Arras 2019 : L’Esprit de famille (Eric Besnard)

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L’Esprit de famille

France, 2019

Titre original : –

Réalisateur : Eric Besnard

Scénario : Eric Besnard

Acteurs : Guillaume De Tonquédec, François Berléand, Josiane Balasko, Isabelle Carré

Distributeur : Apollo Films

Genre : Comédie fantastique

Durée : 1h38

Date de sortie : 29 janvier 2020

2,5/5

On ne choisit pas sa famille. On fait tout simplement avec. Et si par hasard le destin redistribue les cartes, mieux vaut saisir l’opportunité, afin de remettre les choses à plat et repartir sur de nouvelles bases. C’est, pour schématiser outrancièrement, le propos du nouveau film de Eric Besnard, un réalisateur qui navigue depuis vingt ans et désormais six longs-métrages le terrain miné d’un cinéma grand public qui, en parallèle de son attachement à une certaine qualité franchouillarde, essaye de dire quelque chose. Dans le cas de L’Esprit de famille, présenté en avant-première à l’Arras Film Festival, ce projet ambitieux peine à porter ses fruits. Constamment torpillé par une prémisse hautement bancale – l’esprit du père défunt qui vient embêter son fils en pleine crise de la quarantaine – , le récit n’arrive en effet jamais à prendre réellement le dessus par rapport à toutes les autres idées farfelues qui nous ont empêchés de le prendre au sérieux. Le calcul scénaristique trop apparent, ainsi que la mise en scène d’une fluidité qui nous a paru plus insipide qu’élégante, s’emploient à barrer consciencieusement le chemin de la belle leçon de vie qu’ils auraient pu promouvoir. Enfin, parmi la distribution pas sans attrait, seule Isabelle Carré réussit à apporter un rayon de soleil convaincant à son rôle, tandis que ses partenaires à l’écran préfèrent cultiver les névroses et autres crises d’hystérie dont leurs personnages respectifs sont les porteurs plus ou moins agaçants.

© Cine Nomine / Same Player / Apollo Films Tous droits réservés

Synopsis : « Égoïste, froid, condescendant », c’est ainsi que son entourage voit Alexandre, un auteur à succès qui n’a du temps que pour son travail. Son père Jacques le lui avait justement reproché, avant de décéder soudainement dans la maison familiale. Après la cérémonie d’incinération, Alexandre commence à entendre la voix de son père et finit même par le voir. Des mois plus tard, ces hallucinations persistent et l’écrivain n’en peut plus des commentaires incessants de son père, qu’il est le seul à entendre. Complètement muré dans cette relation imaginaire, il redoute particulièrement la première réunion familiale depuis la disparition de Jacques.

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Règlement de comptes dans le Morbihan

Une famille, ça se construit au fil du temps, avec chaque nouvelle couche d’années qui apporte son lot de nouvelles routines et de nouveaux sujets à fort potentiel de controverse, qu’il vaudrait donc mieux éviter à table. En tout cas, c’est un peu de cette façon que nous voyons la nôtre, avec ses qualités et ses défauts. Puisqu’il s’agit d’un point de vue forcément très subjectif, tout un chacun porte sa propre croix familiale, tour à tour source de joie et de peine. Ne nous enorgueillissons donc pas de juger de quelque manière que ce soit celle de L’Esprit de famille, investie par voie de fiction d’une bonne dose de phobies, de rancunes et de non-dits. L’aspect déjà beaucoup plus préjudiciable de l’intrigue, c’est qu’elle veut nous faire croire qu’un changement de fond en comble soit possible, alors que la génération des grands-parents vient de passer le relais à celle de ses enfants. Pire encore, ce microcosme dysfonctionnel trouvera comme par miracle une solution à quasiment tous ses problèmes. Le dispositif dramatique assez laborieux du vieux qui se promène à sa guise dans l’imagination de son fils y est moins pour quelque chose qu’une prise de conscience généralisée venue de nulle part, si ce n’est de cette volonté narrative toujours fâcheuse de terminer à tout prix sur une note positive. Ainsi, toutes les thématiques en lien avec le trouble psychique – l’envie d’en finir à peine voilée de la grand-mère, interprétée avec un maximum de stoïcisme par Josiane Balasko, même dans la séquence la plus grotesque du film, quand elle est emmenée à la plage sur son lit telle une reine et ce personnage hautement ingrat de la belle-sœur qui est traitée comme un piètre prétexte à des blagues sans finesse – sont évoquées avec une désinvolture qui relève plus de la comédie grassement populaire que d’un point de vue subtil à leur égard.

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Surtout pas seul

Paradoxalement, la valeur relative qui sauve tant soit peu le film, c’est en même temps l’esquisse d’une vie meilleure, d’une harmonie à nouveau retrouvée au sein du cercle familial. Car qu’est-ce qu’on aimerait bien croire qu’un nouveau départ soit possible, qu’il suffise d’une tempête cathartique afin d’effacer les cicatrices affectives accumulées au fil du temps ! Hélas, cette remise à zéro des compteurs est tributaire de la complexité perfectible des personnages, sans exception pris au piège de leurs traits de caractère fort sommaires. A l’image du protagoniste, moins antipathique que parfaitement fade – un emploi taillé sur mesure pour Guillaume De Tonquédec en quelque sorte, qui se démène comme il le peut avec cet écrivain enfermé dans le cercle vicieux d’une existence frustrante à tous points de vue – , personne ne réussit ici à rendre tant soit peu crédible son parcours vers un partage plus altruiste de ses talents. Le scénario progresse certes à une vitesse à peu près raisonnable, mais par des à-coups qui relèvent davantage d’une volonté narrative poussive que d’un besoin réel de développement de la part de personnages au trait paresseusement caricatural. Les rares moments de liesse, tels que le match de rugby à la répartition des équipes déséquilibrée seulement en apparence et le dénouement provisoire sous une pluie de post-it, ont ainsi tendance à sonner aussi faux que les instants de confrontation soit factuelle, soit imaginaire. Bref, la mise en scène affiche quasiment tout au long du film une incertitude quant au ton à adopter face à une telle histoire abracadabrante, ce qui a forcément des conséquences peu glorieuses sur l’ensemble de cette comédie passable.

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Conclusion

On a déjà connu de plus décourageants démarrages dans notre programme personnel de la couverture de l’Arras Film Festival que L’Esprit de famille. Nous ne perdons donc nullement espoir pour la suite de notre séjour. Toujours est-il que le charme n’opère guère dans cette petite chronique de famille qui se veut réconciliatrice et optimiste, mais qui finit par ne plus ressembler à rien, à force de jongler avec peu d’aisance entre les diverses configurations de couples, toutes menées au forceps vers une issue consensuelle.

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