Le cascadeur français Rémy Julienne est décédé jeudi dernier, le 21 janvier, à Montargis d’une infection au coronavirus. Il était âgé de 90 ans. Le roi de la cascade spectaculaire tous genres et tous moyens de locomotion confondus, Julienne avait travaillé sur des centaines de films en près de cinquante ans de carrière. Le goût du risque contrôlé lui avait en effet valu une réputation de cascadeur à tout faire, à la fois dans le cinéma français populaire à travers ses nombreuses collaborations avec le réalisateur Georges Lautner et l’acteur Jean-Paul Belmondo et plus près d’Hollywood avec ses nombreuses participations à l’univers de James Bond. Il avait également signé responsable du spectacle « Moteur … Action ! », inauguré lors de l’ouverture des Walt Disney Studios à Disneyland Paris en avril 2002.
Venu du monde du sport mécanique, Rémy Julienne avait été champion français de motocross en 1957. Sept ans plus tard, il participe à ses premières cascades de cinéma, en doublant Jean Marais dans le Fantomas de André Hunebelle. Après le décès accidentel de son confrère et mentor Gil Delamare, avec lequel il avait de même collaboré sur Le Gentleman de Cocody de Christian-Jaque, Julienne devient dès 1966 l’un des cascadeurs les plus recherchés du cinéma mondial. Car à la suite de quelques autres succès français comme La Grande vadrouille de Gérard Oury, Fleur d’oseille et Le Pacha de Georges Lautner, Au diable les anges de Lucio Fulci et A tout casser de John Berry, il imagine un incroyable ballet de Austin Mini pour le film de casse britannique légendaire L’Or se barre de Peter Collinson en 1969.
Dès lors, il partage son temps entre les plateaux de tournage français et les grosses productions étrangères. Parmi les premiers, on peut citer jusqu’à la fin des années ’70 ceux de La Peau de torpedo de Jean Delannoy, Point de chute de Robert Hossein, Le Mur de l’Atlantique de Marcel Camus, Sur un arbre perché de Serge Korber, Le Casse et Peur sur la ville de Henri Verneuil, Kill de Romain Gary, Les Caïds de Robert Enrico, Quelques messieurs trop tranquilles, Pas de problème, On aura tout vu, Mort d’un pourri, Ils sont fous ces sorciers et Flic ou voyou de Georges Lautner, Le Silencieux et La Gifle de Claude Pinoteau, La Bonne année et Toute une vie de Claude Lelouch, Le Grand bazar, L’Aile ou la cuisse et L’Animal de Claude Zidi, Les Aventures de rabbi Jacob et La Carapate de Gérard Oury, L’Agression et L’Ordinateur des pompes funèbres de Gérard Pirès, La Faille de Peter Fleischmann, Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau, Le Gitan et Les Égouts du paradis de José Giovanni, A chacun son enfer et La Raison d’état de André Cayatte, La Menace de Alain Corneau, Dites-lui que je l’aime de Claude Miller, La Femme qui pleure de Jacques Doillon, Coup de tête de Jean-Jacques Annaud et La Guerre des polices de Robin Davis.
A peu près à la même époque, en Italie, aux États-Unis, au Royaume-Uni, voire plus tard à Hong Kong, il devenait l’atout précieux des cascades de plusieurs films à partir de La Cité de la violence de Sergio Sollima en 1970. Julienne avait alors organisé au millimètre près les cascades pour des réalisateurs tels que Terence Young (De la part des copains), Michele Lupo (L’Homme aux nerfs d’acier), Irvin Kershner (Les ‘S’pions), Peter Collinson (Le Sursis), Sydney Pollack (Bobby Deerfield), Stuart Rosenberg (Avec les compliments de Charlie), Charles Jarrott (Condorman), John Guillermin (Sheena Reine de la jungle), Richard Marquand (French Lover), Arthur Penn (Target), Philip Kaufman (L’Insoutenable légèreté de l’être), Roman Polanski (Frantic), John Woo (Les Associés), Jackie Chan (Opération Condor), Robert Altman (Prêt-à-porter), James Ivory (Surviving Picasso), Ringo Lam (Risque maximum), Tsui Hark (Double team), Peter Hyams (Un coup de tonnerre) et Ron Howard (Da Vinci Code).
Sans oublier bien entendu sa contribution essentielle à l’univers de James Bond dans six films entre 1981 et 1995 : Rien que pour vos yeux, Octopussy, Dangereusement vôtre, Tuer n’est pas jouer et Permis de tuer de John Glen, ainsi que Goldeneye de Martin Campbell.
Toujours aussi demandé à partir des années ’80, il était aux commandes des véhicules et des corps à la dérive dans Le Guignolo, Le Professionnel, Joyeuses pâques et La Vie dissolue de Gérard Floque de Georges Lautner, Je vais craquer de François Leterrier, Le Coup du parapluie, L’As des as et Lévy et Goliath de Gérard Oury, 3 hommes à abattre, Le Marginal et Le Solitaire de Jacques Deray, Inspecteur la Bavure de Claude Zidi, Beau-père de Bertrand Blier, Tout feu tout flamme de Jean-Paul Rappeneau, Le Gendarme et les gendarmettes de Jean Girault, Mortelle randonnée de Claude Miller, Canicule et Bleu comme l’enfer de Yves Boisset, Le Juge de Philippe Lefebvre, La Femme publique de Andrzej Zulawski, La 7ème cible de Claude Pinoteau, Hold-up de Alexandre Arcady, Un homme et une femme 20 ans déjà de Claude Lelouch, Twist again à Moscou de Jean-Marie Poiré, Mauvais sang de Leos Carax, Drôle d’endroit pour une rencontre de François Dupeyron et Pleure pas my love de Tony Gatlif.
A partir des années ’90, le rythme du casse-cou le plus perfectionniste du cinéma français ralentissait progressivement, même si l’on a encore pu voir ses chorégraphies spectaculaires entre autres dans Netchaïev est de retour et Un crime de Jacques Deray, La Gamine de Hervé Palud, La Petite apocalypse de Costa-Gavras, Le Huitième jour de Jaco Van Dormael, Passage à l’acte de Francis Girod, 1 chance sur 2 de Patrice Leconte, Taxi 2 de Gérard Krawczyk et La Petite Chartreuse de Jean-Pierre Denis.