À voir en VOD : Jay et Bob contre-attaquent… encore

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Jay et Bob contre-attaquent… encore
États-Unis : 2019
Titre original : Jay and Silent Bob reboot
Réalisation : Kevin Smith
Scénario : Kevin Smith
Acteurs : Kevin Smith, Jason Mewes, Harley Quinn Smith
Distributeur : Universal Pictures
Durée : 1h45
Genre : comédie
Date de sortie VOD : 20 janvier 2020

Note : 4/5

Quand Jay et Silent Bob découvrent qu’un reboot de Bluntman et Chronic est en préparation, ils se rendent au Chronic-Con à Hollywood, pour empêcher sa réalisation. En chemin, ils retrouvent l’ex-petite amie de Jay, Justice, et Jay apprend qu’il a une fille. Cette dernière force Jay et Silent Bob à les emmener, elle et ses trois amies, à Hollywood avec eux afin qu’elles puissent être figurantes dans le reboot…

Le retour de Kevin Smith

A la surprise générale (ou individuelle, selon les cas de figure), Jay et Bob contre-attaquent… encore n’est pas sorti dans les salles françaises. Plus étonnant encore, le film n’est pas sorti non plus en vidéo en France, alors même qu’il est disponible depuis quelques mois en Blu-ray et DVD dans certains pays d’Europe. Triste monde tragique. Les fans de Kevin Smith devront donc soit se tourner vers l’import, soit se résigner à voir le film en VOD. C’est triste, mais il faut avouer que le cinéma de Kevin Smith n’a jamais particulièrement cassé la baraque en France, que cela soit en termes d’entrées ou de réputation. Les films qu’il a réalisé depuis une dizaine d’années n’ont pas non plus connus les honneurs d’une sortie dans les salles françaises, et son film précédent, Yoga hosers (2016), suite de l’excellent Tusk (2015), avait également été confiné (avant l’heure !) à une unique sortie en VOD.

Si son nom est certes connu des cinéphiles de plus ou moins 40 ans, les plus jeunes parmi nos lecteurs ignorent peut-être même bel et bien qui est Kevin Smith. Le cinéaste fut révélé au monde avec Clerks, les employés modèles en 1994 – une comédie indépendante en noir et blanc portée par des dialogues à la fois drôles et très en dessous de la ceinture. Même s’il conservera au fil des films son amour pour des dialogues libres et volontiers crus, le cinéaste quittera peu à peu le style purement « indé » pour développer un univers – le View Askewniverse – dérivé de sa boite de production View Askew et d’avantage tourné vers un univers cartoonesque, vulgaire et référentiel.

Comme dans les autres univers cinématographiques, on retrouvera souvent les mêmes personnages dans les films du View Askewniverse. Les deux personnages les plus récurrents de ces films sont donc Jay et Silent Bob, l’un bavard, l’autre mutique, respectivement interprétés par Jason Mewes et Kevin Smith lui-même. Pour autant, si l’on excepte le succès relatif de Dogma en 2000 (168.000 entrées), les films du View Askewniverse n’ont jamais connus en France qu’un très maigre retentissement, limité à quelques « geeks » au cœur d’une époque où ce n’était pas encore à la mode. En effet, entre 1997 et 2007, les quatre films de Kevin Smith sortis en France (Méprise multiple, Jay et Bob contre-attaquent, Père et fille et Clerks 2) n’auront réunis dans les salles qu’entre 10.000 et 30.000 spectateurs. C’est peu, très peu. En avance sur leur époque, ces films et leurs nombreuses références culturelles ne trouvaient que peu d’écho au sein du public français. Très bavards, parfois obscurs et le plus souvent très, très mal rythmés, les films de Kevin Smith, considérés comme un cinéma « de niche » par les distributeurs français, ont donc fini par ne plus sortir du tout.

En VOD, le risque financier est moins important pour les distributeurs / éditeurs. Parallèlement, les chances d’atteindre le public geek auquel le film s’adresse sont sans doute aussi plus grandes, par le biais d’Internet ou des consoles de jeu connectées, qui proposent également de découvrir des films en VOD ou SVOD. Vous pouvez donc voir Jay et Bob contre-attaquent… encore depuis le 20 janvier 2020 en VOD à l’acte et en téléchargement définitif sur la plateforme de Vidéo à la demande d’Orange, via YouTube ou Microsoft (Xbox One ou Xbox 360).

Suite, reboot, remake

Débarquant rien de moins que treize ans après Clerks 2, le dernier film en date du View Askewniverse, Jay et Bob contre-attaquent… encore a clairement pris le parti de se faire désirer. Kevin Smith quitte un moment l’univers qu’il a créé pour réaliser des comédies et films d’horreur n’y étant pas rattachés, les projets un temps annoncés (Clerks 3, la série TV Les glandeurs) tombent à l’eau, le cinéaste subit une attaque cardiaque en 2018 qui le laisse presque sur le carreau… Bref, on peut dire que Jay et Bob contre-attaquent… encore – alias Jay and Silent Bob reboot en VO – revient de loin.

Pour autant, pour les cinéphiles aimant l’univers développé par Kevin Smith tout au long des six premiers films du View Askewniverse, cette cuvée 2019 des aventures de Jay et Bob, vraie suite et faux reboot, sonnera en réalité comme des retrouvailles émouvantes avec de vieilles connaissances. Lucide, drôle et surtout extrêmement sincère, Kevin Smith ne cherche pas à donner au public une resucée de ses succès passés (c’est dur à dire, ça !). Seize ans ont passé, de l’eau a coulé sous les ponts, la société a changé, nos héros ont vieilli. Et surtout, il est temps de solder les comptes, vis-à-vis de tous ces personnages que l’on a pu aimer au fil de ses films, de voir où chacun d’entre eux en est. Étant donné qu’il s’agit d’une véritable « réunion de famille » de l’univers View Askew, il est difficile de conseiller au néophyte de se plonger dans le visionnage de Jay et Bob contre-attaquent… encore. Non, pour apprécier le film à sa juste valeur, il est nécessaire d’avoir vu Clerks (1994), Les glandeurs (1995), Méprise multiple (1997), Dogma (1999), Jay et Bob contre-attaquent (2001) et Clerks 2 (2006). C’est encore mieux si vous avez eu le loisir de les voir il y a peu de temps.

Le film de la maturité ?

Car en plus des habituelles références à la pop-culture de ces quarante dernières années, Jay et Bob contre-attaquent… encore permet à Kevin Smith de dresser un véritable « bilan » de sa carrière. Les références à ses propres films sont extrêmement nombreuses, comme s’il ressentait le besoin de revenir sur l’évolution de tel ou tel personnage, lié à tel ou tel moment de sa propre existence. Le résultat pourra s’avérer assez déstabilisant si vous ne connaissez pas sur le bout des doigts l’intrigue, les implications et les personnages de ses films les plus importants. En revanche, si Kevin Smith avait déjà réussi à toucher du doigt votre âme avec quelques-uns de ses films les plus personnels (on pense par exemple au superbe Méprise multiple, ou encore à Père et fille), il y a de fortes chances pour qu’au détour d’une séquence ou deux, Jay et Bob contre-attaquent… encore parvienne encore bel et bien à remuer en vous la corde sensible. Il n’échappera à personne que de nombreux caméos du film tournent autour de la vie de Smith. Il y a sa fille Harley Quinn Smith bien sûr, qui tient un des rôles principaux, sa femme, Jennifer Schwalbach Smith, sa mère et son frère qui font une apparition, la fille de Jason Mewes, et bien sûr des amis en pagaille pour un vrai reader’s digest du View Askewniverse. Parmi les célébrités venues faire un petit coucou par amitié pour Kevin Smith, on notera donc : Chris Hemsworth, Jason Lee, Shannon Elizabeth, Joey Lauren Adams, Frankie Shaw, Justin Long, Chris Jericho, Diedrich Bader, Melissa Benoist, Val Kilmer, Tommy Chong (un des piliers avec Cheech Marin du « stoner movie », genre assez peu connu en France), Ben Affleck, Matt Damon, Molly Shannon, Rosario Dawson, Adam Brody, Dan Fogler, Jason Biggs, James Van Der Beek, Method Man, Redman, Robert Kirkman, Keith Coogan, Stan Lee ou encore Chris Wood. Rien que ça…

Pour les autres, il sera peut-être plus difficile de « rentrer » réellement au cœur du film, qui s’adresse plus que jamais à son public « niche », même si bien sûr le soin apporté aux gags, aux dialogues et à certaines situations fera mouche même auprès des cinéphiles non familiers avec le cinéma de Smith. D’autant que comme d’habitude, le cinéaste gère bizarrement très mal son rythme, s’offre des digressions parfois un peu longuettes ou inutiles… Et surtout, comme de nombreux autres films de Kevin Smith, Jay et Bob contre-attaquent… encore multiplie les références à des films ou des personnalités un peu trop obscures de notre côté de l’Atlantique (telles que le running gag tournant autour des dialogues de Panique chez les Crandell) et/ou parfois les jeux de mots difficilement traduisibles chez nous. Pour n’en citer qu’un seul, lors de la scène du procès, Silent Bob hausse le sourcil à la découverte de l’identité du juge inscrite sur son chevalet porte-nom. Ce dernier porte la mention « Judge Jerry N. Executioner » – amusant jeu de mot sur la locution « judge, jury and executioner » (soit « juge, juré et bourreau » en français).

Pour les amateurs du cinéma de Kevin Smith et les nostalgiques du duo composé par le cinéaste et son compère de toujours Jason Mewes, Jay et Bob contre-attaquent… encore remuera forcément quelque-chose de profond et d’émouvant. Le tour de force de Kevin Smith est en effet de laisser s’installer l’émotion et la tendresse au cœur de ce road movie bête et méchant, entre deux éclats de rire ou réflexions bien senties sur la pop-culture. En revanche, malgré les 13 ans qui séparent Clerks 2 de Jay et Bob contre-attaquent… encore, les allergiques à l’œuvre de Kevin Smith ne changeront pas leur opinion d’un iota, les qualités et les défauts de son cinéma restant exactement les mêmes en dépit de toutes ces années.

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