Le marché français
Après la joie des retrouvailles avec son public, le box-office français avait lourdement chuté la semaine suivante, d’environ un million de spectateurs. Les choses se stabilisent plutôt en cette semaine 23, allant du 2 au 8 juin, même si l’augmentation ne se chiffre qu’à un peu plus de cinquante mille entrées. Avec un cumul hebdomadaire légèrement inférieur à 1 300 000 adeptes du grand écran, une impression pas vraiment rassurante de déjà-vu s’installe chez nous. Car à ce niveau-là, on se croirait revenu à l’été 2020, quand le cinéma français avait fait de la résistance, alors que les grosses productions américaines avaient préféré bouder les salles.
Petit à petit, Hollywood y retourne, au fur et à mesure que les jauges et autres restrictions de couvre-feu disparaissent en France. La véritable période test sera par conséquent cette semaine-ci, en raison de la sortie des premiers films américains porteurs depuis la fin du confinement et malgré la concurrence sportive accrue, en termes de foot pour l’Euro et de tennis pour les finales de Roland Garros.
En début de semaine, le CNC a annoncé les premiers chiffres de la fréquentation pour le mois de mai, se résumant exceptionnellement à treize jours, depuis la réouverture des cinémas le 19 mai. Avec plus de trois millions et demi d’entrées enregistrées, le bilan est assez prometteur, même s’il faudra bien sûr attendre l’hypothétique confirmation de la tendance au fil de la saison chaude. Toujours est-il que le cinéma français continue à tirer son épingle du jeu, grâce à une part de marché de 59 %, légèrement supérieure à celle de la semaine précédente. Toutefois, il est fort probable qu’on ne retrouvera pas de sitôt un tel engouement pour les productions nationales, l’été étant traditionnellement acquis aux blockbusters venus d’Amérique. Est-ce que le calendrier chargé des sorties en 2021 modifiera la donne ? Cela reste à voir …
Les films en continuation
Le Top 10 français est coupé en deux cette semaine, selon une symétrie quasiment parfaite. A peu de choses près, les cinq premières places sont trustées par les films à l’affiche depuis un moment, tandis que les cinq places inférieures – de mauvaises langues diraient les miettes – sont le domaine des nouveautés dont aucune n’a réellement réussi à s’imposer. Pour la quatrième fois de suite, le champion reste Adieu les cons de Albert Dupontel. Son règne touche certes à sa fin, mais avec près de 1,6 millions d’entrées à son actif, il reste le seul film ayant enjambé le confinement à figurer encore dans le classement. A condition que la comédie avec Virginie Efira reste toujours programmée jusqu’à la fin du mois et la Fête du cinéma, il pourrait être envisagé qu’elle atteigne les deux millions de spectateurs en fin de carrière.
Aucun des autres films proposés aux spectateurs cette semaine-là n’atteindra sans doute le même niveau de succès commercial. Ce qui ne veut pas dire qu’ils déméritent automatiquement, bien au contraire ! Après sa troisième place pour sa semaine de démarrage, le doublement oscarisé The Father de Florian Zeller grimpe d’un cran et fait preuve d’une stabilité appréciable. A ce rythme, le drame de vieillesse avec Anthony Hopkins ne deviendra probablement pas millionnaire. Mais la décision de le sortir en salles était en tout cas hautement justifiée.
Cela est d’autant plus vrai pour Demon Slayer Le Train de l’infini de Haruo Sotozaki, qui s’impose en troisième semaine à une troisième place chipée de peu à la première nouveauté. Le fait que Détective Conan The Scarlet Bullet de Chika Nagaoka, sorti sept jours plus tard, n’a jamais côtoyé de telles altitudes du box-office confirme néanmoins le sort toujours très imprévisible des animes sur les écrans de cinéma français.
Les nouveautés
Cinq films pas si glorieusement placés dans une fourchette entre 90 000 et 40 000 spectateurs : on peut dire que les nouveautés de la semaine n’ont guère fait sensation. Michèle Laroque et son deuxième film en tant que réalisatrice Chacun chez soi arrivent certes en tête. Mais toutes proportions de contexte gardées, on est excessivement loin des résultats de son premier long-métrage Brillantissime, qui s’était imposé à la première place lors de sa sortie en janvier 2018 avec près de trois-cents mille de tickets vendus. Parions, hélas, que cette comédie-ci n’arrive même pas à un cumul aussi modeste, quand elle quittera les écrans d’ici deux ou trois semaines.
A priori, les quatre autres films sortis il y a une dizaine de jours ne connaitront pas un sort plus clément. Côté américain, le film d’action Nobody de Ilya Naishuller fait en toute logique deux fois mieux que la biographie filmique Billie Holiday Une affaire d’état de Lee Daniels. Cette dernière restera loin derrière les trois autres films du réalisateur sortis en France, son plus grand succès Le Majordome, Precious et même le peu convaincant Paperboy. Côté français, Des hommes de Lucas Belvaux et Villa Caprice de Bernard Stora restent davantage à proximité l’un de l’autre, sans que leur sélection en festival, respectivement à Cannes et à Angoulême, ne transforme leur prestige en un nombre d’entrées mirobolant.
Enfin, en dépit de leur courte durée, qui avait permis quand même un nombre de séances élevé en ces temps de couvre-feu, ni Petite maman de Céline Sciamma, ni Playlist de Nine Antico n’ont visiblement trouvé leur public. La même chose vaut pour Suzanna Andler de Benoît Jacquot, un réalisateur très prolifique, mais jamais capable d’intéresser le grand public à ses films. Qu’ils sont loin les temps, quand une adaptation de Marguerite Duras, comme L’Amant de Jean-Jacques Annaud au début des années 1990, pouvait prétendre à devenir millionnaire !
Le classement français
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 2 et le mardi 8 juin 2021 :
- Adieu les cons – distribué par Gaumont – 33ème semaine / – 24 % – 156 343 entrées / 1 595 762 cumul – 12 % part de marché
- The Father – distribué par UGC – 2ème semaine / – 11 % – 137 633 entrées / 291 560 cumul – 11 % part de marché
- Demon Slayer Le Train de l’infini – distribué par CGR Events – 3ème semaine / – 46 % – 91 358 entrées / 610 288 cumul – 7 % part de marché
- Chacun chez soi – distribué par Studiocanal – Nouveauté – 89 041 entrées cumulées – 7 % part de marché
- Tom et Jerry – distribué par Warner Bros. France – 3ème semaine / – 6 % – 81 889 entrées / 419 079 cumul – 6 % part de marché
6. Nobody – distribué par Universal Pictures International France – Nouveauté – 80 440 entrées cumulées – 6 % part de marché
7. Les Bouchetrous – distribué par SND – 2ème semaine / + 8 % – 76 900 entrées / 148 319 cumul – 6 % part de marché
8. Des hommes – distribué par Ad Vitam – Nouveauté – 75 111 entrées cumulées – 6 % part de marché
9. Villa Caprice – distribué par Bac Films – Nouveauté – 67 576 entrées cumulées – 5 % part de marché
10. Billie Holiday Une affaire d’état – distribué par Metropolitan Filmexport – Nouveauté – 39 905 entrées cumulées – 3 % part de marché
Le marché américain
A bien observer les chiffres du box-office américain pour le week-end suivant celui du Memorial Day, on se croirait presque revenu au temps d’avant la pandémie du coronavirus. Le volume n’y est pas du tout, évidemment, puisque le cumul de 65 millions de dollars pour les dix films les mieux classés ferait à lui seul un démarrage décevant pour un blockbuster de l’ancien monde. Par contre, pour une fois, la plupart des films dans le Top 5 seront très bientôt visibles sur les écrans de cinéma français. Mieux encore, le nouveau champion Conjuring Sous l’emprise du diable de Michael Chaves y est d’ores et déjà projeté et deviendra certainement le nouveau roi du box-office français d’ici mercredi prochain !
Huit ans après Conjuring Les Dossiers Warren et cinq ans après Conjuring 2 Le Cas Endfield, tous deux de James Wan, cette troisième partie de la saga horrifique portée par Patrick Wilson et Vera Farmiga effectue naturellement un démarrage moins impressionnant. A titre de comparaison, le premier avait rapporté près de 42 millions de dollars pour son premier week-end en juillet 2013 pour finir à 137 millions de dollars et le deuxième, en juin 2016, 40 millions de dollars pour le début, puis 102 millions de dollars à la fin. En toute logique mathématique, cet épisode-ci fait donc deux fois moins bien. Au vu des circonstances, il s’agit cependant d’un démarrage des plus solides, un brin au-dessus de celui de Cruella de Craig Gillespie la semaine dernière.
La moyenne par copie de la deuxième suite de l’univers Conjuring est de même plutôt solide à 7 770 $. Celle de Sans un bruit 2 de John Krasinski l’était encore bien plus le week-end précédent, même si sa chute de près de 60 % en deuxième semaine nous lui fait présager une trajectoire typique pour ce genre de films. Les sommets du premier, sorti au printemps 2018 avec 50 millions de dollars et près de 188 millions de dollars en fin de course rien que sur le territoire américain, resteront dès lors inatteignables.
Parmi les autres nouveautés, le film d’animation Spirit L’Indomptable de Elaine Bogan n’a rien d’un étalon du box-office. En effet, sa moyenne par copie à 1 900 $ est à peine supérieure aux près de 1 500 $ pour le drame à la gloire des Mormons Witnesses de Mark Goodman, arrivé à la onzième place. Bien plus bas dans le tableau, à la place numéro 21 pour être précis, le film allemand Ondine de Christian Petzold peine sérieusement à trouver son public, tandis que la ressortie du classique du cinéma britannique Tueurs de dames de Alexander Mackendrick obtient dans une seule salle l’une des meilleures moyennes par copie, très proche de celle de Sans un bruit 2 !
Le classement américain
Voici les principaux chiffres du Top 5 du box-office américain pour le week-end se terminant le dimanche 6 juin 2021 :
- Conjuring Sous l’emprise du diable – distribué par Warner Bros. – Nouveauté – 24 104 332 $ cumulés
- Sans un bruit 2 – distribué par Paramount Pictures – 2ème semaine / – 59 % – 19 266 977 $ / 88 377 962 $ cumul, sortie française le 16 juin
- Cruella – distribué par Walt Disney Studios – 2ème semaine / – 48 % – 11 001 929 $ / 43 443 602 $ cumul, sortie française le 23 juin
- Spirit L’Indomptable – distribué par Universal Pictures – Nouveauté – 6 101 050 $ cumulés, sortie française le 28 juillet
- Raya et le dernier dragon – distribué par Walt Disney Studios – 14ème semaine / – 45 % – 1 282 536 $ / 53 504 682 $ cumul, sans date de sortie cinéma en France