Rien ne va plus
France : 1997
Titre original : –
Réalisation : Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol
Acteurs : Isabelle Huppert, Michel Serrault, François Cluzet
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h41
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 octobre 1997
Date de sortie DVD/BR : 2 décembre 2020
Petits escrocs habiles et modestes, Victor et Betty sillonnent les routes en camping-car. Ils forment un couple imprécis dont le seul but est de prendre le temps, et l’argent, comme il vient. Jusqu’au jour où, en Suisse, Betty ferre un gros poisson, lié à un trafic international d’argent douteux, qui les entraîne bien au-delà de leur terrain de chasse habituel : aux Caraïbes. Rien ne va plus dans cet univers où chacun trompe chacun. L’imagination de Victor suffira-t-elle pour que le couple survive à ce monde cruel, glacé et dénué de toute morale ?
Le film
[3,5/5]
Au lendemain de L’enfer (1994) et de La cérémonie (1995), deux œuvres froides et assez dures dans leur approche des rapports humains, Claude Chabrol avait probablement envie d’un peu de « légèreté ». Avec Rien ne va plus, son cinquantième film en tant que réalisateur, le cinéaste – probablement soucieux de se renouveler et de ne pas forcément donner au public ce qu’il attend de lui – choisissait donc d’offrir au spectateur un vrai roman de gare, une histoire d’arnaqueurs dans la plus pure tradition du policier de type « série noire », avec sa mallette remplie de biftons passant de mains en mains, ses manipulations, ses coups de Trafalgar et ses intimidations en tous genres.
Ne cherchant jamais ni à renouveler le genre ni à signer un polar post-moderne dans le style des frères Coen, Rien ne va plus s’impose donc comme un très classique récit d’arnaqueurs à la petite semaine, et va d’avantage chercher du côté d’un film tel que Les arnaqueurs (Stephen Frears, 1990). Cependant, Claude Chabrol choisit sciemment de s’éloigner de la noirceur du récit de Jim Thompson, en y ajoutant une bonne dose d’humour, intrinsèquement liée à son duo de personnages principaux, incarnés par Michel Serrault et Isabelle Huppert.
Largement porté par la fantaisie naturelle de Michel Serrault, qui use et abuse de son côté bougon et se laisse régulièrement aller à en faire des tonnes, le petit couple d’escrocs au centre de Rien ne va plus sera par ailleurs amené à rencontrer d’autres personnages hauts en couleurs. Un vendeur d’outillage adepte de la trompette, un mystérieux arnaqueur débutant persuadé de pouvoir entuber tout le monde, ou encore une poignée de mafieux d’opérette apparaissant dans le dernier acte du film, et menés par un Jean-François Balmer survolté.
Au final, à force de manipulations et de non-dits – et même si l’intrigue de Rien ne va plus n’est jamais aussi complexe ou labyrinthique que celle des plus grands classiques du genre – le spectateur ne saura plus réellement qui manipule qui, dans le sens où le personnage qui sera perçu comme la victime lors d’une séquence donnée sera peut-être en position de force pendant la suivante. Jusqu’au dénouement final, Chabrol semble signifier au spectateur que rien au cœur de son film ne doit être pris pour argent comptant, et que personne ne doit faire confiance à personne, ce qui, dans l’absolu, peut également fournir une poignée d’informations importantes sur ce qui se passe en réalité.
Cette ambiance intégralement fondée sur les faux-semblants et les simulacres donne finalement à Rien ne va plus une aura de mystère aussi amusante que vivifiante, à la façon par exemple d’un film tel que le formidable Charade de Stanley Donen, auquel il emprunte sa tonalité teintée de mystère et de comédie. Ainsi, même à la fin du film, des zones d’ombre subsistent sur certains points de l’intrigue, et notamment sur la nature de la relation qui lie les personnages de Michel Serrault et Isabelle Huppert, qui semblent définitivement insaisissables : sont-ils d’anciens amants, de simples partenaires dans le crime ou un père et sa fille, comme le suggèrent quelques bribes de dialogues ?
Le Blu-ray
[4/5]
Nul n’est prophète en son pays : jusqu’ici, Rien ne va plus était disponible en Blu-ray aux États-Unis, tandis que le film de Chabrol restait inédit au format Haute-Définition en France. Cette erreur est aujourd’hui réparée. Pour se faire pardonner d’avoir tant tardé, Rien ne va plus aura droit à une sublime restauration 4K, réalisée par le laboratoire Éclair avec l’aide du CNC. Le Blu-ray de Rien ne va plus n’est à ce jour disponible qu’au sein du coffret « Claude Chabrol : Suspense au féminin » édité par Carlotta Films, et contenant également L’enfer (1994), La cérémonie (1995), Merci pour le chocolat (2000) et La fleur du mal (2003).
Afin de fêter comme il se doit la redécouverte de Rien ne va plus, Carlotta Films se devait de nous livrer, avec cette édition Blu-ray, une galette Haute Définition exemplaire. Et rassurez-vous : c’est chose faite avec ce petit trésor de transfert HD, affichant un grain cinéma scrupuleusement préservé, un piqué accru et des couleurs / des noirs très intenses et soignés. Le film de Claude Chabrol retrouve littéralement une nouvelle jeunesse, c’est juste magnifique. Côté son, le film est naturellement proposé en DTS HD Master Audio 2.0. La bande sonore affiche une pêche manifeste, s’avère toujours stable et nette, même si bien sûr l’ensemble se montre – naturellement – essentiellement frontal. La finesse acoustique de l’ensemble est cependant assez remarquable.
Du côté des suppléments, comme sur les autres films disponibles au sein du coffret, Carlotta a choisi de recycler les riches suppléments disponibles sur l’édition MK2 de 2001. On commencera avec la traditionnelle présentation du film par Joël Magny (2 minutes), essentiellement basée sur le couple Huppert / Serrault. On continuera ensuite avec un très intéressant commentaire de Claude Chabrol sur certaines scènes du film (24 minutes). Le cinéaste y reviendra sur certains choix aussi bien techniques que thématiques, admettant également – et avec une honnêteté déconcertante – certains regrets vis-à-vis de la mise en scène de son film. On poursuivra ensuite avec un court making of d’époque (8 minutes), pour finalement découvrir un entretien inédit avec Isabelle Huppert (26 minutes). Cette dernière y évoquera ses souvenirs du cinéaste, sa personnalité, sa relation aux acteurs, etc. Très intéressant !