Critique : Sankara n’est pas mort

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Sankara n’est pas mort

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Lucie Viver
Scénario : Lucie Viver
Interprètes : Bikontine
Distribution : Meteore Films
Durée : 1h49
Genre : Documentaire
Date de sortie :  29 avril 2020, en e-Cinéma sur https://www.25eheure.com/

3/5

Après avoir été assistante à la réalisation auprès, entre autres, d’Otar Iosseliani, de Mati Diop et de Rabah Ameur-Zaïmèche, Lucie Viver a intégré l’Atelier Scénario de La FEMIS en 2013. Le documentaire Sankara n’est pas mort est son premier long-métrage.

Synopsis : Au Burkina Faso, après l’insurrection populaire d’octobre 2014, Bikontine, un jeune poète, décide de partir à la rencontre de ses concitoyens le long de l’unique voie ferrée du pays. Du Sud au Nord, de villes en villages, d’espoirs en désillusions, il met à l’épreuve son rôle de poète face aux réalités d’une société en pleine transformation et révèle en chemin l’héritage politique toujours vivace d’un ancien président :Thomas Sankara.

La traversée du Burkina Faso en compagnie d’un poète

Le 30 octobre 2014, les burkinabè et, tout particulièrement, les jeunes du pays ont dit non au Président Blaise Compaoré et à son « régime interminable ». Pensez donc : 27 ans à la tête du Burkina Faso, déjà 4 mandats de Président de la République et le projet, sur le point d’aboutir, de modifier l’article 37 de la loi fondamentale limitant le nombre de mandats présidentiels afin d’en solliciter un 5ème. Dans ce contexte, Bikontine, un jeune poète, s’interroge : partir ? Rester au pays ? Pas d’espoir ? De l’espoir ? Finalement, Bikontine a décidé de parcourir son pays, en suivant la voie ferrée, en partant du sud-ouest du Burkina Faso, près de frontière avec la Côte d’Ivoire, en allant jusqu’à Kaya, à une centaine de kilomètres au nord-est de Ouagadougou. Un périple de 600 kilomètres, avec de nombreuses étapes tout au long du parcours et, à chaque étape, des rencontres et, très souvent, des occasions d’évoquer le souvenir de Thomas Sankara.  Dans la mémoire des plus âgés, tout ce que ce dernier a pu leur apporter, et, pour les plus jeunes qui n’ont pas connu l’époque du Président Sankara, l’espoir d’un avenir radieux. Ce film est donc l’occasion pour nous, qui le connaissons mal, d’apprendre beaucoup de choses sur cet ancien officier devenu un grand chef d’état, l’occasion d’apprendre également beaucoup de choses sur ce petit pays africain de 274 000 km2. D’apprendre par exemple, de la part d’une institutrice l’expliquant à ses élèves, d’où proviennent les éléments de son drapeau : le vert, parce que c’est un pays essentiellement agricole, le rouge pour rappeler le sang des ancêtres qui ont lutté contre les blancs pour pouvoir être eux-mêmes et, au milieu, une étoile jaune symbolisant la lumière.

Thomas Sankara

Souvent surnommé le Che Guevara africain, Thomas Sankara fut un chef d’état éphémère, mais oh combien précurseur dans de nombreux domaines : arrivé à la tête du pays en août 1983, il fut assassiné le 15 octobre 1987, beaucoup de soupçons se portant sur Blaise Campaoré, celui-là même qui lui a succédé et qui est resté au pouvoir jusqu’à ce fameux 30 octobre 2014 évoqué dans le film. Farouche opposant au colonialisme et au néo-colonialisme, homme d’une grande intégrité qui, à son arrivée au pouvoir, avait fait vendre les luxueuses voitures de fonctions de l’État pour les remplacer par des Renault 5,  Thomas Sankara se montrait en avance sur son temps, il y 35 ans, dans de nombreux domaines : la démocratie participative, avec la création des Comités de défense de la Révolution ; les droits des femmes, avec son action, entre autres, contre les mariages forcés, l’excision, la polygamie et la prostitution ; l’environnement, avec sa lutte contre la désertication qui s’est traduite par la fin des coupes de bois abusives, une campagne de sensibilisation concernant l’utilisation du gaz, la fin des feux de brousse et la fin de la divagation des animaux. En l’espace de 4 ans, sa politique a rendu le Burkina Faso autosuffisant en matière d’alimentation. Une telle politique allait bien sûr à l’encontre des intérêts de certains, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, et seuls les naïfs peuvent s’étonner qu’un si grand dirigeant ait été assassiné. Un des mérites du film est de nous montrer que le peuple, lui, par contre, n’oublie pas.

La guitare de Rodolphe Burger

A l’instar du « road-movie » Paris, Texas qui bénéficiait de la prestation musicale de Ry Cooder, accompagnant le film avec sa guitare, le « rail-movie » qu’est Sankara n’est pas mort chemine de façon souvent poétique et contemplative aux sons de la guitare de Rodolphe Burger, l’ancien leader de Kat Onoma. Finalement, le regret le plus important qu’on aura concernant ce film, c’est qu’il n’ait pas été sous-titré : ce n’est pas faire injure à certains protagonistes de Sankara n’est pas mort que de regretter que certains dialogues sont difficiles, voire impossibles à comprendre. Après tout, il arrive que des films québécois soient sous-titrés et cela ne choque personne !

Conclusion

D’ici quelques semaines devrait sortir le film The great green wall consacré à un projet de grand mur vert s’étendant sur 8000 km du Sénégal à l’Ethiopie afin de combattre la désertification dans cette région du monde. Ce film survole le Burkina Faso sans s’y poser. Sankara n’est pas mort vient donc le compléter et ce n’est que justice dans la mesure où Thomas Sankara, durant quatre ans à la tête de la Haute-Volta devenu sous sa gouvernance le Burkina Faso, le pays des hommes intègres, a été,  par sa politique en matière d’environnement, le précurseur de ce projet ambitieux.

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