Critique : Trois jours et une vie

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Trois jours et une vie

France, 2019

Titre original : –

Réalisateur : Nicolas Boukhrief

Scénario : Pierre Lemaitre & Perrine Margaine, d’après le roman de Pierre Lemaitre

Acteurs : Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly, Charles Berling, Jeremy Senez

Distributeur : Gaumont

Durée : 2h00

Genre : Thriller

Date de sortie : 18 septembre 2019

3/5

En Belgique et dans ses pays limitrophes, l’affaire Michel Fourniret avait défrayé la chronique au tournant du siècle. Cet ensemble de crimes affreux avait alors créé un climat d’angoisse collective, voire de psychose, son existence même rendant dès lors imaginables toutes les horreurs de façon concrète. L’intrigue de Trois jours et une vie s’inscrit dans la même époque et dans le même cadre géographique, à savoir un petit village dans les Ardennes belges plongé dans les préparatifs des fêtes de fin d’année en 1999. Son approche du crime s’avère par contre infiniment plus sournoise que ne le serait une simple chronique policière sur les méfaits d’un prédateur monstrueux. La question de la culpabilité n’y est guère abordée de front. Elle accompagne cependant en sourdine les moindres faits et gestes du personnage principal, un point de repère et d’identification pour le spectateur rendu volontairement problématique par la mise en scène plutôt habile. Car le caractère moral de notre investissement dans ce récit d’une rédemption si difficile à atteindre est forcément imprégné d’une ambiguïté accrue, ne serait-ce qu’à cause du penchant pour la dissimulation qui prévaut chez le protagoniste. La mise en scène de Nicolas Boukhrief assure ainsi un suspense doucement malsain, aux retombées sur la durée en fin de compte peut-être plus graves que le choc du crime initial.

© 2019 Nicolas Schul / Mahi Films / Gaumont / France 3 Cinéma / Ganapati / La Company / Umedia /
Nexus Factory Tous droits réservés

Synopsis : Juste avant Noël, le petit Rémi Desmedt disparaît dans des circonstances mystérieuses. Alors que la police belge enquête fiévreusement sur cet enlèvement supposé, les habitants du village du jeune garçon organisent une battue dans les bois des alentours. Tout un chacun y participe, la famille de la victime, bien sûr, mais également leur voisine Blanche Courtin, dont le fils Antoine était l’un des derniers à avoir vu Rémi vivant. Or, Antoine, au bord de l’adolescence et d’ores et déjà passionné de médecine, en sait plus qu’il ne laisse paraître sur cette disparition inquiétante.

© 2019 Nicolas Schul / Mahi Films / Gaumont / France 3 Cinéma / Ganapati / La Company / Umedia /
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Le vrai coupable

La structure temporelle de l’histoire de Trois jours et une vie a beau compliquer un peu inutilement les choses, avec ce premier retour en arrière de quelques jours avant la tenue de la fouille collective dans la forêt, puis plusieurs sauts en avant afin de mieux développer les séquelles psychologiques et sociales du drame, le temps joue néanmoins un rôle essentiel dans le propos du film. En effet, le fardeau du personnage principal ne s’allège aucunement au fil des années. Il devient au contraire de plus en plus lourd, au fur et à mesure que les décisions du protagoniste, mi-figue, mi-raisin, mais en tout cas jamais à la hauteur des enjeux, le font s’empêtrer dans un projet de vie hautement bancal. La prouesse de la narration consiste alors à nous rendre témoins consentants de cet enfermement à connotation masochiste. Le récit est ponctué d’au moins autant de séquences sur la nature ténébreuse de Antoine que de celles dans lesquelles il est amené contre son gré au bord du gouffre, lui qui aurait dû être prédestiné à un avenir brillant. Souvent, ce double jeu malicieux est même à l’œuvre en simultané, comme pour mieux signifier qu’avec chaque nouvelle échappatoire – soit néfaste, soit libératrice – ignorée dans l’urgence de l’instant présent, l’étau se resserre encore plus inextricablement autour de ce jeune homme meurtri.

© 2019 Nicolas Schul / Mahi Films / Gaumont / France 3 Cinéma / Ganapati / La Company / Umedia /
Nexus Factory Tous droits réservés

Un enchaînement de gestes inconsidérés

Aussi richement illustrée la description de son environnement social soit-elle, Antoine se retrouve rapidement très seul dans un univers où chaque mot de trop pourrait sceller son sort. La bienveillance de la part de ses proches à son égard n’est certes jamais vraiment démentie. Et pourtant, aucune perche tendue plus ou moins explicitement ne paraît lui donner envie de partager son secret avec eux. Il en résulte un malaise profond qui prend son origine dans l’interprétation des deux comédiens à la ressemblance bluffante dans le rôle principal, Jeremy Senez en jeune et Pablo Pauly en plus âgé, avant de se répercuter du côté des personnages secondaires, notamment avec ces deux figures paternelles magistralement fêlées, jouées avec leur maestria habituelle par Charles Berling et Philippe Torreton. Quant à Sandrine Bonnaire en mère courage, soucieuse en priorité des apparences dans une communauté étroitement liée, on aurait souhaité que son rôle soit plus consistant, surtout en termes d’indices sur l’étendue de son savoir sur cette sinistre affaire. Car autant la culpabilité du personnage principal ne fait plus aucun doute assez tôt dans le récit, autant l’agencement de la complicité tacite de son entourage aurait sans doute été encore plus subtilement suffocant, à condition de le faire passer par des moyens filmiques détournés, au lieu de quelques répliques tardives trop lourdes de sens.

© 2019 Nicolas Schul / Mahi Films / Gaumont / France 3 Cinéma / Ganapati / La Company / Umedia /
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Conclusion

Trois jours et une vie est un film de genre des plus solides, qui s’emploie avec une certaine malice à mettre nos convictions morales à l’épreuve. Qui croire et surtout en faveur de qui s’investir émotionnellement dans un film, où le cœur de l’action est désigné quasiment d’emblée comme moralement pourri ? Nicolas Boukhrief dispose de la sagesse suffisante pour ne pas nous apporter de réponse toute faite à ce sujet. Il préfère nous laisser souffrir par procuration auprès d’un personnage en apparence condamnable, mais seulement en raison d’un acte irréfléchi dans sa jeunesse, dont il cherche à se racheter sans trop de succès, ni conviction pour le restant de ses jours.

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