Différente, la 46ème cérémonie des César qui s’est tenue hier soir à l’Olympia à Paris, elle l’était à plus d’un titre. Crise sanitaire à longue durée oblige, il lui manquait le côté mondain et parfois bêtement frivole qui la caractérise traditionnellement. Car même si elle a pu avoir lieu en présentiel, seuls les nommés et les présentateurs étaient présents sur place, à distance à peu près raisonnable et la plupart du temps masqués. L’autre effet inévitable de ce confinement qui ne dit pas toujours son nom, c’était la charge fortement politique des discours tenus avec plus ou moins d’aplomb au cours de la soirée.
Ainsi, le grand classique du cri au secours des intermittents adressé quasiment chaque année au gouvernement et plus spécifiquement au représentant du ministère de la culture était encore un peu plus incisif cette fois-ci, après de longs mois où le monde de la culture est plongé dans un coma mortifère car considéré comme pas essentiel. Le soutien à la diversité était de même un thème récurrent des interventions, notamment de la part des lauréats dans les deux catégories des jeunes espoirs. De nombreux hommages aux illustres disparus du microcosme du cinéma ont également rythmé l’émission transmise en direct et en clair sur Canal +, partenaire historique de l’événement. Enfin, l’un des derniers monstres sacrés du cinéma français du siècle dernier, l’acteur Jean-Louis Trintignant y a fait une apparition en vidéo du haut de ses 90 ans.
Du côté du palmarès, il y a essentiellement eu deux grands films gagnants et deux tristes perdants. Absent de l’Olympia, l’acteur et réalisateur Albert Dupontel double son compteur de César, puisqu’il en détient désormais six. A celui du Meilleur scénario original de 9 mois ferme et ceux de la Meilleure réalisation et du Meilleur scénario adapté pour Au revoir là-haut se joignent les trois qu’il vient de gagner pour Adieu les cons. Grâce à l’abandon de la règle stupide qui interdisait depuis la cérémonie de 2017 qu’un film gagne à la fois les trophées du Meilleur Film et de la Meilleure réalisation, le septième long-métrage du réalisateur est le premier à être récompensé des deux depuis Timbuktu de Aberrahmane Sissako en 2015.
Le Meilleur documentaire Adolescentes de Sébastien Lifshitz est le seul autre lauréat multiple de la cérémonie. Il a remporté les prix du documentaire, du montage et du son. Depuis que le César du Meilleur documentaire existe de façon récurrente en 2007, Adolescentes est le premier film à être victorieux de même dans d’autres catégories. Et Sébastien Lifshitz devient le premier réalisateur à le remporter deux fois, après son sacre en 2013 pour Les Invisibles.
Le pauvre François Ozon aurait réellement de quoi se plaindre : nommé à dix-neuf reprises, entre le court-métrage Une robe d’été en 1997 et Été 85 cette année-ci, il n’a toujours aucun César à son actif. Le fait que ses films sont généralement aussi malchanceux que lui auprès des votants de l’Académie du cinéma français ne devrait guère le consoler. Car laisser repartir Été 85 avec aucune récompense malgré ses douze nominations, cela s’apparente tout de même à une forme déplaisante de moquerie.
Le grand favori avant la soirée d’hier, Emmanuel Mouret et son onzième long-métrage Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait, fraîchement plébiscité par les prix Lumières et le Syndicat Français de la Critique de Cinéma, a connu un camouflet comparable. Nommé treize fois, il gagne seulement la catégorie de la Meilleure actrice dans un second rôle grâce à Emilie Dequenne. L’actrice belge remporte son premier César, plus de vingt ans après sa première nomination pour Rosetta des frères Dardenne.
Meilleur Film : Adieu les cons de Albert Dupontel, produit par Catherine Bozorgan
Meilleure réalisation : Albert Dupontel pour Adieu les cons
Meilleure actrice : Laure Calamy dans Antoinette dans les Cévennes
Meilleur acteur : Sami Bouajila dans Un fils
Meilleure actrice dans un second rôle : Emilie Dequenne dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Meilleur acteur dans un second rôle : Nicolas Marié dans Adieu les cons
Meilleur scénario original : Adieu les cons par Albert Dupontel
Meilleur scénario adapté : La Fille au bracelet par Stéphane Demoustier
Meilleur Film étranger : Drunk (Danemark) de Thomas Vinterberg
Meilleur Documentaire : Adolescentes de Sébastien Lifshitz, produit par Muriel Meynard
Meilleur Premier Film : Deux de Filippo Meneghetti, produit par Pierre-Emmanuel Fleurantin et Laurent Baujard
Meilleur long-métrage d’animation : Josep de Aurel, produit par Serge Lalou
Meilleur espoir féminin : Fathia Youssouf dans Mignonnes
Meilleur espoir masculin : Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir
Meilleure photo : Adieu les cons – Alexis Kavyrchine
Meilleur montage : Adolescentes – Tina Baz
Meilleure musique originale : La Nuit venue – Rone
Meilleurs décors : Adieu les cons – Carlos Conti
Meilleurs costumes : La Bonne épouse – Madeline Fontaine
Meilleur son : Adolescentes – Yolande Decarsin, Jeanne Delplancq, Fanny Martin et Olivier Goinard
Meilleur court-métrage : Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaloui, produit par Margaux Lorier et Frédéric Dubreuil
Meilleur court-métrage d’animation : L’Heure de l’ours de Agnès Patron, produit par Ron Dyens