Test Blu-ray : Phase IV – Édition « Ultra Collector »

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Phase IV

États-Unis, Royaume-Uni : 1974
Titre original : –
Réalisation : Saul Bass
Scénario : Mayo Simon
Acteurs : Nigel Davenport, Michael Murphy, Lynne Frederick
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h24
Genre : Science-Fiction
Date de sortie cinéma : 1 octobre 1975
Date de sortie DVD/BR : 17 juin 2020

 

Des fourmis du désert se regroupent subitement pour constituer une intelligence collective et déclarent la guerre aux humains. C’est à deux scientifiques et une fille qu’ils ont sauvé des mandibules des fourmis qu’échoue la mission de les détruire…

 


 

Le film

[5/5]

Dans les années 70, et avant l’avènement de Star Wars, la science-fiction américaine n’avait de cesse de surprendre le spectateur. Après l’électrochoc 2001, odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1969), bien des cinéastes ont décidé d’utiliser le genre afin de proposer une réflexion philosophique sur la place de l’homme dans l’univers, façon plus ou moins détournée de confronter le comportement de l’homme vis-à-vis de son environnement immédiat. Destruction de la nature, guerres, dérives totalitaires ou scientifiques… Que restera-t-il à l’avenir du monde dans lequel nous vivons ? De La planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968) à Abattoir 5 (George Roy Hill, 1972) en passant par L’homme qui venait d’ailleurs (Nicholas Roeg, 1976), Soleil vert (Richard Fleischer, 1973) ou encore L’âge de cristal (Michael Anderson, 1976), tous ces films semblaient s’interroger sur l’état du monde que l’homme laisserait aux générations futures. Ces préoccupations se coloraient par ailleurs parfois d’une fascination teintée de méfiance vis à vis des progrès technologiques, ainsi que d’un attachement tout particulier à la nature et à un ensemble de valeurs écologiques, dans des films tels que Le mystère Andromède (Robert Wise, 1971), Silent running (Douglas Trumbull, 1972), Phase IV (Saul Bass, 1974) ou encore, dans un genre légèrement différent, Long weekend (Colin Eggleston, 1978), qui mettait en scène de façon explicite une nature reprenant ses droits sur la Terre en s’en prenant à l’homme.

Il y a un peu de tout ça dans Phase IV, pur produit de son époque. Dans un premier temps, le film de Saul Bass s’échine à poser les bases d’une stratégie de guerre entre une colonie de fourmis et les deux scientifiques affectés à leur éradication – chacun avançant ses pions avec calme et méthode, comme s’ils partageaient une partie d’échecs, de Risk ou de Stratego (comme vous le constatez, confinement 2020 © oblige, on a ressorti les jeux de société). Saul Bass et son scénariste Mayo Simon prennent le temps de poser leurs personnages humains, radicalement différents. D’un côté, nous avons Hubbs (Nigel Davenport), le scientifique extrême, froid, distant, n’ayant en tête que sa « mission » en tant que chercheur – peu lui importe que des morts viennent parsemer son parcours jusqu’à la connaissance. « People get killed sometimes » répondra-t-il simplement, sans même jeter un œil sur les cadavres jonchant le sol. De l’autre côté, Lesko (Michael Murphy) est un scientifique plus fantasque, volontiers blagueur et semblant dans un premier temps ne pas prendre trop au sérieux sa mission de compréhension des fourmis. Il semble de plus et des les premières séquences du film être sensible au charme de la gent féminine, et en particulier de la jeune Kendra (Lynne Frederick). Époque oblige, on peut supposer qu’il s’agit d’un idéaliste aux idées farouchement opposées à toute forme de guerre ; contrairement à son confrère, son intérêt et sa volonté de communiquer avec les fourmis est purement théorique (comme il le déclare lui-même au début du film, « I’m strictly a pencil and paper guy », habilement traduit dans la VF par « je suis un homme de tableau noir ») et il ne semble prendre conscience de la réalité de leurs desseins que dans le dernier acte du film – ce qui le poussera à agir d’ailleurs.

Durant la première moitié du film, Saul Bass opte pour un style quasi-documentaire, qui plongera le spectateur au cœur même du monde des fourmis. Techniquement, on ne peut que saluer la prouesse technique de l’ensemble, qui s’avère souvent impressionnant. De plus, le fait d’utiliser de vrais plans tournés en « macro » empêche forcément le film de prendre l’inévitable « coup de vieux » que peuvent à l’occasion violemment se manger les autres film tournés à l’époque mettant en scène des petites bêbêtes et utilisant des effets spéciaux, même si bien sûr dans l’ensemble, ceux-ci s’efforçaient également de tourner le plus possible avec de vrais insectes (L’empire des fourmis géantes, L’inévitable catastrophe…), de vrais arachnides (L’horrible invasion), voire même de vrais batraciens (Frogs). Mais si Saul Bass était sans doute passionné par la macro – son premier court-métrage The searching eye (1964) en est une preuve indiscutable – mais il s’était surtout fait connaître avec ses fameux génériques par une approche extrêmement graphique du cinéma, générant le sens par l’image et le son mais sans recours aux dialogues superflus. Phase IV s’impose donc comme un film peu bavard, privilégiant les « sons » au dialogues (bruits des fourmis, bruit blanc, sons stridents et agressifs), mais également très visuel. On trouvera en effet au cœur du film une prédominance des couleurs, vives et tranchantes (les produits chimiques utilisés pour lutter contre les fourmis sont d’ailleurs simplement « le jaune », « le bleu » et « le rouge »), mais aussi l’utilisation, dans la composition des cadres, de lignes droites et de formes géométriques. Toute la réflexion des fourmis, ainsi que les bases de la communication entre les hommes et les fourmis, se fera d’ailleurs par le biais de formes géométriques (carré, ronds). Cet attachement à livrer au spectateur une narration essentiellement formelle explosera durant le final du film, sublime maelström visuel au cœur duquel le cinéaste se laissera aller à multiplier les symboles, les images abstraites et les surimpressions. Et sans en dévoiler trop sur la dernière bobine, on avancera néanmoins que celle-ci est typiquement « 70’s » dans sa volonté de refuser à tout le prix le traditionnel « happy-end ».

 

 

Le Coffret Blu-ray / DVD + Livre

[5/5]

A moins que vous n’ayez à la maison un ado en pleine crise d’hormones (et dans ce cas, on vous souhaite bien du courage pour la période de confinement), vous admettrez sans doute avec nous que « 15 » est un bien beau nombre, qui mérite même d’être salué, applaudi à sa juste valeur. #15 est donc le numéro de Phase IV au cœur de l’indispensable série des « Éditions ULTRA COLLECTOR », la prestigieuse collection de Blu-ray initiée fin 2015 par Carlotta Films avec la sortie de Body double. Quinzième film de la série, quinzième film incontournable vous l’aurez compris, d’autant qu’il s’agit d’une édition limitée, numérotée à 2500 exemplaires et dont le visuel a été créé exclusivement pour cette édition par le talentueux Scott Saslow, artiste spécialisé dans la création d’affiches alternatives, de visuels pour le cinéma et les éditions vidéo, et autres objets geek et pop. On notera donc d’entrée de jeu la classe absolue de cet imposant coffret, contenant un gros livre de 200 pages intitulé « Phase IV, Éclipse de l’humanité », passionnant ouvrage rédigé par Frank Lafond, et contenant également de nombreuses photos d’archives. Il s’agit d’un vrai et beau travail de retour sur les archives liées au film, un vrai travail de fourmi si vous nous permettez ce jeu de mot absolument désopilant. On y reviendra sur les différentes versions successives du scénario, le processus de montage, ou encore sur le tournage en lui-même, réparti entre le Royaume-Uni, les États-Unis et le Kenya. On notera que le livre, comme d’habitude avec les « Éditions ULTRA COLLECTOR », est présenté comme un vrai livre de cinéma, avec une belle couverture cartonnée, le tout étant glissé dans un étui à l’italienne. On salue donc à nouveau l’attachement de Carlotta Films à en donner le maximum au consommateur français avec un véritable et bel objet de collection, auquel l’éditeur rajoutera, bien sûr, une belle poignée de suppléments sur le Blu-ray du film.

 

 

Et Carlotta de nous offrir ici le master presque parfait au cœur de l’édition parfaite, imposant un piqué étonnamment précis tout en conservant le grain d’origine. La fraîcheur et la finesse des couleurs, soigneusement étalonnées, la fermeté des contrastes et la tenue des noirs témoignent de la qualité de la restauration. Le tout ne souffre que de très peu nombreuses baisses de définition, le rendu Haute-Définition est assez étonnant, et la galette est naturellement encodée en 1080p. Il s’agit donc d’un travail éditorial absolument remarquable : tout est réuni pour que nous puissions redécouvrir le petit chef d’œuvre de Saul Bass dans les meilleures conditions possibles. Bref, on va pas en faire des caisses pendant dix piges, on est en présence d’un très beau Blu-ray, point final. Du côté des enceintes, la VO anglaise ainsi que la version française d’origine nous sont proposées, en DTS-HD Master Audio 1.0, en mono d’origine évidemment. Les deux versions sont étonnantes de vitalité, toujours parfaitement audibles et on ne déplore ni bruits disgracieux ni souffle parasite. On notera par ailleurs que si le film s’apprécie naturellement mieux en VO, la VF est solide et très réussie.

Du côté des suppléments, et outre le bouquin de Frank Lafond qui vous en apprendra déjà beaucoup sur la production de Phase IV, on trouvera sur le Blu-ray à proprement parler plus de trois heures de bonus le plus souvent absolument passionnants, que – c’est assez rare pour être souligné – vous prendrez à coup sûr grand plaisir à décortiquer de A à Z. On commencera donc avec une analyse du film menée par Jasper Sharp et Sean Hogan, qui remettra assez brillamment le film dans son contexte de tournage, en dressant par exemple quelques parallèles avec d’autres films, en particulier Le mystère Andromède (Robert Wise, 1971) et Des insectes et des hommes (Ed Spiegel & Walon Green, 1971). On continuera avec la fin originale imaginée par Saul Bass (18 minutes), proposée en Haute-Définition, avec un étalonnage des couleurs assez différent de celui sur le film en lui-même. En réalité, sur les 18 minutes proposées ici, on ne notera que de maigres différences pendant les dix premières minutes ; la durée est également gonflée par la présence du générique de fin, qui n’avait aucun intérêt à être reproduit dans le sujet. Cependant, les différences les plus spectaculaires, qui sont concentrées durant la séquence finale, sont pour le coup vraiment époustouflantes. Montage d’images surréalistes et obsédantes impliquant la possibilité que les fourmis asservissent l’humanité, cette séquence est composée d’images étranges faisant référence à l’Art de Dalí et Magritte, très datées mais aussi étonnantes et marquantes que le délire psychédélique composant les dernières minutes de 2001, odyssée de l’espace. Une sacrée claque visuelle !

 

 

Pour terminer, et en plus de la traditionnelle bande-annonce du film, Carlotta Films nous propose de découvrir la quasi-intégralité des courts-métrages réalisés par Saul Bass en parallèle avec Phase IV (son unique long-métrage). S’étalant sur une période allant de 1964 à 1990, les six courts-métrages présentés ici « dans les meilleures conditions techniques possibles » (entendez par là qu’un seul d’entre eux sera proposé en « vraie » HD) s’avèrent très intéressants, témoignant des formidables recherches techniques et plastiques de Saul Bass et de son attachement à jouer avec les codes du cinéma. Originellement réalisé pour Eastman Kodak et à destination la Foire internationale de New York, The searching eye (1964, 18 minutes) suivait les jeux d’un petit garçon pour mettre en évidence ce qu’il voit et les merveilles qui l’entourent, parfois invisibles à l’œil nu. Fantaisiste et ouvertement comique, Why man creates (1968, 25 minutes) évoquera quant à lui la créativité et les différentes formes d’Art créées par l’homme, tout en proposant une amusante réflexion sur la « réception » publique de l’Art en général. Plus anecdotique, Bass on titles (1977, 34 minutes) permet à Saul Bass de revenir, face caméra, sur quelques-uns des génériques qu’il a créé pour le cinéma, résumant en gros ses intentions sur chacun d’entre eux. La durée du court-métrage est gonflée de façon finalement assez artificielle par la présence de chacun des génériques dans leur totalité. Plus original et intéressant, Notes on the popular Art (1977, 20 minutes) laisse de nouveau largement la place à l’humour, tout en livrant une belle déclaration d’amour à la télévision, au cinéma, à la musique ou encore aux dessins animés. Tour à tour lyrique et drôle, le film tente de démontrer à quel point les Arts populaires peuvent contribuer à l’épanouissement personnel. On continuera avec The solar film (1980, 10 minutes), un film profondément engagé dans le domaine de l’écologie et plus particulièrement de l’énergie solaire. Dénonçant le gaspillage des ressources naturelles telles que l’eau ou encore la pollution de l’environnement. Le film, qui mélange animation et prises de vue réelles, était projeté en première partie du Cavalier électrique de Sydney Pollack. On terminera avec probablement le plus intéressant de ces courts-métrages, le très intéressant Quest (1983, 30 minutes), ayant la particularité d’avoir été écrit par Ray Bradbury. Prenant place dans un univers de science-fiction typique du début des années 80 et de la période post-Star Wars, le film met en scène un parcours initiatique au cœur d’un monde étrange et fascinant. Si le film aurait probablement enflammé les imaginations à Hollywood et se serait vu « gonflé » afin d’en faire un long-métrage, Quest s’avère parfait en l’état, dégraissé de tout dialogue inutile, proposant une caractérisation et une évolution de l’intrigue passant toujours par l’image : une sacrée surprise qui ferme le tour des suppléments de cette interactivité riche et passionnante.

Attention : suite aux mesures de confinement liées à la crise du COVID-19, Carlotta Films a dû s’adapter et reporter la sortie du coffret « Ultra Collector » de Phase IV, initialement prévue au 6 avril, au 17 juin pour les réseaux de vente traditionnelle. Cependant, les précommandes passées avant le 6 avril (date de sortie initiale) sur le site de l’éditeur seront envoyées dans les prochains jours : l’occasion idéale pour profiter de ce chef d’œuvre durant le confinement !

 

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