Test Blu-ray : Häxan

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Häxan

Danemark, Suède : 1922
Titre original : –
Réalisation : Benjamin Christensen
Scénario : Benjamin Christensen
Acteurs : Maren Pedersen, Clara Pontoppidan, Elith Pio
Éditeur : Potemkine Films
Durée : 1h50
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 18 septembre 1922
Date de sortie DVD/BR : 15 juin 2021

Présenté à la manière d’une conférence, Häxan est un film-documentaire sur la sorcellerie, de l’antiquité à la période contemporaine du film (1922). La sorcellerie est représentée avec soin par des illustrations tirées d’ouvrages médiévaux et des reconstitutions filmiques. Du sabbat des sorcières aux interrogatoires de l’inquisition, les illustrations classiques prennent vie dans des visions spectrales inquiétantes utilisant tous les effets spéciaux disponibles à l’époque : surimpressions, maquettes, jump cuts, stop motion, maquillages et prothèses…

Le film

[5/5]

Ce n’est pas tous les jours que l’on peut affirmer cela, mais Häxan, le film que nous abordons aujourd’hui à l’occasion de sa sortie en Blu-ray, est sorti dans les salles françaises il y a rien de moins que 99 ans. Quatre-vingt-dix-neuf ans, et Häxan parait aujourd’hui plus impressionnant que certains films beaucoup plus jeunes, tournés, allez, au hasard, au début de l’ère du tout-numérique par exemple. Quatre-vingt-dix-neuf ans, et toujours autant de gueule, à la fois dans ses compositions de plans, dans son rythme ou ses effets spéciaux. Quatre-vingt-dix-neuf ans, et toutes ses dents !

Chef d’œuvre absolu, dépassant de loin le statut de simple curiosité historique, Häxan est souvent présenté comme un « faux » documentaire, parce qu’il nous propose des « illustrations » des croyances populaires du passé (du Moyen-Âge principalement), avec tout ce que cela implique de démons virevoltants, de créatures bizarres et de diablotins tirant la langue de façon explicite, un peu comme les obsédés sexuels que vous pouvez croiser dans le métro ligne 13.

Pourtant, ce que le cinéaste danois Benjamin Christensen a fait avec Häxan au début des années 1920 n’est pas si différent de ce que font aujourd’hui les journalistes de France 2 dans des émissions telles que « Cash Investigation » ou « 13h15 le dimanche », ou des documentaires sur les dinosaures produits par Discovery ou par la BBC. Christensen aborde certes un sujet différent, mais le concept de base de son film est le même – il s’agit d’un « mélange des genres », amalgamant les faits et les images de « fiction », illustrant des concepts, reconstituant des témoignages, mais atteignant à sa manière une sorte de « vérité ».

Que l’on parle d’Häxan ou des autres, ce procédé apparaitra à certains comme trompeur et hypocrite, mais il constitue surtout une manière ludique et divertissante d’apporter de l’information au public. Ainsi, les faits énoncés par Benjamin Christensen dans Häxan sont véridiques, et le film s’avère porté par une véritable « vision » qui l’élève au rang d’œuvre d’Art majeure, tout en s’avérant tout aussi éclairant qu’une page Wikipédia sur le sujet de la sorcellerie et des ravages de l’Inquisition. Bien sûr, il s’agit aussi d’un documentaire « partisan », dénonçant des faits et tentant de remettre en contexte quelques éléments historiques à la lumière des connaissances scientifiques du début du siècle.

On pourrait ainsi remettre en question toute la dernière partie du film, mettant en parallèle « la sorcière » d’antan et « l’hystérique » des années 20. Et si Häxan n’était « qu’un » documentaire, on balaierait sans doute d’un revers de la main ces approximations scientifiques aujourd’hui largement dépassées. Oui mais voilà : comme on l’a dit, Häxan est « aussi » une puissante et fascinante œuvre d’Art. Christensen parvient à donner aux différents chapitres de son film des identités uniques, questionnant sans cesse la rationalité de l’être humain, tout en l’imprégnant de petites touches d’humour (le moine poursuivant l’aubergiste, l’actrice voulant essayer la pince à doigts…).

Les séquences mettant en scène les sabbats et autres manifestations diaboliques sont délicieusement photographiées, et mises en scène avec un sens esthétique rare. L’utilisation des ombres et de la lumière et le soin apporté au cadre dénotent d’un savoir-faire époustouflant, ce qui permet à Häxan de traverser les années avec une grâce et une aisance qui nous laissent encore pantois aujourd’hui. On parierait même que les spectateurs qui le découvriront dans cent ans le trouveront tout aussi impressionnant…

Le Blu-ray

[5/5]

Très attendu au format Haute-Définition, Häxan vient donc d’arriver dans les bacs en Blu-ray. Le film s’offre pour l’occasion une superbe et luxueuse édition Combo Blu-ray + 2 DVD sous les couleurs de Potemkine Films. Présentée dans un très joli boîtier Digipack 3 volets avec fourreau, cette édition est limitée à 1666 exemplaires.

Le master restauré 2K utilisé par l’éditeur français est le même que celui utilisé par les américains de Criterion en 2019. Et autant le dire tout de suite, le rendu visuel du film est ici tout simplement sublime. L’image 1080p est propre et stable, le grain argentique a été soigneusement préservé ; le piqué est précis, les contrastes équilibrés, avec des teintes rouge / bleu / sépia selon les séquences. Les rouges tranchent dans le vif et les noirs sont profonds sans être bouchés. L’encodage est sans souci, les gros plans sont vraiment de toute beauté, et on ne trouvera aucune trace visible d’un passage de l’image au DNR ou réducteur de bruit. Bref, toutes les conditions sont réunies pour que nous puissions profiter pleinement des multiples détails du film, de ses costumes et de ses décors baroques. Du grand Art.

Du côté des pistes audio, l’éditeur nous propose trois mixages en DTS-HD Master Audio 2.0, et laissera le loisir aux cinéphiles de choisir entre trois pistes sonores de bonne qualité : la première est celle enregistrée par Matti Bye (2007), grand spécialiste de l’accompagnement de film muet. C’est notamment celle à laquelle le public avait eu droit lors du « Ciné-Concert » autour du film organisé par le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg en 2011. La deuxième bande son fut enregistré en 1996 par le groupe de rock français Art Zoyd, et la troisième (peut-être bien la plus envoutante) a été enregistrée tout spécialement pour cette édition par les français Dagerlöff et Julien Galner.

Du côté des suppléments, on commencera avec un très intéressant commentaire audio de Colette Arnould, professeur de philosophie et auteure du livre « Histoire de la sorcellerie », qui reviendra sur les aspects historiques abordés par le film. On continuera ensuite avec une courte présentation du film par le réalisateur Benjamin Christensen (8 minutes), enregistrée en 1941. Il y reviendra sur Häxan, et surtout sur le fait que tourner un tel film n’eut pas été possible du temps du cinéma parlant. On terminera ensuite avec une sélection de moments volés sur le tournage du film : décors, casting, effets spéciaux (5 minutes).

Mais ce n’est pas tout : les complétistes et les amoureux du film pourront également découvrir trois autres versions du film. La première, nommée « The Esoteric Cut » (1968, 1h24), comporte un accompagnement musical de Lawrence Lehérissey. La deuxième version, intitulée « Witchcraft from the ages » (1968, 1h17) a la particularité de comporter une voix off du romancier-culte Willam S. Burroughs. Enfin, la troisième, « La sorcellerie à travers les âges » (1990, 1h22) est à peu près le même remontage que la première, mais avec une voix-off de Jean-Pierre Kalfon. Cette dernière est tirée d’une copie VHS.

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