Viva Django !
Italie : 1971
Titre original : W Django !
Réalisation : Edoardo Mulargia
Scénario : Nino Stresa
Acteurs : Anthony Steffen, Glauco Onorato, Stelio Candelli
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h34
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 6 septembre 1972
Date de sortie DVD/BR : 3 septembre 2019
Django recherche les bandits qui ont violé et assassiné sa femme. Sur son chemin, il rencontre un voleur de chevaux qui a soi-disant assisté au meurtre. Il va l’aider à accomplir sa vengeance jusqu’à ce que Django se rende compte que ce dernier n’est pas complètement innocent…
Le film
[4/5]
Initié par l’excellent Pour une poignée de dollars en 1964, le western spaghetti aura fait les beaux jours du cinéma populaire italien : plus de 700 westerns auraient en effet été tournés en Europe en l’espace, grosso modo, d’une quinzaine d’années. Si le genre a contribué à révéler plusieurs cinéastes majeurs, les acteurs ayant joué les cow-boys solitaires sous le cagnard de Cinecittà durant ces années là ont tous eu à souffrir de l’ombre d’un seul et même acteur devenu le représentant ultime et mythique du genre : on veut bien sûr parler de Clint Eastwood. Mètre étalon du cow-boy de cinéma, Eastwood et son personnage de l’homme sans nom ont créé de nombreuses vocations et donné naissance à de nombreux rejetons illégitimes, à qui cependant une poignée de cinéphiles vouent parfois un culte aussi ardent que vivace… On pense à des acteurs tels que Giuliano Gemma, Gianni Garko, Peter Lee Lawrence, George Hilton, William Berger ou bien sûr celui qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui : le ténébreux Anthony Steffen, qui fut d’ailleurs le héros de 25 westerns spaghetti entre 1965 et 1974.
Malgré bien peu de ressemblance avec Franco Nero, Anthony Steffen a incarné à plusieurs reprises le personnage de Django ; en France ou ailleurs, des distributeurs malins ont d’ailleurs occasionnellement changé le nom des personnages qu’il incarnait dans d’autres films pour également le renommer Django et profiter de l’aura du film original. Sorti en 1971, Viva Django est le dernier film dans lequel l’acteur incarnera ce personnage emblématique du western spaghetti, et si l’on en croit la réputation peu flatteuse du film sur le Net et sur les forums spécialisés dans le genre, il était temps qu’il s’arrête, tant le film d’Edoardo Mulargia marque des signes d’essoufflement. Cependant, à la découverte du film, restauré en 2K sur support Blu-ray par Artus Films ce mois-ci, on a un peu de mal à comprendre les raisons de l’acharnement critique vis à vis du film : Viva Django n’est certes peut-être pas le plus inoubliable des westerns mettant en scène Anthony Steffen, mais il s’agit néanmoins d’un excellent petit film de vengeance, s’offrant par ailleurs le luxe de s’avérer assez malicieux – et même souvent carrément drôle – dans ses dialogues, ses situations parfois franchement cocasses ou originales et dans sa façon de détourner les codes, sans pour autant jamais franchement verser dans la parodie. En effet, si le film amusera régulièrement le spectateur, la tonalité générale reste tout juste suffisamment sérieuse pour que la quête de vengeance du héros demeure un fil rouge dramatique suffisamment tendu pour maintenir son intérêt en alerte.
Néanmoins, le film impose un sens du gag remarquable, et des idées en pagaille, tellement bonnes d’ailleurs qu’on va vous en citer deux. Ainsi, lors de la traditionnelle scène de saloon de la première bobine, Django se retrouve donc à partager un whisky avec le barman (Donato Castellaneta), qu’il vient de rencontrer. La fille du barman (Simonetta Vitelli) entre de le champ, et Edoardo Mulargia de mettre en scène un jeu de regards très insistants entre Django, la fille et un tableau de femme nue accroché au mur, jeu troublant – et très amusant pour le spectateur – qui sera finalement interrompu par le père renvoyant sa fille en cuisine. On pense aussi à ce cow-boy qui, après avoir essuyé une explosion de dynamite, interviendra durant plusieurs séquences carbonisé et « fumant », comme tout droit sorti d’un cartoon… Mais l’humour n’empêchera pas le film de se montrer très généreux en action, porté par ailleurs par la réalisation et le découpage énergiques de Mulargia, qui se révèlent par bien des aspects étonnants pour l’époque : le lit tiré par le cheval, la fusillade en voiture, les subterfuges utilisés par Django pour tuer ses ennemis…
Bref, n’écoutez / ne lisez pas les tristes sires qui affirment haut et fort que Viva Django est un spagh’ morne, au déroulement classique et sans surprise : il s’agit au contraire d’un excellent petit film de vengeance un brin décalé, malin, rythmé et enthousiasmant.
Le Combo Blu-ray + DVD + Livre
[4,5/5]
Invisible en France depuis son exploitation sur support VHS il y a une trentaine d’années, Viva Django arrive donc aujourd’hui dans un superbe coffret « Mediabook » et Combo Blu-ray / DVD contenant également un livre de 96 pages signé Curd Ridel, sous les couleurs d’Artus Films : un superbe objet qui devrait remettre les pendules à l’heure et permettre aux curieux de découvrir le film et de se faire leur propre idée. Côté master, la restauration 2K a fait des merveilles et le western d’Edoardo Mulargia affiche une belle pêche, avec un grain cinéma conservé et une définition et un piqué accrus, fluctuant cela dit légèrement d’une séquence à une autre. Les plans nocturnes ou en basse lumière rencontrent par moments de petits soucis de contrastes, mais dans l’ensemble, il y a de quoi se montrer satisfait, d’autant que l’éditeur nous propose de découvrir la version « intégrale » du film. Côté son, la version française d’origine – carrément qualifiée de « médiocre » par l’éditeur ! – côtoie donc la VO, toutes deux en LPCM Audio 2.0 : les deux proposent des dialogues clairs et sans souffle parasite ; on préférera néanmoins la version originale, plus ample et efficace, même si de notre côté, on trouve un certain charme désuet et un peu whatthefuck-esque à la VF.
Du côté des suppléments, évoquons tout d’abord le livre de 96 pages écrit par Curd Ridel, intitulé « Anthony Steffen, le roi du western européen », et retraçant la vie et l’œuvre de l’acteur (ainsi que la façon dont il est passé à la postérité) par le biais d’un long entretien avec Manuel de Teffé, son fils, qui se confie à Curd Ridel au sujet d’un père qu’il a à peine connu mais qu’il semble vénérer au-delà de toute limite. Il prépare d’ailleurs un film intitulé Django begins, censé rendre hommage à la grande épopée du western italien, et en partie basé sur l’histoire d’Anthony Steffen. On notera cependant que le site djangobegins.com semble avoir définitivement tiré sa révérence. Dans la deuxième partie du bouquin, Curd Ridel reviendra sur chacun des 25 westerns dans lesquels a joué Anthony Steffen : une mine d’informations en dehors des sentiers battus.
Sur le Blu-ray à proprement parler, l’éditeur Artus Films nous propose, en plus de la traditionnelle bande-annonce qui s’accompagnera d’une sympathique galerie de photos, une enthousiaste présentation du film par Curd Ridel (décidément incontournable sur cette édition). Il insistera tout particulièrement sur la qualité du film (« tout amateur de western spaghetti devrait y trouver son compte ») et reviendra également à plusieurs reprises sur le fait que la version française ne rende pas justice au travail d’Edoardo Mulargia. Enfin, et pour terminer, on trouvera également un « teaser » de Django begins, en fait une intervention d’Enzo G. Castellari qui exprime son enthousiasme concernant le projet du fils d’Anthony Steffen.