Test Blu-ray : Un justicier dans la ville

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Un justicier dans la ville

États-Unis : 1974
Titre original : Death wish
Réalisation : Michael Winner
Scénario : Wendell Mayes
Acteurs : Charles Bronson, Hope Lange, Vincent Gardenia
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h33
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 4 septembre 1974
Date de sortie DVD/BR : 26 octobre 2019

Quand il apprend la mort de sa femme, battue à mort, et le viol de sa fille, traumatisée à vie, l’architecte Paul Kersey contient sa douleur, sa colère. S’il se réfugie d’abord dans le travail, le révolver que lui offre un client texan décide de son destin. Armé, de plus en plus sûr de ses gestes, Kersey erre la nuit dans les quartiers les plus malfamés de New York, abattant tous ceux qui constituent une menace pour lui et pour la société…

Le film

[4/5]

Film fondateur du « vigilante movie », Un justicier dans la ville est, on ne vous apprendra rien, un film prônant l’auto-défense. Par conséquent, le film véhicule évidemment une poignée de prises de position idéologiquement douteuses, voire même ouvertement réactionnaires, qui lui ont parfois valu d’être méprisé par certains cinéphiles très premier degré. Sur critique-film en revanche, on considère que le public est capable de prendre le genre avec suffisamment de recul pour faire la part des choses, de séparer la notion d’expérience cinématographique des idées qui, peut-être, se cachent derrière le pseudo-discours du film.

Déjà en 1973 dans Le cercle noir, Michael Winner faisait preuve d’une certaine animosité vis-à-vis des beatniks et de la génération « Peace and Love » du début des années 70. Avec Un justicier dans la ville, il enterre définitivement les idéaux pacifiques de cette génération d’illuminés opposés aux armes et à la guerre, en détournant du « droit chemin » Paul Kersey, un personnage calme et pacifiste, objecteur de conscience et à priori allergique à toute idée de violence. Michael Winner est d’ailleurs particulièrement insistant dans sa description du couple Kersey, développant autour d’eux une image de couple aimant et heureux : comme le montrent bien les premières séquences du film, les années n’ont su entamer leur amour, et ils coulent un parfait bonheur ; ils sont de plus les parents d’une fille formidable, tout est sucre et guimauve. Sauf que… Un groupe de voyous, particulièrement nihilistes et n’ayant de respect pour rien (« I kill rich cunts ! »), débarque pour braquer la femme et la fille de Kersey ; vu qu’elles n’ont pas d’argent, cela sera le déchainement de violence, les deux femmes sont violées et laissées pour mortes dans leur appartement. La mère décède, la jeune fille survit, plongée dans un état catatonique. La crudité et la violence de la scène d’agression s’oppose clairement aux premières scènes du film, qui installaient le spectateur dans un cocon familial serein et heureux. Et le monde de Kersey de basculer complètement, emmenant le spectateur avec lui. A l’hôpital, où il attend des nouvelles, c’est le début de la fêlure qui va progressivement se créer en lui : « There’s a man over there, he’s bleeding and nobody comes » (il y a un homme plein de sang, et personne ne fait rien) déclare-t-il d’un ton monocorde, comme s’il se parlait à lui-même.

 

 

Peu à peu, Paul Kersey, très peu enclin à se laisser aller à montrer ses sentiments et interprété par un Charles Bronson plus froid et monolithique que jamais, va se convaincre que la « justice des pionniers » est la seule alternative possible à une époque où la criminalité et l’impunité la plus totale règne sur New York. Son gendre (Steven Keats), que Winner fait volontiers passer à l’image pour un pleutre subissant les événements tout autant que le système, l’implore de rester « civilisé », mais rien n’y fera, la croisade de Kersey contre le crime ne fait que commencer, et le vigilante deviendra rapidement un héros pour les médias et la population locale. Peu à peu plus sûr de lui et de son bon droit, Kersey va retrouver goût à la vie – « You want me to moan and groan for the rest of my life ? » (Je ne vais pas me lamenter toute ma vie, non ?) – à travers une espèce de thérapie par la violence, qui le transformera au fur et à mesure en une impitoyable machine à tuer.

Pour autant, il ne semble pas non plus que les débordements de Kersey dans la justice expéditive soient réellement « légitimés » par Michael Winner, dans le sens où le personnage incarné par Bronson est bien d’avantage présenté comme un homme ayant sombré peu à peu dans la folie plutôt que comme un illuminé ayant subitement « trouvé la voie » : l’ambiguïté est réelle, et on ne saurait affirmer dans quelle mesure le cinéaste ne considère pas son personnage comme un fou hanté par une pulsion de mort, comme le sous-entend d’ailleurs le titre original du film Death wish.

Mais que les actes de Paul Kersey soient cautionnés ou pas par Michael Winner (la question reste entière, encore accentuée par le célèbre plan final du film), le succès d’Un justicier dans la ville a quoiqu’il en soit donné des ailes à tous les réacs américains la décennie suivante, et donné naissance à une série de petits chefs d’œuvres du polar énervé jouant sur la surenchère dans le craspec et les méthodes de plus en plus expéditives afin de nettoyer de sa racaille le paysage urbain… Parmi celles-ci, on compte bien sûr des films tels que Exterminator – Le droit de tuer (James Glickenhaus, 1980), Vigilante (William Lustig, 1983), sans oublier bien sûr Un justicier dans la ville 2 (Michael Winner, 1982), Le justicier de New York (Michael Winner, 1985), Le justicier braque les dealers (J. Lee Thompson, 1987) et Le justicier : L’ultime combat (Allan A. Goldstein, 1994).

 

 

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponibles le 26 octobre chez Sidonis Calysta dans la première salve d’une vague de Blu-ray consacrée à Charles Bronson (suivront en novembre Le cercle noir et Le messager de la mort), Un justicier dans la ville et sa suite Un justicier dans la ville 2 s’offrent un lifting Haute Définition inespéré, que personne n’attendait plus réellement.

On salue donc bien bas cette initiative inattendue et courageuse ainsi que l’effort éditorial de Sidonis Calysta, qui non seulement nous permet d’enfin revoir Un justicier dans la ville dans des conditions de visionnage que l’on pourra sans trop de peine qualifier d’optimales, mais nous propose également de découvrir le tout au cœur d’un très beau Digibook contenant un livret de 112 pages intitulé « Les justiciers dans la ville » signé par l’incontournable Marc Toullec. Et contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, l’ancien rédac’ chef de Mad Movies ne dressera pas un portrait du genre « vigilante » au cinéma, mais se basera au contraire sur l’oeuvre de Brian Garfield, le romancier à l’origine du film de Michael Winner. Après une présentation de l’auteur et de son œuvre, le journaliste nous proposera une analyse des films de la saga Un justicier dans la ville : ceux avec Bronson bien sûr, mais également le remake signé Eli Roth en 2018 (avec Bruce Willis) ainsi que le chef d’œuvre Death sentence (James Wan, 2007), qui se trouve être une adaptation du roman « A déguster froid » (Death sentence, 1975), la suite du roman « Death wish » (1972) ayant servi de base au premier Justicier, et n’ayant par ailleurs jamais été traduit en français.

Techniquement, le Blu-ray édité par Sidonis Calysta s’avère on ne peut plus recommandable : l’image est assez superbe, le piqué est précis, même dans ses passages les plus sombres, et rend parfaitement hommage à la photo très urbaine du film, signée Arthur J. Ornitz. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, de même que la granulation argentique d’origine. Côté son, les mixages DTS-HD Master Audio 2.0 affichent une clarté et une propreté remarquables, préservant une belle homogénéité entre les ambiances, les dialogues et la musique d’Herbie Hancock, un des musiciens de jazz les plus importants et influents du vingtième siècle.

Côté suppléments, Sidonis Calysta nous propose, outre le livret de Marc Toullec évoqué un peu plus haut, de nous plonger dans une présentation du film par François Guérif (23 minutes). Grand spécialiste de la série noire, l’ancien directeur des collections Rivages/Noir et Rivages/Thriller reviendra sur la portée sociologique du film, avant d’en aborder les qualités autant que les défauts. Comme nous, il considère le film comme plus intelligent qu’il n’y paraît à priori, et n’est pas certain que le film soit si réactionnaire qu’on a bien voulu le dire depuis des années. On terminera avec un documentaire sur Charles Bronson intitulé « Charles Bronson, un héros populaire » (40 minutes), qui reviendra (beaucoup) sur la vie privée de l’acteur ainsi que (un peu) sur sa carrière. Sobre et relativement complet, ce documentaire d’une quarantaine de minutes donne la parole à plusieurs amis de Bronson. Intéressant.

 

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