Les yeux de Satan
États-Unis : 1972
Titre original : Child’s play
Réalisation : Sidney Lumet
Scénario : Leon Prochnik
Acteurs : James Mason, Robert Preston, Beau Bridges
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h40
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 8 janvier 1975
Date de sortie DVD/BR : 16 mars 2021
Paul Reis vient d’être engagé comme professeur de sport dans un établissement catholique pour garçons. Le jeune enseignant découvre qu’il règne dans la pension une étrange atmosphère. De violents incidents, sans explication rationnelle, éclatent entre les élèves. Deux professeurs de l’établissement semblent être à l’origine de ces débordements violents…
Le film
[3,5/5]
Film méconnu, souvent oublié ou mis de côté dans la riche filmographie de Sidney Lumet, Les yeux de Satan fut également connu en France sous les titres Les jeux de Satan et Jeux sanglants : deux titres probablement un peu plus fidèles à l’intrigue du film, au cœur de laquelle il n’est jamais réellement question d’yeux, ni même de regard. Le titre original, Child’s play (à ne pas confondre avec la saga de films mettant en vedette la poupée Chucky), faisait d’ailleurs également référence à des « jeux », même si on voit mal comment cette histoire nous narrant la possession démoniaque potentielle d’un groupe d’étudiants dans un pensionnat catholique pourrait revêtir une dimension « ludique ».
Adapté d’une pièce de Broadway à succès signée Robert Marasco (auteur du roman dont sera adapté l’excellent Trauma, disponible chez Rimini Éditions), Les yeux de Satan met donc en scène l’affrontement sans merci entre deux professeurs ne partageant pas la même vision de l’éducation, incarnés à l’écran par Robert Preston et James Mason. Si le film développe indéniablement une atmosphère fantastique, principalement orchestrée par un recours vraiment habile de Sidney Lumet à la musique, la thématique centrale des Yeux de Satan va en réalité d’avantage chercher du côté de la notion d’influence, et le cœur du récit mettra avant tout en scène la lutte d’influences qui opposera Dobbs (Robert Preston) et Malley (James Mason), cette dernière étant en quelque sorte « arbitrée » par le personnage incarné par Beau Bridges, fils de Lloyd, frère aîné de Jeff, et qui était alors considéré comme un acteur à suivre.
Mieux vaut cependant ne pas en dévoiler trop sur l’intrigue du film, afin d’en préserver les surprises. On peut néanmoins révéler qu’au moment de sa mise en chantier, Les yeux de Satan fut probablement pensé comme un film de mystère s’imposant comme un enfant illégitime de Rosemary’s baby (Roman Polanski, 1968), avec qui il partage quelques points communs. Le film de Sidney Lumet met à sa manière également en scène l’éternelle opposition entre le bien et le mal, tout en baladant gentiment le spectateur, qui ne parvient jamais exactement à déterminer où se situe le bien par rapport au mal, et où se situe la frontière entre ces deux notions.
On notera également le trouble rapport de Lumet à l’homosexualité latente de ses personnages, qui s’avère développé avec subtilité durant tout le métrage. Les yeux de Satan joue en effet énormément sur l’ambiguïté entourant les deux professeurs, au point que l’on puisse imaginer qu’ils sont ou furent amants, et que la pression sociale et religieuse – n’oublions pas que le film prend place dans une école catholique et que les deux profs ont un rapport profond à la prière – les a forcé à se séparer, attisant la haine entre eux. L’ambiance profondément claustrophobe du cadre de l’école, que l’on ne quittera quasiment jamais, ajoute encore de l’intensité et de la noirceur à cette relation d’amour / haine. James Mason en particulier livre une prestation assez grandiose en professeur à la fois sévère et vulnérable.
Le Blu-ray
[4/5]
Disponible chez Rimini Éditions dans une édition Blu-ray à laquelle personne ne s’attendait réellement, Les yeux du diable s’offre donc aujourd’hui un lifting Haute-Définition sur galette Blu-ray qui permettra aux cinéphiles français de découvrir ce film méconnu, trop souvent boudé au cœur de la carrière de Sidney Lumet. Ainsi, aussi bien côté image que côté son, le master proposé par l’éditeur s’avère de très bonne tenue. Le film est proposé au format respecté et encodé en 1080p. Le piqué est doux mais solide, le grain cinéma est parfaitement préservé, et les couleurs ainsi que les contrastes semblent avoir été tout particulièrement soignés, même si les noirs apparaissent comme un poil bouchés sur quelques plans épars. L’ensemble est donc plus que recommandable, surtout étant donné la force du film. Rien à redire non plus sur le mixage audio, proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle que cela soit en VF ou en VO. Les amateurs de versions françaises y reconnaîtront notamment les voix de Dominique Collignon-Maurin et de Jean-Claude Michel.
Côté suppléments, Rimini Éditions nous propose une présentation / analyse du film par Michel Cieutat, critique cinéma officiant dans les pages de la revue Positif (32 minutes). L’enthousiasme de l’intervenant est très plaisant, son propos tout à fait cohérent et intéressant, de même que les liens qu’il dresse entre Les yeux du diable et d’autres films de Sidney Lumet. On regrettera cependant qu’un problème de mise au point nous gâche un peu le plaisir, le visage de Michel Cieutat ne cessant d’alterner entre la précision et le flou artistique au fil de ses propos.