La Roche-sur-Yon 2019 : Le Photographe

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Le Photographe

Inde, Allemagne, 2019

Titre original : Photograph

Réalisateur : Ritesh Batra

Scénario : Ritesh Batra

Acteurs : Nawazuddin Siddiqui, Sanya Malhotra, Farrukh Jaffar

Distributeur : Le Pacte

Genre : Drame romantique

Durée : 1h48

Date de sortie : 22 janvier 2020

2,5/5

Calme et discret, le quatrième film de Ritesh Batra a eu beaucoup de mal à nous subjuguer. Après avoir fait tourner des légendes du cinéma anglophone comme Jim Broadbent et Charlotte Rampling dans A l’heure des souvenirs, ainsi que Jane Fonda et Robert Redford dans Nos âmes la nuit, le réalisateur revient dans son pays natal avec Le Photographe. Contrairement à ses débuts en 2013 avec le sublimement charmant The Lunchbox, la recette s’avère plutôt bancale ici, l’improbable histoire d’amour entre un simple photographe et une jeune étudiante issue de la classe moyenne ne trouvant jamais vraiment le ton juste pour esquisser cette rencontre tout en demi-teintes. Notre aversion instinctive contre le romantisme au parfum abusivement sucré n’a pourtant même pas été déclenchée par ce film, trop vague et hésitant pour accomplir quoique ce soit. Ce qui nous paraît être simultanément la faute d’une mise en scène peu sûre d’elle-même et d’un scénario aux personnages principaux qui n’ont pas non plus de vision claire de ce qu’ils veulent dans la vie. Par conséquent, le récit a tendance à se perdre dans des subtilités anodines, rarement fâcheuses, mais pas non plus ordonnées pour faire en sorte qu’elles convergent vers une conception concrète de l’amour.

© Joe D’Souza / Le Pacte Tous droits réservés

Synopsis : Rafi est un photographe de rue à Mumbai, où il tente de gagner suffisamment d’argent pour rembourser la dette laissée par son père. Un jour à la Porte de l’Inde, il prend en photo la jeune Miloni, une brillante étudiante dans une école de commerce. Par accident, sa cliente se sauve avant de payer, confirmant le cynisme du célibataire endurci qu’est Rafi. Quand la grand-mère de ce dernier, restée au village, menace d’arrêter son traitement médical, tant qu’il n’aura pas trouvé une fiancée, il lui envoie la photo de Miloni sous le nom d’emprunt Noori. Impatiente de connaître la future femme de Rafi, la grand-mère annonce sa venue à Mumbai. Le photographe est alors obligé de retrouver la jeune femme et de lui demander de se prêter quelques jours au faux-semblant du couple romantique.

© Joe D’Souza / Le Pacte Tous droits réservés

Toujours la même histoire ?

Les opposés qui s’attirent est l’une des figures favorites du genre romantique. Cependant, cette complémentarité des caractères doit disposer d’un certain sens pour fonctionner au sein d’une intrigue, au bout de laquelle le bien commun du couple est censé triompher. Dans Le Photographe, rien n’est moins sûr. Le subterfuge au mieux maladroit, au pire mesquin de la fiancée inventée de toutes pièces n’y est guère le point de départ d’un affaiblissement progressif de l’incompatibilité entre Rafi et Miloni. Il sert plutôt de révélateur du malaise par lequel les deux amoureux imaginaires se sentent quasiment paralysés. Pour lui, il s’agit d’un héritage familial et régional trop lourd à porter, à la fois parce qu’il trime sans relâche et surtout sans plaisir afin de résorber la dette laissée par feu son père et parce que ses origines campagnardes le poursuivent partout où il va dans la métropole pas si bouillonnante du Maharashtra. Pour elle, l’indifférence paraît être le maître-mot, envers ses cours à la pédagogie rébarbative, envers sa famille qui commence de plus en plus fiévreusement à lui chercher un mari, envers son milieu social enfin dont elle voit plus les failles que les bénéfices à titre personnel. Bref, ces deux personnages aux trajectoires diamétralement opposées auraient grandement besoin d’un coup de baguette magique de l’amour, afin de donner un sens à leur vie.

© Joe D’Souza / Le Pacte Tous droits réservés

Connaître la fin avant qu’elle n’arrive

Hélas, la narration ne s’évertue guère à nous rendre la tâche de l’identification affective facile. Elle préfère rester dans les limites d’une approche approximative, en développant à moitié des motifs avant de les délaisser, ainsi qu’en laissant la relation naissante entre le photographe et son modèle dans l’à-peu-près. Cela se traduit par une pudeur ambiante pas sans charme, de même que par une vision très sobre des milieux respectifs dont les personnages sont issus. Mais en même temps, pratiquement rien ne permet au spectateur de distinguer avec certitude où ce périple mi-social, mi-sentimental est supposé mener. Qu’il n’y ait pas de malentendu, nous pensons savoir apprécier autant les films à la forme et au discours directifs que ceux qui font preuve d’un plus ample espace d’interprétation et de vagabondage réflexif. Le hic, c’est que dans le cas présent, on se retrouve quelque part dans le no man’s land entre ces deux extrêmes, abandonnés à nous-mêmes face à cette petite danse indienne pittoresque, avançant plus au rythme des regrets et des fantasmes inavoués qu’à celui d’un idéal romantique clairement établi. Ce qui explique sans doute notre degré de déception, causé par le souvenir magistralement savoureux que nous avait laissé The Lunchbox et dont on peine sérieusement à trouver des répliques et encore moins toute forme de progrès ingénieux ici.

© Joe D’Souza / Le Pacte Tous droits réservés

Conclusion

Notre bonne fée cinématographique de ce Festival de La Roche-sur-Yon devait bien prendre des congés à un moment donné ! C’est désormais chose faite avec Le Photographe, un film qui se veut délicat, mais qui reste davantage dans le flou presque mou. Dommage que son réalisateur Ritesh Batra n’ait pas réussi à reproduire le petit miracle de son premier film, les nombreux flottements de ce film-ci rendant le souvenir de celui-là d’autant plus précieux.

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