Berlinale 2020 : Mon année à New York

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Mon année à New York

Canada, Irlande, 2020

Titre original : My Salinger Year

Réalisateur : Philippe Falardeau

Scénario : Philippe Falardeau, d’après le roman de Joanna Rakoff

Acteurs : Margaret Qualley, Sigourney Weaver, Douglas Booth, Colm Feore

Distributeur : Metropolitan Filmexport

Genre : Comédie dramatique

Durée : 1h42

Date de sortie : –

3/5

New York – Berlin : pour la deuxième année de suite, le film d’ouverture du Festival de Berlin met en avant la fascination du public allemand en particulier et de celui d’Europe en général pour la métropole culturelle de la côte Est américaine. Après le drame mi-social, mi-familial The Kindness of Strangers de Lone Scherfig en 2019, voici donc My Salinger Year de Philippe Falardeau, qui s’évertue avec une plus grande assurance filmique, admettons-le, de colporter la réputation de microcosme intellectuel hors pair dont jouit toujours un peu New York de ce côté-ci de l’Atlantique. Or, il s’agit avant tout d’une variation assez intelligente du dispositif qui avait fait ses preuves, à la fois en termes commerciaux et en tant que conte édifiant, dans Le Diable s’habille en Prada de David Frankel.

Comme dans la comédie sortie en France en septembre 2006 sur le monde impitoyable de la mode, il est question ici des aspirations d’une jeune stagiaire / assistante, qui devra vite déchanter, face aux dures réalités d’un métier ne laissant guère de place à la créativité. Au détail près que l’approche canadienne aménage une plus grande place à la nuance dans ce parcours de combattante que cela n’a été le cas du côté du trait caricatural plus sommaire qui dessinait alors le portrait presque grossier de Meryl Streep dans l’un de ses rôles les plus jouissifs. La tâche la plus passionnante pour le spectateur face au huitième long-métrage de Philippe Falardeau consiste par conséquent à y déceler les différences par rapport à Prada. Dès lors, on peut se rendre légitimement compte que le chemin emprunté dans ce film-ci a de plus en plus tendance à sonner juste. Contrairement à la prise de conscience du personnage de Anne Hathaway, davantage tributaire d’un manichéisme exagéré, qui avait pu laisser un arrière-goût bénin de superficialité dans ce que l’on hésiterait beaucoup d’appeler l’une des formes originales de ce genre d’histoire.

© micro_scope / Parallel Film Production / Memento Films Tous droits réservés

Synopsis : En 1995, l’étudiante Joanna Rakoff ne devait initialement rendre visite à son amie à New York que pour quelques jours. L’ambiance débordante d’inspirations littéraires de la ville la pousse pourtant à tout plaquer – son copain et son cursus universitaire en Californie – , afin de tenter sa chance en tant qu’écrivain débutant. Elle trouve un poste auprès de l’agent littéraire exigeante Margret, dont le client principal n’est autre que le mythique J.D. Salinger, l’auteur du roman phare « L’Attrape-cœurs ». Alors que les responsabilités de Joanna se résument à répondre de façon lapidaire aux nombreuses lettres d’admirateurs qui voudraient rencontrer ou au moins communiquer avec l’homme de lettres vivant reclus depuis de nombreuses années, la jeune femme espère trouver en parallèle le temps de faire démarrer sa propre carrière littéraire.

© micro_scope / Parallel Film Production / Memento Films Tous droits réservés

Une ambition divertissante

Les points communs entre My Salinger Year et Le Diable s’habille en Prada ne manquent pas, à commencer par la prémisse : l’embauche d’une jeune recrue un peu tête en l’air à un poste crucial dans une vénérable maison d’édition, menée avec une main ferme par une supérieure hiérarchique au caractère plus ou moins diabolique. Dans les deux films, cette dernière ne manque pas une occasion pour indiquer à la protagoniste idéaliste à quel point elle n’est pas à la hauteur des prérequis de cet emploi unanimement convoité. Puis sonne l’heure des mises à l’épreuve successives, au fil desquelles Joanna à présent et Andy auparavant démontrent précisément le type de prise d’initiative qui provoquera un changement radical de l’avis initialement si défavorable à leur égard de leur patron en apparence si machiavélique. Même le spectre des personnages masculins secondaires est étonnamment restreint et en proie à une répétition à peine larvée, avec comme seule différence plutôt anodine le fait que les rôles du complice inattendu au cœur du cercle de pouvoir et du petit ami de moins en moins prêt à sacrifier la vie de couple au cycle imprévisible des manipulations professionnelles sont répartis ici sur respectivement deux personnages. Bref, la tentation serait grande et peut-être même irrésistible de considérer ce film d’ouverture somme toute classique de la 70ème Berlinale comme une simple resucée d’une recette à succès, plaisante à regarder mais dépourvue de quelque personnalité que ce soit.

© micro_scope / Parallel Film Production / Memento Films Tous droits réservés

Chère Jo

Ce serait toutefois juger un peu trop hâtivement un film qui se distingue justement du côté des différences, à la limite plus nombreuses que les similitudes évidentes, même pour le spectateur à la grille de comparaison la plus paresseuse. Le point de distinction le plus gratifiant se situe du côté de la relation entre la petite débutante et la vieille légende de la profession qui n’a plus rien à prouver. Au delà des interprétations inspirées de la part de Margaret Qualley, découverte l’année dernière dans le petit rôle décisif de la jeune hippie dans Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino, et de Sigourney Weaver, à la filmographie inégale quoique pas non plus exempte récemment de quelques rayons de soleil comme ce film-ci, c’est le jeu habile de la narration au niveau de ses réponses assez ingénieuses apportées à nos attentes qui fait toute la richesse du récit. Ainsi, Joanna n’est pas plus une petite parvenue qui sait d’emblée où cette parenthèse sur son CV la mènera que Margaret ne maintient en toute circonstance l’armure impénétrable du vieil animal aguerri d’une profession peuplée de coupe-gorges. Leur interaction est sensiblement plus basée sur la sincérité de l’échange que ne l’a été la confrontation aussi permanente que stérile entre les deux femmes dans Prada, censée maintenir à flot un humour presque outrancier. Rien de tout cela ici, juste une forme d’appréciation progressive, qui finit par ne plus du tout avoir besoin des hommes, à l’image des apparitions fort furtives et sans impact réel de la légende mystérieuse de la littérature américaine du XXème siècle.

Conclusion

My Salinger Year n’est a priori pas le genre de film d’ouverture qui marquera les annales du Festival de Berlin. Il s’agit néanmoins d’un film très plaisant, dont même les quelques fioritures formelles, comme ces correspondants rejetés de Salinger qui s’immiscent à intervalles réguliers dans l’intrigue, ne dénotent pas négativement. Ce qui ne signifie en rien que Philippe Falardeau se serait adonné à une forme de volontarisme consensuel et sentimental ici. Bien au contraire, puisque ce sont les écarts subtils d’une trame narrative balisée d’avance qui font tout le charme de ce film au propos doucement féministe !

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