Berlinale 2021 : un jury sans président

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Par la force des choses, dans un contexte de grande incertitude pandémique en Europe et à travers le monde, le Festival de Berlin a dû s’adapter cette année. Comme cela avait déjà été annoncé en décembre dernier, la 71ème édition de la Berlinale, initialement prévue dans une dizaine de jours à partir du 11 février, se tiendra en deux temps. Après les diverses rencontres professionnelles qui débuteront en ligne dans un mois, jour pour jour, le 1er mars, le grand public sera invité cet été à participer au Summer Special entre le 9 et le 20 juin. La compétition officielle fera partie des événements du printemps, tandis que les prix votés en mars seront remis en juin. La composition du jury, pour une fois dépourvu de président, a été dévoilée ce jour.

Il regroupe les lauréats suprêmes de ce premier festival majeur de l’année, à savoir celles et ceux ayant décroché le prestigieux Ours d’or entre 2016 et 2020. Avec en supplément la lauréate de l’édition de 2006. Ces trois réalisatrices et trois réalisateurs se réuniront sur place à Berlin, afin d’y regarder sur grand écran les films en compétition. Il ne reste alors plus que deux questions. Le grand gagnant de l’année dernière, l’Iranien Mohammad Rasoulof, sera-t-il autorisé à faire le déplacement, bien qu’il n’ait même pas pu venir chercher son prix en février 2020 ? Et sans doute tristement en rapport avec cette première interrogation : pourquoi l’Ours d’or 2015, le candidat suivant au jury selon toute logique en termes de chronologie, l’Iranien Jafar Panahi pour Taxi Teheran, n’a-t-il pas été inclus, ne serait-ce que sous forme symbolique ?

C’est déjà la deuxième fois dans l’Histoire du Festival de Berlin que le jury devra se passer de la voix décisive d’un président. En 1977, la première année après le long règne du directeur du festival Alfred Bauer, récemment tombé en disgrâce à cause de ses activités pendant la Deuxième Guerre mondiale, les neuf membres du jury avaient délibéré à niveau égal, avant d’attribuer leur Ours d’or au film soviétique L’Ascension de Larisa Shepitko. Y participaient à l’époque entre autres l’actrice américaine Ellen Burstyn, le réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder, le réalisateur russe Andreï Kontchalovski, le réalisateur sénégalais Ousmane Sembene et la productrice française Hélène Vager.

A partir de la semaine prochaine, dès le lundi 8 février, auront par ailleurs lieu les annonces des différentes sections de la sélection officielle berlinoise. Ce sera lundi pour la rétrospective – Mae West, Rosalind Russell et Carole Lombard, prévues depuis le mois d’octobre, ont-elles du souci à se faire ? – et Génération. Mardi pour la compétition des courts-métrages, le Forum et sa partie Expanded. Mercredi pour les Encounters, la sélection parallèle ajoutée l’année dernière lors de l’arrivée du nouveau directeur artistique Carlo Chatrian, le Panorama et la Perspektive Deutsches Kino. Et enfin, jeudi pour la compétition et le Berlinale Special. Tout un programme !


Les membres du jury 2021

© 2020 Piero Chiussi / Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Mohammad Rasoulof (* 1973)

Ours d’or en 2020 pour Le Diable n’existe pas du jury de Jeremy Irons

Mohammad Rasoulof fait partie de ces réalisateurs iraniens qui œuvrent vaillamment pour leur art, en dépit du contexte politique répressif dans leur pays. En près de vingt ans de carrière, il a pu réaliser sept longs-métrages de fiction dont trois ont jusqu’à présent été distribués en France. Après un premier succès d’estime à l’international avec La Vie sur l’eau en 2005, Rasoulof avait remporté six ans plus tard le prix de la mise en scène dans la section Un certain regard au Festival de Cannes grâce à Au revoir. En 2017, toujours sur la Croisette, il avait gagné le prix Un certain regard avec Un homme intègre. Puisque le réalisateur n’avait pas le droit de quitter l’Iran en février 2020, c’est sa fille, l’actrice Baran Rasoulof, qui avait accepté l’Ours d’or sur scène pour Le Diable n’existe pas, prévu de sortir en France dès la réouverture des salles.

Également en compétition cette année-là : Effacer l’historique de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Je voulais me cacher de Giorgio Diritti, Never Rarely Sometimes Always de Eliza Hittman et Ondine de Christian Petzold

© 2019 Alexander Janetzko / Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Nadav Lapid (*1975)

Ours d’or en 2019 pour Synonymes du jury de Juliette Binoche

Ce réalisateur israélien est un habitué des festivals internationaux, puisqu’il avait fait partie à deux reprises de la Cinéfondation à Cannes et qu’il avait gagné le Grand prix du jury à Locarno en 2011 pour Le Policier. A Berlin, il avait présenté son court-métrage Lama ? en 2015, avant de décrocher le prix suprême de la compétition avec son cinquième long-métrage. C’était hélas le sommet précoce de ce conte parisien avec Tom Mercier, tout juste nommé au prix Louis-Delluc et complètement ignoré par les César. En plus des longs Le Policier, L’Institutrice et Synonymes, deux courts-métrages de Nadav Lapid ont eu l’honneur d’une sortie en salles en France : La Petite amie d’Emilie et Journal d’un photographe de mariage.

Également en compétition cette année-là : Benni de Nora Fingscheidt, Grâce à dieu de François Ozon, L’Ombre de Staline de Agnieszka Holland et So Long My Son de Wang Xiaoshuai

© 2018 Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Adina Pintilie (* 1980)

Ours d’or en 2018 pour Touch Me Not du jury de Tom Tykwer

Venue du monde du documentaire et du court-métrage, cette réalisatrice avait triomphé à Berlin avec son premier long-métrage de fiction. Touch Me Not y avait également remporté le prix du premier film.

Également en compétition cette année-là : L’Île aux chiens de Wes Anderson, La Prière de Cédric Kahn, La Saison du diable de Lav Diaz et Transit de Christian Petzold

© 2017 Ali Ghandtschi / Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Ildiko Enyedi (* 1955)

Ours d’or en 2017 pour Corps et âme du jury de Paul Verhoeven

Contrairement à celle qui allait la suivre sur le trône de la Berlinale, la réalisatrice hongroise Ildiko Enyedi a dû attendre un certain temps avant de recevoir la reconnaissance unanime du cinéma européen. En effet, elle avait remporté la Caméra d’or au Festival de Cannes pour son premier film Mon XXème siècle près de trente ans plus tôt, en 1989. Entre-temps, sa filmographie s’était à peu de choses près résumée à une sélection en compétition au Festival de Venise en 1994 avec Freischütz, ainsi qu’un Grand Prix au Festival Entrevues de Belfort pour Tamas et Juli en 1997. Avant de tourner le sublime Corps et âme, elle n’avait plus réalisé de long-métrage de cinéma depuis dix-huit ans.

Également en compétition cette année-là : L’Autre côté de l’espoir de Aki Kaurismäki, La Tête à l’envers de Josef Hader, Seule sur la plage la nuit de Hong Sang-soo et Une femme fantastique de Sebastian Lelio

© 2016 Ali Ghandtschi / Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Gianfranco Rosi (* 1964)

Ours d’or en 2016 pour Fuocoammare Par-delà Lampedusa du jury de Meryl Streep

De tous les membres du jury de cette édition singulière de la Berlinale, le réalisateur italien Gianfranco Rosi est certainement celui ayant le plus profité de sa consécration en plein hiver allemand il y a cinq ans. Mieux encore, avant même de commencer la tournée des prix les plus prestigieux grâce à son documentaire sur la crise des réfugiés, aucunement réglée depuis, il avait déjà un Lion d’or en poche, reçu trois ans plus tôt à Venise pour un autre documentaire, Sacro Gra. Entre autres signes de reconnaissance, Fuocoammare Par-delà Lampedusa lui a valu une nomination à l’Oscar et au César du Meilleur Documentaire, ainsi que le European Film Award dans la même catégorie. Son nouveau film Notturno représentera l’Italie dans la course à l’Oscar du Meilleur Film international.

Également en compétition cette année-là : Hedi Un vent de liberté de Mohamed Ben Attia, L’Avenir de Mia Hansen-Løve, La Communauté de Thomas Vinterberg et Quand on a 17 ans de André Téchiné

© 2006 Andreas Teich / Berlin International Film Festival Tous droits réservés

Jasmila Zbanic (* 1974)

Ours d’or en 2006 pour Sarajevo mon amour du jury de Charlotte Rampling

Et encore une cinéaste qui a pris son envol grâce au petit ours doré du Festival de Berlin ! Avec son premier long-métrage, la réalisatrice bosniaque Jasmila Zbanic avait en effet trouvé son filon – le sort des femmes pendant la guerre des Balkans dans les années 1990 – qu’elle allait exploiter quasiment sans relâche jusqu’à ce jour. Ce fut le cas de Le Choix de Luna, en compétition à Berlin en 2010, et de Les Femmes de Visegrad. A première vue, il en sera de même pour son nouveau film La Voix d’Aida, en compétition au Festival de Venise l’année dernière et en salles en France au mois d’avril, si tout va bien.

Également en compétition cette année-là : Hors jeu de Jafar Panahi, L’Ivresse du pouvoir de Claude Chabrol, The Last Show de Robert Altman et Vagues invisibles de Pen-Ek Ratanaruang

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