos jours, comme un chef d’œuvre d’humour et d’authenticité – une véritable merveille et assurément l’un des plus grands films américains du début des années 80. Un film si réussi qu’il créerait un genre – celui du film de « réunion d’amis », qui deviendrait d’ailleurs par la suite une spécialité française. Une comédie si brillamment écrite, réalisée et si subtilement interprétée qu’elle deviendrait un véritable « mètre-étalon » dans le genre, notamment grâce à l’apparente facilité avec laquelle Lawrence Kasdan parvenait, en moins de deux heures, à capter le pouls de son époque.
Le Blu-ray
[4,5/5]
On ne peut que saluer bien bas l’initiative de BQHL Éditions de nous proposer de (re)découvrir en Blu-ray Les copains d’abord. C’est d’autant plus formidable de pouvoir se replonger dans le film de Lawrence Kasdan que le master restauré qui nous est proposé ici s’avère vraiment de toute beauté : l’image (1.85:1 et 1080p) est en effet de la plus parfaite propreté. Le piqué est précis, la texture argentique d’origine a été préservée, les couleurs sont fines et naturelles, et les contrastes sont fermes : autant d’éléments qui témoignent de la remarquable qualité de la restauration. On applaudit donc l’éditeur à deux mains. Côté son, VF et VO sont proposées dans des mixages LPCM Audio 2.0 ; tous deux retranscrivent les dialogues ainsi que la musique avec délicatesse et clarté –il n’y a donc absolument rien à redire d’un point de vue technique.
Du côté des suppléments, BQHL Éditions recycle les suppléments de l’édition DVD « Quinzième anniversaire » sortie en France en 1999. On retrouvera donc tout d’abord le making of rétrospectif du film signé Laurent Bouzereau (56 minutes). Extrêmement complet, ce documentaire se concentrera donc sur la genèse, le casting, la production et le succès des Copains d’abord. Il est composé de nombreux entretiens avec le réalisateur Lawrence Kasdan, la co-scénariste Barbara Benedek, la monteuse Carol Littleton, la productrice exécutive Marcia Nasatir, ainsi qu’avec les acteurs Tom Berenger, Glenn Close, William Hurt, JoBeth Williams, Mary Kay Place, Meg Tilly et Jeff Goldblum, qui reviendront sur les rôles, ainsi que ceux qu’ils auraient aimé incarner à l’écran.
On continuera ensuite avec une série de scènes coupées (10 minutes), qui se concentrent essentiellement au début du film, et fournissent une introduction étendue aux personnages lors de l’enterrement d’Alex. Dans l’ensemble, ces scènes s’avèrent vraiment excellentes, et on aurait aimé connaître les raisons pour lesquelles elles ont été écartées du montage final ; on pense tout particulièrement à cette très belle séquence durant laquelle chaque personnage laisse tomber une pelletée de terre dans la tombe, avec le morceau « Tracks of my tears » de Smokey Robinson en arrière-plan. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.
Mais comme souvent avec BQHL Éditions, on trouvera dans le boîtier un riche petit livret de 20 pages signé Marc Toullec, faisant le tour de la production du film et nous en proposant une remarquable analyse.