Test DVD : Société anonyme anti-crime

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Société anonyme anti-crime

Italie, Allemagne de l’Ouest : 1972
Titre original : La polizia ringrazia
Réalisation : Stefano Vanzini
Scénario : Stefano Vanzini, Lucio De Caro
Acteurs : Enrico Maria Salerno, Mariangela Melato, Mario Adorf
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h34
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 26 février 1975
Date de sortie DVD : 5 janvier 2021

Rome, la corruption a gangréné toutes les institutions. Le commissaire Bertone tente malgré tout de faire son travail correctement. Alors qu’il recherche deux voyous ayant assassiné un joailler après un braquage, il retrouve l’un d’eux, mort, au bord du canal. Il va peu à peu découvrir qu’un groupe armé a entrepris de faire justice sur les malfrats libérés par une justice trop laxiste…

Le film

[4/5]

Société anonyme anti-crime s’inscrit dans une « tradition » encore relativement récente à l’époque : celle du « poliziottesco » ou néo-polar italien, également connu sous le nom de polar bis italien. Encore assez peu connu en France, ce genre volontiers extrêmement violent, putassier et démagogique s’attachait à relater sur un ton noir et sans concessions des faits divers sanglants, le plus souvent traités de façon outrancière. En effet, comme dans de nombreux westerns spaghetti tournés à la même période, les flics étaient montrés comme de véritables cowboys, solitaires et adeptes de la loi du talion, tandis que les truands prenaient souvent des allures de salopards intégraux, dont la plus infime trace de valeur morale avait été réduite à néant par des années de soumission à la société capitaliste.

Politiquement, ces films au demeurant le plus souvent absolument jouissifs jusque dans leurs excès – violence, gore, nudité, usage de drogues, viols, rackets, homophobie – s’avèrent difficiles à cerner : le néo-polar propose en effet une vision de la société italienne de l’époque en totale déliquescence sociale et morale, corrompue par la lutte des classes et sans juste milieu entre une bourgeoisie insouciante (et forcément décadente) et le reste de la population, obligé de survivre dans la misère. Parfois considéré comme un cinéma à tendance anarchiste, ou à contrario fasciste, voire « je-m’en-foutiste » ou apolitique, le néo-polar véhicule tout un tas d’idées contradictoires, issues de la gauche comme de la droite. Le mieux est sans doute d’y voir un cinéma de « personnages », de pur divertissement, sans se soucier du discours sous-jacent : ainsi, les personnages peuplant le genre sont le plus souvent de parfaits anti-héros, inadaptés au système et à leur époque, racistes, homophobes, et même parfois ouvertement bas de plafond, voire même parfaitement antipathiques.

Société anonyme anti-crime met en scène le commissaire Bertone, incarné par Enrico Maria Salerno. Fatigué par les lenteurs et les paradoxes de la justice de son temps (et qui ne feront que s’accentuer, voire même s’exacerber durant les décennies suivantes), il tente par tous les moyens d’alerter l’opinion, en donnant par exemple une « conférence de presse à sa manière », à bord d’un bus tournant dans Rome la nuit et montrant à quel point la police peut s’avérer, malgré sa bonne volonté, complètement impuissante face à une criminalité « protégée », qui ne voit que 10% des gangsters condamnés. Putes, « pédés invétérés », détenus en préventive… Le portrait de la « justice » italienne dressé par Stefano Vanzina (plus connu sous le pseudo de Steno) et son scénariste Lucio De Caro (Calibre 44, agent très spécial) n’est pas reluisant, et s’avère même carrément à charge.

Après une introduction d’environ 40 minutes posant, sur un rythme trépidant, le décor et les différents protagonistes du récit, Société anonyme anti-crime introduit au cœur de son récit les membres d’une « police parallèle », débarrassant la ville de ses malfrats de la manière la plus radicale qui soit. S’en prenant tout à la fois aux criminels, aux putes, aux homosexuels ou aux anarchistes, ces flics d’un nouveau genre sont présentés d’une façon ambivalente, à la fois comme des truands impitoyables mais également comme un « mal nécessaire », au point que la population semble approuver leurs actes – c’est là toute l’ambiguïté et le paradoxe du genre, et le réalisateur Stefano Vanzina prend bien soin de ne jamais réellement les juger, laissant au spectateur faire son choix idéologique.

Parallèlement à cet arc narratif centré sur cette police parallèle formée d’escadrons de la mort, le film suit également la traque d’un jeune braqueur en cavale, ayant embarqué avec lui une jeune otage. Comme beaucoup de poliziotteschi de l’époque, Société anonyme anti-crime développe par ailleurs une certaine fascination pour ce personnage de jeune délinquant, certes présenté comme un jeune désœuvré ayant perdu toute valeur morale, mais aussi comme un beau mec au charme magnétique, mâle alpha dominant, fascinant dans son refus obstiné de se plier à une quelconque autorité, et faisant preuve d’un certain charisme animal, fortement chargé de tension sexuelle.

C’est d’ailleurs à ce personnage, et à la cruauté impassible dont l’entourent Steno et son scénariste, que l’on doit la meilleure scène du film, une impressionnante course-poursuite dans les rues de Rome au terme de laquelle le ravisseur éjectera sa jeune otage de la selle de sa moto ; celle-ci finira sous les roues d’une voiture de police… L’ensemble est énergique, bien mené, et résolument premier degré. Cela dit, par certains aspects, Société anonyme anti-crime pourra également occasionnellement prêter à sourire, quand par exemple le film nous montrera une voiture de police sur laquelle le marquage adhésif « POLIZIA » n’est pas collé droit – un élément qui sera d’ailleurs repris bien des années plus tard sous la forme d’un gag dans Dog eat dog (Paul Schrader, 2016).

Le DVD

[4/5]

C’est Artus Films, un des plus ardents défenseurs du cinéma bis en France, qui nous propose aujourd’hui de (re)découvrir Société anonyme anti-crime sur support DVD. Le film affiche d’ailleurs une forme insolente, avec un master très correct – l’ensemble compose de façon très habile aves les limites du support. Le format Scope est respecté, la définition est relativement précise, les couleurs naturelles, c’est parfait. Le film est proposé en VF ou en VO italienne Dolby Digital 2.0 mono d’origine, et les deux mixages sont clairs et frontaux. Au final, le film de Steno s’offre donc une présentation tout simplement remarquable. On notera par ailleurs que la VF d’époque est très soignée, et nous donnera à entendre les voix – entre autres – d’Edmond Bernard (la voix française de Charles Bronson), Jean-Pierre Duclos (Sean Connery) ou encore Jean-Henri Chambois (le capitaine Crochet dans le Peter Pan de Disney).

Dans la section suppléments, on retrouvera tout d’abord une sympathique présentation du film par Emmanuel Le Gagne (23 minutes). Il y reviendra assez longuement sur la carrière de Steno et resituera le film dans son contexte de tournage, n’hésitant pas à affirmer que Société anonyme anti-crime est sans doute le meilleur film de la carrière du cinéaste. On terminera ensuite avec une galerie de photos (1 minute) ainsi que la bande-annonce du film, en VF (4 minutes).

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