On a beau se creuser la tête, nous ne trouvons pas d’équivalent cannois au Forum du Festival de Berlin. A la limite, l’ACID remplit tant soit peu la case du cinéma indépendant, produit hors des sentiers battus. Mais ce serait alors sous une forme chichement réduite de cette vénérable section parallèle de la Berlinale, dont la sélection a été annoncée la semaine dernière, le mardi 9 février.
Car en temps normal, le Forum, qui est désormais à sa 51ème édition, voit défiler presque jour et nuit des dizaines de films à l’esthétique souvent exigeante dans la petite salle à gauche au premier étage du Cinemaxx, où les membres les plus aventureux de la presse cinéma du monde entier avaient l’habitude d’élire leur domicile au mois de février. Et pour les heureux journalistes basés dans la capitale allemande, il était même possible d’anticiper ce plaisir de festivalier qui nous manque tant en assistant aux projections de presse, programmées parfois des semaines avant le coup d’envoi officiel de la Berlinale.
Hélas, comme on l’a déjà écrit à plusieurs reprises au fil de notre couverture à distance du 71ème Festival de Berlin, il n’en sera rien en cette année tristounette de pandémie mondiale. Après un premier volet en ligne réservé aux professionnels et à la presse début mars, ce premier grand rendez-vous de l’année pour le cinéma en Europe espère rattraper en quelque sorte le coup avec des festivités estivales, prévues au mois de juin. La sélection du Forum s’en ressent forcément, puisque, comme le Panorama, elle a dû réduire la voilure. Tandis qu’il y avait encore une quarantaine de films sélectionnés en 2020, ils ne sont plus que dix-sept longs-métrages cette année-ci, avec en supplément une sélection Forum Expanded aux formes filmiques encore plus libres. Sept des titres du Forum 2021 sont des premiers films.
Pourtant, on y trouve aussi quelques noms qui pourraient être familiers aux cinéphiles français les plus curieux. Le réalisateur israélien de documentaires Avi Mograbi en tête, qui a déjà eu le privilège de voir cinq de ses films distribués en France dont en 2017 Entre les frontières. La réalisatrice portugaise Susana Nobre a vu son film Tempo comum profiter, si l’on peut dire, d’une sortie début 2019 au Saint André-des-Arts à Paris. Et pour le Français Christophe Cognet et la Thaïlandaise Anocha Suwichakornpong, il faudra remonter bien plus loin dans le passé, respectivement en 2014 pour le documentaire Parce que j’étais peintre et en 2013 pour Mundane History.
Enfin, les sélectionneurs du Forum ont certes plus la qualité artistique des films qu’ils choisissent à l’esprit que leur potentiel commercial. Il arrive cependant que certaines œuvres voient la lumière des projecteurs de cinéma français. Pas actuellement, hélas, puisque les salles sont encore et toujours fermées, sans l’espoir d’une date de reprise à l’horizon. Et pas non plus de la sélection 2020, un triste signe supplémentaire de l’état désolant de la distribution en ces temps de crise. Mais il y a quand même l’un ou l’autre film de l’édition 2019 qui est déjà sorti, comme Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais, Nos défaites de Jean-Gabriel Périot et Après la nuit de Marius Olteanu, ou qui sortira bientôt, comme Delphine et Carole Insomuses de Callisto McNulty.
La sélection du Forum
A pas aveugles (France) de Christophe Cognet
A River runs turns erases replaces (États-Unis) de Shengze Zhu
Ancient Soul (Espagne) de Alvaro Gurrea, avec Yono Aris Munandar et Sayu Kholif
Anmaßung (Allemagne) de Chris Wright et Stefan Kolbe, avec Nadia Ihjeij et Josephine Hock
Come Here (Thaïlande) de Anocha Suwichakornpong, avec Apinya Sakuljaroensuk et Waywiree Ittianunkul
Esqui (Argentine) de Manque La Banca, avec José Alejandro Colin et Segundo Botti
The First 54 Years An Abbreviated Manual for Military Occupation (Israël) de Avi Mograbi
Garderie nocturne (Burkina Faso) de Moumouni Sanou
The Good Woman of Sichuan (Canada) de Sabrina Zhao, avec Weihang He et Ruobing Zhao
The Inheritance (États-Unis) de Ephraim Asili, avec Eric Lockley et Nozipho McClean
Juste un mouvement (Belgique) de Vincent Meessen, avec Dialo Blondin Diop et Ousman Blondin Diop
No taxi do Jack (Portugal) de Susana Nobre, avec Amindo Martins Rato et Maria Carvalho
Que sera del verano (Argentine) de Ignacio Ceroi, avec Ignacio Ceroi et Mariana Martinelli
Ste Anne (Canada) de Rhayne Vermette, avec Isabelle d’Eschambault et Jack Theis
Taming the Garden (Suisse) de Salomé Jashi
Tzarevna Scaling (Russie) de Uldus Bakhtiozina, avec Alina Korol et Viktoria Lisovskaya
La Veduta luminosa (Italie) de Fabrizio Ferraro, avec Alessandro Carlini et Catarina Wallenstein