Critique : The last hillbilly

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The last hillbilly

France, Qatar : 2020
Titre original : –
Réalisation : Thomas Jenkoe, Diane Sara Bouzgarrou
Scénario : Thomas Jenkoe, Diane Sara Bouzgarrou
Interprètes : Brian Ritchie
Distribution : New Story
Durée : 1h20
Genre : Documentaire
Date de sortie : 9 juin 2021

3/5

The last hillbilly est le premier long métrage du couple Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe. Auparavant, chacun de leur côté, Diane et Thomas avaient réalisé des documentaires très bien reçus dans les festivals spécialisés, en particulier Cinéma du Réel : Souvenirs de la géhenne, en 2015, pour Thomas, Je ne me souviens de rien, en 2017, pour Diane. Lorsque est née en eux l’envie, toute naturelle, de faire un film ensemble, ils ont choisi de s’intéresser à une peinture d’une Amérique à la fois  authentique et méconnue : que ce soit au travers de ce que montre le cinéma ou des voyages qu’on a pu faire de l’autre côté de l’Atlantique, on connait bien (ou, du moins, on croit connaître !) certaines grandes villes et les grands sites touristiques des Etats-Unis. Eh bien, Diane et Thomas ont choisi de réaliser leur film dans le Kentucky, un état que même les américains ne connaissent pas vraiment. La chance leur a souri lorsque, en 2013, Brian Ritchie s’est présenté à eux alors qu’ils mangeaient dans un fast-food. Cet homme qui, mi sérieux, mi badin, affirme être le dernier des hillbillies, leur a proposé de leur faire connaître le véritable Kentucky, à l’est de l’état, dans les collines aux pieds des Appalaches. The last hillbilly faisait partie de la sélection ACID de Cannes 2020.


Synopsis : Talcum, Kentucky de l’est. Une région rurale et reculée des Etats-Unis où les gens se sentent moins Américains qu’Appalachiens. Brian Ritchie et sa famille y vivent depuis des décennies. Mais les mines ont fermé, et rien ne les a remplacées. Au fil du temps, les habitants ont été confrontés à un mélange explosif de déclin économique, de catastrophe écologique, et de violence sociale. Aux États-Unis, on les appelle souvent des « hillbillies » (bouseux, péquenaud). Une insulte que certains d’entre eux utilisent pour se définir, presque comme une provocation. Parmi eux, Brian. Pris entre un passé mythique et un futur indiscernable, il est l’un des derniers témoins d’un monde en train de s’éteindre, et dont il se fait le poète.

 

Hillbilly, quésaco ?

Qu’évoque pour vous le mot « Hillbilly » ? Pour peu que vous ayez une certaine familiarité avec l’histoire des musiques américaines, il est certain que vous connaissez ce mot : la musique hillbilly, ancêtre de la musique country, les classifications longtemps utilisées, Hillbilly records, disques réalisés par des blancs du sud pour des blancs du sud, face au Race Records, musique enregistrée par des noirs pour les noirs. Et à part cela ? Il n’y a pas d’unanimité quant à l’origine du mot, la seule certitude étant qu’il est question de « colline » (Hill en anglais). Quant à ce qu’il représente, le terme hillbilly, à l’origine, était réservé à certains habitants des Appalaches et il s’est étendu à la représentation péjorative de populations rurales, considérées comme étant particulièrement incultes, l’équivalent des termes français « péquenaud », « plouc », « bouseux ». Dans The last hillbilly, le personnage principal, Brian Ritchie, lui qui affirme avec fierté être le dernier hillbilly, le dernier homme libre, prend un malin plaisir à affirmer, face caméra, que « tout le monde sait que nous sommes des ignorants, sans éducation, pauvres, violents, racistes, consanguins, tout cela est vrai ». La famille de Brian Ritchie habite dans le comté de Knot, à l’est de l’état du Kentucky, un état très rural qui a connu un boom économique à la grande époque du charbon mais dont l’économie a décliné avec le déclin progressif des mines et des centrales à charbon. Le Kentucky, l’état des Etats-Unis avec le plus grand nombre d’armes par habitant, un état au présent difficile et à l’avenir incertain, en contradiction avec la signification de son nom : d’origine amérindienne, il signifie « terre de demain ».

Un découpage en 3 chapitres

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Brian Ritchie est un homme complexe, un homme très éloigné de la représentation caricaturale de ce qu’est sensé être un hillbilly : à la fois paysan, poète, philosophe, nostalgique, il est capable de reconnaître que ses ancêtres ont pris la terre de ceux qui y vivaient avant leur arrivée et qu’ils ont tué plus que des âmes, ils ont anéanti des nations. C’est donc au sein de sa famille que le film nous transporte, une famille implantée dans un paysage de collines et qui vit de l’élevage de bovins. Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe ont découpé leur film en 3 chapitres. Le premier, intitulé « sous l’arbre familial », se focalise sur le clan familial, sur ce qu’il représente pour ses membres et sur les dangers que le monde extérieur fait peser sur leur mode de vie. Le deuxième, « la friche », évoque aussi bien ceux qui ont décidé de rester dans la région, malgré son déclin économique, que ceux qui ont poursuivi des études à la fac et dont la plupart ne sont jamais revenus. C’est le reflet d’un présent qu’on voudrait éternel face à un avenir plein d’incertitude. Le troisième, « la terre de demain », voit Brian progressivement céder aux enfants le devant de la scène. Des enfants dont on remarque qu’ils sont très proches de l’obésité et dont Brian, celui qui affirme être le dernier homme libre, regrette qu’ils soient esclaves de Youtube et de leurs tablettes. Mais aussi des enfants qui se créent leur monde face aux générations qui les ont précédés et qui, peut-être, sauront donner un avenir heureux à cette région qui les a vu naître.

Un documentaire en immersion

Comme Adolescentes, comme Il mio corpo, The last hillbilly fait partie de la famille des documentaires tournés en immersion. Le tournage s’est étalé sur 4 années, avec plusieurs séjours de Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe dans la famille Ritchie, des séjours qui pouvaient durer jusqu’à deux mois et durant lesquels le couple vivait dans le mobil-home de Brian et participait à la vie de la famille lorsqu’il ne tournait pas. Lorsqu’ils tournaient, Diane s’occupait du son tandis que Thomas était chargé de l’image. Une image pour laquelle ils avaient choisi le format 4/3 afin de rester plus proches des personnages, afin, aussi, de s’écarter des représentations habituelles des grands espaces. Concernant la musique, Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe auraient pu faire le choix d’aller piocher dans le très riche répertoire des musiques traditionnelles du Kentucky. Ils ont préféré faire appel à Jay Gambit, un musicien de la scène de Philadelphie qui a composé un accompagnement partant d’un mélange sur lequel il a travaillé, entre des instruments traditionnels des Appalaches avec des bruits de l’industrie minière enregistrés sur place.

Conclusion

Réalisé en immersion dans une famille de l’est du Kentucky, au pied des Appalaches, The last hillbilly nous introduit dans un univers rude et en déclin, positionné entre un passé prospère mais pas toujours glorieux et un avenir incertain. Le film bénéficie de la présence de Brian Ritchie, tout à la fois poète, philosophe et paysan, un homme qui craint par dessus tout la disparition de ses enfants et celle de son mode de vie.

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