Le marché français
Le cinéma est de retour ! Après plus de six mois de fermeture pour cause de pandémie du coronavirus, la réouverture des salles obscures en France s’est déroulée comme il se doit pour un pays si cinéphile. C’est-à-dire avec des spectateurs qui se sont rués sur l’offre éclectique de nouveaux films et de reprises du mois d’octobre 2020. Certes, les affaires n’ont pas exactement repris là où on les avait laissées avant le deuxième confinement, avec un cumul hebdomadaire de plus de 3 250 000 tickets vendus. Impossible en effet d’atteindre un tel niveau avec une jauge limitée à 35 % de la capacité des salles et dans le contexte d’un couvre-feu généralisé à 21h00. Néanmoins, il y a eu plus de 2 215 000 spectateurs ravis de retrouver leurs salles chéries. On n’osait pas espérer une telle reprise vigoureuse que nos voisins européens nous envient amèrement.
Puisque les cinémas étaient encore fermés l’année dernière en France en cette semaine 21, allant du 19 au 25 mai, aucune comparaison directe ne peut être effectuée avec l’année maudite 2020. A titre de comparaison un peu bancale, rappelons toutefois que la semaine de sortie de Tenet de Christopher Nolan – la locomotive solitaire envoyée par Hollywood pour sauver la saison estivale dernière – fin août n’avait guère cumulé plus d’entrées que celle-ci.
Les grands studios américains ayant réellement commencé à sortir leurs films en France depuis mercredi dernier, la part de marché du cinéma français trône pour l’instant à d’imposants 52 %. Enfin, avant la fermeture, les productions nationales monopolisaient même les deux tiers du marché. Des chiffres qu’on ne reverra pas de sitôt. Et sans doute tant mieux, puisque tous les coups de main seront les bienvenus pour rattraper la baisse temporaire de 93 % par rapport à la fréquentation cumulée à ce moment-ci de l’année en 2020.
Les nouveautés
Avec quatre des cinq premières places du classement occupées par de nouvelles sorties, on peut sereinement affirmer que les distributeurs n’ont pas du tout raté leur rendez-vous avec le public. Il y a certes eu de petits loupés comme l’épopée futuriste Le Dernier voyage de Romain Quirot ou le film d’animation britannique Stardog et Turbocat de Ben Smith, dont les démarrages respectifs ne font point d’étincelles, en dépit de près de deux-cents copies pour le premier et de trois-cents pour le deuxième.
Alors qu’on connaît l’aversion tenace du public français pour le cinéma de genre bien de chez nous, l’échec de l’aventure canine peut de même s’expliquer aisément par une saturation quasiment outrancière de la part de marché réservée aux familles. Celles-ci ont fait le nécessaire avec deux autres films d’animation plutôt bien placés, voire un troisième plus ciblé geek, qui remporte une victoire commerciale si rare pour l’anime japonais en France.
Envole-moi / Mandibules : deux films français de réalisateurs confirmés qui ne s’adressent pas vraiment au même type de spectateur. Que les bons sentiments du film de Christophe Barratier l’emportent finalement sur l’ironie bête et corrosive de Quentin Dupieux est finalement avant tout une question d’exposition. Avec deux-cents cinémas en plus à son actif, le conte moralisateur avec Victor Belmondo aurait eu beaucoup de mal à se défaire d’une première impression décevante, s’il était arrivé derrière les frasques du gros bourdon. A moyen terme, il reste par contre fort probable que le huitième long-métrage de Dupieux s’impose et peut-être même qu’il devienne le plus gros succès de son réalisateur sur le territoire français …
Un réalisateur confirmé, Viggo Mortensen ne l’est pas encore. Et la plupart de ses confrères acteurs qui se sont essayés honorablement à un premier film derrière la caméra n’ont pas su confirmer l’essai. Avec sa dixième place tout en bas du classement, Falling n’attire qu’un tiers des spectateurs en comparaison avec sa concurrence directe citée dans le paragraphe précédent. Ce qui reste malgré tout satisfaisant pour un film au sujet grave et d’ores et déjà un peu sorti de l’actualité, près d’un an après sa sélection au Festival de Cannes.
Les films en continuation
Entre-temps oscarisé et césarisé, Drunk de Thomas Vinterberg a incontestablement réussi son redémarrage. Alors qu’il commençait à sombrer avant la fermeture fin octobre quelque part en bas du classement, ses nombreuses séances complètes et son gain spectaculaire de près de 500 % sont les indicateurs d’un intérêt décuplé de la part du public français, tout juste sorti du coma du télétravail. Prédisons donc de beaux lendemains du côté du box-office français à cette ode filmique à l’ivresse sous toutes ses formes !
Attendre patiemment que les salles rouvrent ou abandonner tout espoir de faire des bénéfices substantiels lors de l’exploitation sur grand écran ? Ce dilemme s’est posé à l’ensemble des films sortis courant octobre 2020. Deux cas de figure exemplaires se trouvent avec ADN de Maïwenn, resté fidèle à sa carrière en salles, et 30 jours max de Tarek Boudali, sorti depuis en vidéo. Au vu des chiffres de ces films, il ne nous paraît pas évident de trancher en faveur de la stratégie de l’un ou de l’autre. Tandis que le drame familial reste à un niveau très respectable à partir de son troisième jour à l’affiche, la fin de carrière de la farce policière aurait pu être sensiblement moins glorieuse avec un nombre d’écrans limité à sa disposition.
Il n’empêche que la popularité de Albert Dupontel, concrétisée par une pluie de César en mars dernier, n’est plus à prouver. L’ancien champion de la fréquentation reste fermement en tête, grâce à sa drôle de troisième semaine lors de laquelle il fait presque aussi bien qu’au moment de son démarrage à partir du 21 octobre. Ainsi, Adieu les cons n’a pas encore pris congé de ses spectateurs ravis, susceptibles de le garder certes pas en tête, mais à un niveau suffisamment élevé pour permettre à la comédie de dépasser la barre des deux millions de tickets vendus.
Le classement français
Voici les principaux chiffres du Top 10 du box-office français entre le mercredi 19 et le mardi 25 mai 2021 :
- Adieu les cons – distribué par Gaumont – 31ème semaine / + 332 % – 513 607 entrées / 1 232 972 cumul – 23 % part de marché
- Demon Slayer Le Train de l’infini – distribué par CGR Events – Nouveauté – 350 000 entrées cumulées – 16 % part de marché
- Tom et Jerry – distribué par Warner Bros. France – Nouveauté – 249 620 entrées cumulées – 11 % part de marché
- Envole-moi – distribué par Pathé – Nouveauté – 158 495 entrées cumulées – 7 % part de marché
- Mandibules – distribué par Memento Films – Nouveauté – 130 505 entrées cumulées – 6 % part de marché
6. ADN – distribué par Le Pacte – 30ème semaine / + 84 % – 114 178 entrées / 176 388 cumul – 5 % part de marché
7. Drunk – distribué par Haut et Court – 32ème semaine / + 485 % – 105 758 entrées / 327 859 cumul – 5 % part de marché
8. 30 jours max – distribué par Studiocanal – 32ème semaine / – 21 % – 96 010 entrées / 1 241 018 cumul – 4 % part de marché
9. 100 % loup – distribué par Alba Films – 30ème semaine / + 4 % – 63 159 entrées / 124 012 cumul – 3 % part de marché
10. Falling – distribué par Metropolitan Filmexport – Nouveauté – 57 572 entrées cumulées – 3 % part de marché
Le marché américain
Contrairement aux salles françaises, celles outre-Atlantique n’ont jamais complètement fermé leurs portes. Quelque part dans la vaste étendue des États-Unis, il y avait toujours quelques vaillants spectateurs à ne pas se laisser intimider par les vagues successives de l’épidémie. Cependant, faute de films porteurs, nul besoin de relayer ces misérables résultats de sorties parties directement sur les services de vidéo en ligne à l’étranger, dans le meilleur des cas. Même si le niveau de vaccination de la population est largement supérieur dans l’Amérique de Joe Biden à celui dans la France de Emmanuel Macron, la reprise côté salles de cinéma n’aura réellement lieu que ce week-end-ci, lors du coup d’envoi de la saison des blockbusters à l’occasion du jour férié du Memorial Day.
De toute façon, la grande histoire pour les studios hollywoodiens cette semaine-là était le démarrage tonitruant de Fast and Furious 9 de Justin Lin sur quelques marchés internationaux importants. Alors que le nouveau chapitre de la saga des bolides ne sortira en France que le 14 juillet et sur les écrans américains dès le 25 juin, c’est une fois de plus la Chine qui a fait sensation, grâce à un démarrage à 137 millions de dollars ! Un résultat dont les films actuellement à l’affiche peuvent seulement rêver. Alors que le nouveau film de l’univers Saw se maintient sans verve à la première place, le seul film au cumul à peu près respectable et néanmoins toujours en dessous de la barre des cent millions de dollars reste Godzilla vs. Kong de Adam Wingard.
Côté nouveautés, ce n’était pas non plus ça dans les cinémas américains. Le mieux classé à la huitième place est ainsi la reprise du film d’animation Scooby ! de Tony Cervone, initialement sorti l’été dernier, suivie de près par Dream Horse de Euros Lyn, l’histoire édifiante d’une entraîneuse de chevaux interprétée par Toni Collette, à voir en France dès le 4 août. Encore bien plus bas dans le Top 20, on peut trouver le nouveau Michel Franco Nouvel ordre, le documentaire Final Account de Luke Holland sur les témoignages des derniers survivants de l’Allemagne nazie et le thriller australien The Dry de Robert Connolly avec Eric Bana, tous avec des moyennes par copie très modestes d’au mieux 600 $.
Le classement américain
Voici les principaux chiffres du Top 5 du box-office américain pour le week-end se terminant le dimanche 23 mai 2021 :
- Spirale L’Héritage de Saw – distribué par Lionsgate – 2ème semaine / – 47 % – 4 595 320 $ / 15 873 020 $ cumul, sortie française le 21 juillet
- Un homme en colère – distribué par United Artists Releasing – 3ème semaine / – 19 % – 2 978 090 $ / 18 852 122 $ cumul, sortie française le 16 juin
- Those Who Wish Me Dead – distribué par Warner Bros. – 2ème semaine / – 32 % – 1 925 080 $ / 5 626 737 $ cumul, sans date de sortie en France
- Raya et le dernier dragon – distribué par Walt Disney Studios – 12ème semaine / – 2 % – 1 666 739 $ / 48 306 284 $ cumul, sans date de sortie cinéma en France
- Godzilla vs. Kong – distribué par Warner Bros. – 8ème semaine / – 7 % – 1 404 857 $ / 96 880 073 $ cumul, sans date de sortie cinéma en France