Bella
États-Unis : 2006
Titre original : –
Réalisation : Alejandro Gomez Monteverde
Scénario : Alejandro Gomez Monteverde, Patrick Million
Acteurs : Eduardo Verástegui, Tammy Blanchard, Manny Pérez
Éditeur : SAJE Distribution
Durée : 1h31
Genre : Drame
Date de sortie DVD : 1 mai 2021
Ancienne gloire du football, aujourd’hui cuisinier dans le restaurant mexicain de son frère, José s’est retiré du monde mais quelque chose l’intrigue chez Nina, une jeune serveuse à qui il tend la main. Au cours d’une longue journée ordinaire à New York, ils vont non seulement affronter leur passé, mais découvrir comment le pouvoir de guérison d’une famille peut les aider à embrasser l’avenir…
Le film
[4/5]
Fais-moi tourner la tête, hé, hé, tourner la tête, hé-hé
Voilà déjà huit ans que Maître Gims nous casse la tête avec sa chanson Bella, sortie en 2013 et ayant dévasté les charts et les cours d’école tout en propulsant Kelly Vedovelli sur le devant de la scène et des réseaux sociaux. Huit ans donc, c’est la préhistoire, mais cette Bella-là ne fut pas la première à marquer les esprits.
En effet, en 2006 déjà, une autre Bella marquait déjà les esprits de l’autre côté de l’Atlantique : une petite fille au cœur du film indépendant Bella, réalisé par Alejandro Gomez Monteverde. Cette petite présente néanmoins une particularité dans le film : elle en est le centre névralgique, et pourtant, on ne la voit jamais – pour la bonne et simple raison qu’elle n’est pas encore née. Elle est la fille à venir de Nina (Tammy Blanchard), enceinte, mais qui n’a pas réellement l’intention de poursuivre sa grossesse jusqu’à son terme, et envisage sérieusement un avortement – en partie à cause d’un père démissionnaire, et en partie parce qu’elle est fauchée.
Remarqué en 2006 au Festival International de Toronto, où il a remporté le Prix du Public, le film d’Alejandro Gomez Monteverde a créé un véritable engouement populaire autour de lui ; il serait également récompensé du Grand Prix au Heartland International Film Festival d’Indianapolis et du Legacy Award de la Smithsonian Institution pour sa contribution à la culture latino. Autant dire donc que Bella a marqué les mémoires lors de sa découverte aux États-Unis.
Rends-moi bête comme mes ieps, hé, hé, bête comme mes ieps, hé-hé
Se basant sur le cheminement de pensée d’une mère tiraillée entre le fait de laisser sa fille à l’adoption et le fait d’avorter, Bella est un film qui prend son temps afin de présenter au spectateur ses deux personnages principaux. José (Eduardo Verastegui) est une ancienne gloire du football ayant été frappé par une tragédie l’ayant forcé à prendre une décision difficile : fuir ou assumer ses responsabilités, au risque de tout perdre. Quand sa trajectoire rencontre celle de Nina, il voit dans les problèmes de la jeune femme une possibilité pour lui d’atteindre une espèce de rédemption.
De fait, au fur et à mesure que l’intrigue de Bella avance, le film prend de l’ampleur. Le rythme de l’ensemble est certes lent, et l’essentiel du message du film passera par le dialogue, mais l’histoire est de qualité et vaut clairement la peine d’être racontée, en partie en raisons des questionnements moraux et/ou philosophiques qu’elle soulève.
Côté mise en scène, Alejandro Gomez Monteverde a naturellement choisi la carte de la sobriété, et impose rapidement son style narratif et visuel, aussi simple et sans artifice que l’histoire qu’il nous raconte. La caméra est fluide et légère, ce qui nous permettra de voir les visages et les réactions de chaque personnage dans ses moindres détails. Pour autant, le cinéaste ne place jamais le spectateur dans une position de « voyeur » : il se sentira au contraire impliqué dans l’histoire, au plus près des acteurs et de leurs questions existentielles.
J’suis l’ombre de ton iench’, hé, hé, l’ombre de ton iench’, hé-hé
Cette proximité avec ce qui nous est raconté au cœur de Bella est importante, et s’avère même absolument essentielle au fur et à mesure que se déroule cette tranche de vie portée par José et Nina. Tous deux sont en proie à une grande douleur – l’un dans le passé, l’autre dans l’avenir – et les deux acteurs, absolument brillants, parviennent à faire passer leur détresse au spectateur avec une grande subtilité. Dans leurs yeux ou leurs expressions… L’effet sur vos glandes lacrymales risque bien de s’avérer déchirant, surtout si vous êtes une femme.
Tammy Blanchard et Eduardo Verastegui portent sur leurs épaules l’essentiel de la réussite de Bella, qui s’avère un pur film « d’acteurs ». C’est par leur jeu qu’ils véhiculent toutes les questions de cette histoire, n’offrant pas réellement de réponse facile ou toute faite. Bouleversants dans les séquences dramatiques, ils sont tout aussi convaincants dans les passages plus légers – leur authenticité est probablement une des clés de la réussite du film d’Alejandro Gomez Monteverde. Les seconds-rôles ne sont d’ailleurs pas en reste : on notera par exemple la prestation de Manny Perez, acteur latino habitué aux séries policières US, qui change ici un peu de registre.
Bella traite donc d’un sujet difficile de la manière la plus réaliste et la plus sensible qui soit, évitant avec brio les différents pièges idéologiques dans lesquels il aurait pu tomber, et parvenant à toucher du doigt une réelle émotion, en particulier dans ses dernières minutes. Ce que Maître Gims ne parvenait pas à faire.
Le DVD
[4/5]
Quinze ans après la sortie du film aux États-Unis, c’est aujourd’hui chez SAJE Distribution que débarque Bella en DVD, et il nous faudra admettre d’entrée de jeu que cela valait le coup d’attendre. Non seulement le film est excellent, mais en plus, force est de constater que l’on est en présence d’un DVD assez épatant, jouant habilement avec les limites du support SD pour nous proposer une expérience de visionnage vraiment optimale : le master est littéralement impeccable, et s’adapte parfaitement à la jolie photo du film signée Andrew Cadelago : définition et couleurs sont superbes et assez irréprochables, composant parfaitement avec un tournage essentiellement fait en en basse lumière. Côté enceintes, VF et VO s’imposent dans des mixages Dolby Digital 2.0 clairs et bien conçus, avec un placement des voix et une restitution des ambiances tout à fait appréciable.
Du côté des suppléments, on aura l’agréable surprise de trouver un court-métrage intitulé Crescendo (Alonso Alvarez, 2011, 14 minutes), petit film en costumes assumant clairement sa prise de position anti-avortement. Quoi qu’on puisse penser du « fond », c’est impeccable dans la forme – costumes, photo, musique. Intéressant.