Test Blu-ray : Les révoltés de l’an 2000

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Les révoltés de l’an 2000

Espagne : 1976
Titre original : ¿Quién puede matar a un niño?
Réalisation : Narciso Ibáñez Serrador
Scénario : Narciso Ibáñez Serrador
Acteurs : Lewis Fiander, Prunella Ransome, Javier de la Cámara
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h52
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 2 février 1977
Date de sortie DVD/BR : 16 septembre 2020

Un couple d’anglais, Tom et Evelyn, débarque dans la station balnéaire de Benavis pendant les festivités d’été. Préférant fuir la foule, ils prévoient de partir le lendemain pour la petite île d’Almanzora. Dans ce lieu ignoré des touristes, les Anglais auront tout à loisir de se reposer pendant leurs deux semaines de vacances, en particulier Evelyn qui est enceinte. Mais à leur arrivée, ils découvrent un village totalement abandonné de ses habitants. Bientôt, des enfants au comportement étrange font leur apparition. Et s’ils avaient quelque chose à voir avec la disparition de la population adulte ?

Le film

[4,5/5]

Tourné en 1976, mais sorti en 1977 dans les salles françaises, Les révoltés de l’an 2000 représente sans doute une énième contribution des distributeurs au grand jeu du « retitrage le plus débile d’une œuvre étrangère », un jeu qui était très en vogue en France dans les années 70-80. On peut supposer que ce titre a été l’objet d’un long et difficile brainstorming dans une cave à vins un soir de beaujolais nouveau, surtout si l’on considère que le film ne prend pas place en l’an 2000 mais dans les années 70.

Par ailleurs, même s’il a été tourné juste après la mort de Franco et moins de dix ans après les événements ayant éclaté un peu partout en Europe, le film de Narciso Ibáñez Serrador ne traite pas à proprement parler de « révolte ». En effet, le sujet du film est autrement plus orienté « fantastique » pur et dur dans ses codes et son déroulement. Ainsi, si son intrigue développe certes un discours social sous-jacent, elle va bien d’avantage s’inscrire dans la lignée de films fantastiques tels que Le village des damnés (Wolf Rilla, 1960).

Cet attachement au genre fantastique se retrouve d’ailleurs également dans les clins d’yeux répétés que fait Narciso Ibáñez Serrador aux Oiseaux d’Alfred Hitchcock, à la fois à travers son schéma narratif (l’ennemi à priori inoffensif, le danger arrivant par le nombre, la fuite de l’île…) et par un clin d’œil explicite fait au maître du suspense dans la séquence où les gamins se rassemblent dans le plus grand calme afin d’intimider leurs adversaires.

Enfin bref. Le titre original des Révoltés de l’an 2000 est « ¿Quién puede matar a un niño? », qui signifie « Qui pourrait tuer un enfant ? », et force est de constater à quel point le titre espagnol est plus cohérent que le gag auquel le public français a eu droit en salles. Et autant dire que s’il est vraiment méconnu, le film de Narciso Ibáñez Serrador n’en est pas moins un film singulier et 100% original, à l’image de ce générique de huit minutes qui fait froid dans le dos, entre musique enfantine à la Claudio Simonetti et images d’archive absolument révulsantes.

Par la suite, Les révoltés de l’an 2000 prend le parti de suivre un couple de jeunes gens dont les valeurs semblent proches de la communauté hippie. L’idée était clairement dans l’air du temps en Espagne à l’époque, puisque Jorge Grau utilisait le même genre de personnages dans son Massacre des morts-vivants en 1974, soit deux ans plus tôt. Malgré un faisceau de signes funestes qui aurait logiquement du les dissuader de partir, ils décident de quitter la foule et le fourmillement de la grande ville pour se reposer sur une île réputée calme et tranquille.

A partir de là, Narciso Ibáñez Serrador s’échine à créer une atmosphère étrange, mettant dos à dos les paysages de rêve baignés de soleil de la petite île et une dimension fantastique de plus en plus prégnante au fur et à mesure que le film avance, et qui en font au final une fable d’une rare cruauté.

Et même s’il reste un peu en dessous du niveau d’excellence de sa sublime Résidence, Serrador signe tout de même un film d’atmosphère vraiment épatant : tendu, bizarre, malaisant, oppressant presque, mais également profond et par passages vraiment émouvant. Les révoltés de l’an 2000 est un foutu film fantastique, qui plus est riche d’un final dont la noirceur rare rappelle le chef d’oeuvre de George A. Romero La nuit des morts-vivants. Un OVNI, définitivement inoubliable et unique.

On notera par ailleurs que si on le sait peu, un remake des Révoltés de l’an 2000 fut tourné en 2012 par un énigmatique cinéaste du nom de Makinov. D’une façon assez étonnante, on notera que ce film, intitulé Come out and play (disponible en VOD sur CanalVOD et MyTF1VOD), ne trahit pas l’essence du film original. Esthétiquement sublime, le film développe une ambiance réussie en utilisant de façon remarquable non seulement l’image mais également la bande son. Ainsi, et quoi qu’en dise notre chroniqueur Julien Mathon, il s’agit d’un remake aussi intrigant que réellement intéressant.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Bonne nouvelle pour les amateurs de cinéma fantastique : après une antique édition DVD sortie en 2008 chez Wild Side Vidéo, Les révoltés de l’an 2000 débarquant en France au format Blu-ray chez Carlotta Films. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le film de Narciso Ibáñez Serrador s’affiche dans un master Haute-Définition de grande classe, de haute tenue, que dis-je, de haute volée roulant, respectant à la lettre le grain argentique et la patine visuelle typiquement 70’s du métrage. La restauration a fait des merveilles, et on redécouvre littéralement le film, qui plus est proposé en 1080p. Le piqué est précis, les couleurs sont chatoyantes et lumineuses, en deux mots comme en cent, c’est le panard intégral : même les scènes en basse lumière font preuve d’une tenue assez exceptionnelle. Voilà de quoi permettre à ceusses ne connaissant pas le film de le découvrir dans des conditions idéales. Côté son, on sera heureux de découvrir pour la première fois la version anglo-espagnole, qui s’accompagnera également de la version espagnole et de la version française d’origine, toutes trois étant encodées en DTS-HD Master Audio 1.0, et proposées dans des mixages parfaitement clairs et sans souffle.

Du côté des suppléments, on pourra se plonger dans une présentation du film par Fabrice Du Welz (5 minutes), au cœur de laquelle le réalisateur de Calvaire exprimera tout son attachement pour le film, en expliquant notamment qu’il avait voulu en mettre en scène un remake en 2005. Pour le reste, Carlotta Films a récupéré et recyclé l’intégralité des suppléments de l’édition DVD Wild Side de 2008. On retrouvera donc un entretien avec Narciso Ibáñez Serrador (9 minutes), qui abordera son adaptation du roman original de Juan José Plans, dont il ne reste selon lui « pas grand chose à l’écran ». Parallèlement, il reviendra sur sa mise en scène, sur la photo de José Luís Alcaine, ainsi que sur ses deux acteurs principaux : s’il ne tarit pas d’éloges concernant le jeu de Prunella Ransome, il semble beaucoup moins apprécier celui de Lewis Fiander. Il révélera enfin sa fierté d’avoir tourné un film fantastique allant à l’encontre de tout ce qui se faisait habituellement dans le genre : « Faire un film qui se passe de jour avec des enfants en guise de monstres est ce qui m’a séduit ». On poursuivra avec un entretien avec José Luís Alcaine, directeur de la photographie (16 minutes). Ce dernier reviendra longuement sur sa rencontre avec Narciso Ibáñez Serrador, sur leur collaboration sur Les révoltés de l’an 2000 ainsi que sur les différents problèmes qu’il a pu rencontrer sur le tournage, notamment liés au fait que le film n’a pas été tourné sur une seule et même île mais à différents endroits (Minorque, Sitges, Madrid, Tolède). Le sujet suivant, s’instituant « Narciso Ibáñez Serrador vu par… » (27 minutes) est un passionnant portrait du cinéaste par le biais de quatre représentants de la Nouvelle Vague horrifique hispanophone : les complices de la saga [Rec] Jaume Balagueró et Paco Plaza, Juan Antonio Bayona (L’orphelinat, Quelques minutes après minuit) et bien sûr Guillermo Del Toro. Enfin, on terminera avec une bande-annonce ainsi qu’avec un documentaire consacré à l’histoire du cinéma fantastique espagnol (28 minutes), qui réunira des interventions de grands noms espagnols du cinéma bis : Jess Franco, Jorge Grau, Paul Naschy, le tout étant entrecoupé d’interventions d’Emmanuel Vincenot, « historien du cinéma hispanique ».

On notera également que le Blu-ray des Révoltés de l’an 2000 édité par Carlotta Films est présenté dans un superbe Steelbook aux couleurs du film.

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