La Roche-sur-Yon 2020 : The Mole Agent

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2009

The Mole Agent

Chili, États-Unis, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, 2020

Titre original : El agente topo

Réalisatrice : Maite Alberdi

Scénario : Maite Alberdi

Distributeur : –

Genre : Documentaire

Durée : 1h29

Date de sortie : –

3/5

Prenez soin de vos aînés ! On ne le répète jamais assez, surtout en ces temps pandémiques, où la génération des grands-parents est particulièrement exposée. Présenté en première française au Festival de La Roche-sur-Yon, ce documentaire chilien tombe donc à pic. Car derrière le subterfuge plus ou moins probant de l’enquête secrète dans une maison de retraite, The Mole Agent fait preuve d’une admirable patience pour nous faire connaître, puis finalement aimer les pensionnaires d’un certain âge. Pour la réalisatrice Maite Alberdi, le véritable enjeu de son film ne paraît guère être la découverte d’une maltraitance supposée. Elle s’emploie davantage à accentuer l’aspect humain de cette incursion sans pathos dans un microcosme hermétiquement fermé au monde extérieur.

Car au fur et à mesure que la mission top secrète passe à l’arrière-plan, avec ses gadgets du XXIème siècle qui indiquent avec une malice un peu facile le décalage entre les générations, le récit gagne en épaisseur et en profondeur humaines. Au début juste un petit vieillard rustique, prêt à tout pour échapper à la monotonie de son veuvage récent, Sergio devient progressivement un acteur de son séjour temporaire dans la maison de repos. Ses rapports ont alors tendance à s’émanciper du joug de l’efficacité policière, afin de mieux refléter le ressenti de cet homme temporairement privé de son autonomie. Pour finir sur le constat désarmant que le désaveu des générations qui nous ont précédés est moins le fruit d’un dysfonctionnement du système de prise en charge – au Chili ou en Europe, peu importe – que du désintérêt cruel de nous tous envers celles et ceux qui nous avaient tant donné dans le passé.

© 2020 Micromundo Producciones / Motto Pictures / Sutor Kolonko / Volya Films / Malvalanda Tous droits réservés

Synopsis : Sergio fait partie d’un groupe de messieurs d’un certain âge ayant répondu à une annonce de recrutement dans le journal. Celle-ci cherchait un homme entre 80 et 90 ans, prêt à s’infiltrer pendant trois mois dans une maison de retraite afin d’y mener une enquête. Connaissance des moyens de communication informatiques requise. Sergio décroche le job. Après s’être familiarisé avec ses nouveaux appareils d’enregistrement, il est accueilli dans la maison de retraite San Francisco. Il est censé y observer le quotidien de la pensionnaire Sonia, dont la fille s’inquiète à cause d’incidents de négligence.

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Recherche détective octogénaire désespérément

En règle générale, l’un des aspects essentiels du documentaire est son rapport concret à la réalité. Bien sûr, il existe toujours une mise en forme plus ou moins marquée dans ce genre cinématographique à part. Mais pour l’essentiel, ce que l’on y voit à l’écran, c’est ce qui s’est réellement passé, sans trop de mise en scène au préalable. D’où notre léger malaise au début de The Mole Agent, qui s’apparente alors beaucoup plus au prologue d’une intrigue de fiction policière qu’à la mise en place neutre d’un univers à défricher avec la caméra. D’emblée, cette mise en abîme instaure un niveau de lecture faussé, même si la mise en scène ne s’abstient pas de jouer ensuite avec une certaine espièglerie de ces grilles de réception complémentaires.

Il n’empêche que la prémisse du détective privé, qui recrute Sergio pour le compte d’une cliente que l’on ne verra finalement jamais, demeure une ruse scénaristique des plus fragiles. Était-il vraiment indispensable de faire démarrer le récit documentaire à travers ce prétexte, voire de l’y ramener à intervalles réguliers, alors que l’enjeu du film a évolué entre-temps ? Les comptes-rendus du consciencieux privé senior n’apportent en effet pas grand-chose à l’intrigue, si ce n’est de souligner à quel point ses observations subjectives sont en désaccord avec le travail objectif qu’on lui demande. De là à en faire le fil rouge de l’intrigue, c’est ce que l’on pourrait appeler le seul et unique faux pas – hélas plutôt substantiel – de la part de Maite Alberdi.

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N’oublie pas que tu es aimé

Pour le reste, son documentaire se montre prodigieux en termes de la mise en images et en sentiments de cette visite ambiguë dans une communauté à laquelle le cinéma s’intéresse généralement très peu. Le vocabulaire visuel de la mise en scène est en fait si recherché qu’il contribue à effacer encore un peu plus les repères entre fiction et réalité. La vitalité des couleurs et la beauté des cadrages contrastent avec la froideur clinique d’habitude associée à ces chambres mortuaires au long cours. Elles témoignent surtout du talent indéniable de la réalisatrice à dénicher des merveilles discrètes, là où notre œil désabusé ne verrait sans doute qu’une routine passablement morbide.

Cette routine justement, la narration la peuple de femmes tout à fait dignes d’intérêt, au fur et à mesure que Sergio est adopté par ses nouveaux camarades de vieillesse. Elle dispose de la sagesse indispensable pour faire le tri entre des compagnons de fin de vie déjà trop atteints par la maladie physique et mentale pour participer activement au documentaire et ceux qui l’embellissent par leurs traits de caractère attachants. The Mole Agent se focalise de plus en plus sur ces derniers, jusqu’à en faire de formidables sources de joie et de peine. La mort n’est en effet jamais très loin dans de telles circonstances, ni des régressions mentales qui font au mieux sourire. Le tout est alors de s’attendrir subtilement sur ce harem potentiel de petites vieilles, qui tournent autour du nouveau pensionnaire comme des filles pubères cultivant de grandes ambitions romantiques.

L’ouverture d’esprit et la délicatesse avec lesquelles Sergio repousse ces avances, ainsi que la façon très respectueuse de filmer l’intimité des pensionnaires sont alors tout à l’honneur de ce documentaire, qui fait chaud au cœur.

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Conclusion

Début de festival réussi, grâce à ce documentaire des plus attachants ! Et comment pourrait-il en être autrement, quand on connaît l’exigence et l’assurance de goût du comité de sélection à La Roche-sur-Yon ? Certes, on n’a à aucun moment totalement adhéré au dispositif désagréablement factice de l’enquête policière, visiblement tiré par les cheveux. Mais sinon, la réalisatrice Maite Alberdi fait preuve d’une grande sensibilité à l’égard des sujets humains de son documentaire. Mieux vaut donc oublier le côté trivial de The Mole Agent, pour se réjouir du portrait plein de tendresse de ces soi-disant petits vieux, qui sont au contraire très forts dans leur capacité de nous faire apprécier la vie à n’importe quel âge !

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