Critique : Paris est toujours Paris

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Paris est toujours Paris

France, Italie, 1951

Titre original : Parigi è sempre Parigi

Réalisateur : Luciano Emmer

Scénario : Sergio Amidei, Luciano Emmer, Jean Ferry, Ennio Flaiano, Giulio Macchi, Jacques Rémy & Francesco Rosi

Acteurs : Aldo Fabrizzi, Ave Ninchi, Lucia Bosé, Marcello Mastroianni

Distributeur : Théâtre du Temple Distribution

Durée : 1h44

Genre : Comédie de vacances

Date de sortie : 14 août 2019 (Reprise)

2,5/5

L’office de tourisme de la ville de Paris aurait difficilement pu faire mieux pour mettre en avant les atouts de la capitale française que cette co-production franco-italienne du début des années 1950 ! C’est en effet à une série de cartes postales plus ou moins caricaturales que nous convie Luciano Emmer avec Paris est toujours Paris, un film certes plaisant à regarder, mais qui ne contient guère de mises en question par rapport au tourisme de masse qui allait se déverser dans les rues de notre ville d’adoption au fil des décennies suivantes. Un match de foot y sert de prétexte à une bande de supporters hétéroclite ayant fait le déplacement pour découvrir, chacun à sa façon, les aspects plus ou moins reluisants du mythe parisien. Admettons qu’on soit loin ici de l’esthétique extrêmement léchée et du propos ennuyeusement consensuel des productions contemporaines Cinérama, qui emmenaient principalement le public américain en voyage à une époque où faire le tour du monde relevait encore de l’exploit, l’absence d’un point de vue clairement défini se solde en fin de compte par un enchaînement vaguement divertissant de sketchs à la chute jamais tout à fait satisfaisante.

© Distribution Théâtre du Temple et Grands Films Classiques Tous droits réservés

Synopsis : A l’arrivée du train à Paris, un groupe d’Italiens, venus exprès pour encourager la Squadra Azzura, est emmené en bus à travers les rues de la capitale pour y découvrir à un rythme accéléré les principales attractions touristiques. Or, ce mode d’immersion rapide ne convient point aux voyageurs. Ni à Andrea De Angelis, venu avec son épouse Elvira, dont il espère se débarrasser tôt ou tard au cours du séjour, afin de goûter aux plaisirs nocturnes de la métropole, grâce aux conseils de Raffaele D’Amore, une connaissance italienne de la famille. Ni à sa fille Mimi, accompagnée de son fiancé Marcello, qui, à son grand dam, préfère les monuments aux boutiques les plus chics. Ni à deux collègues, qui ne rêvent que de séduire les plus belles femmes qu’ils aperçoivent à chaque coin de rue. Quant au jeune Franco Martini, il égare dès l’arrivée sa valise, un incident dont il profite pour inviter la vendeuse de journaux Christine à le guider à travers les coins les plus romantiques de la ville.

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La Course à l’aventure parisienne

Est-ce que les attentes des visiteurs étrangers envers Paris ont profondément changé en près de 70 ans ? A regarder Paris est toujours Paris, rien n’est moins sûr. De nos jours, l’invasion des voisins transalpins s’est plutôt diversifiée, puisque l’on vient désormais des quatre coins du monde pour y passer quelques heures, voire quelques jours. Mais sinon, l’activité touristique est restée fidèle à elle-même, intéressée plus par le commerce que par l’ouverture d’esprit à l’égard de mœurs et d’une culture qui demanderaient plus qu’un passage éclair pour être réellement comprises. La narration en tient au moins partiellement compte, laissant très tôt apparaître les aspects excessifs d’une industrie, qui a tendance à préférer le traitement de masse aux intérêts individuels. Ainsi, tout un chacun a le tournis à force de voir défiler à toute vitesse les monuments parisiens à travers les vitres du bus panoramique, l’exigence technique ou plus probablement des questions de droits de tournage à l’intérieur du Louvre rendant la visite du musée phare uniquement par voie de piste sonore encore plus expéditive. De même, une fois que le programme obligatoire a été hâtivement accompli et que la présence à l’événement supposément crucial du match de foot a perdu son caractère impératif, les parcours plus personnels ne tentent jamais sérieusement de s’affranchir du joug des clichés touristiques. Entre l’hippodrome de Longchamp et les cabarets, le concours de haltérophilie et le concert assez intimiste de Yves Montand, à ce moment-là encore principalement connu comme chanteur avant de s’imposer en tant qu’acteur deux ans plus tard dans Le Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot, les passages obligés et autres endroits emblématiques ne manquent pas, afin de vanter un certain exotisme que Paris aurait à offrir à ces pauvres provinciaux italiens.

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Intoxication à l’eau minérale

Car derrière son ambition comique première, qui se nourrit, elle aussi, d’une portion considérable de clichés, cette fois-ci sur les Italiens, le récit sait préserver un certain degré de mélancolie. Rien de suffisamment pointu et ironique, hélas, pour contrecarrer le côté publicitaire du film dans son ensemble. Néanmoins, un arrière-goût de défaite accompagne tôt ou tard chacune des aventures, aussi outrancièrement romantiques soient-elles. Le plus exagéré des colportages sur la capitale de l’amour, le jeune homme qui tombe amoureux de la première femme qu’il y voit au bout d’une insistance qui passerait aisément pour du harcèlement aujourd’hui, est ainsi miné par sa nature éphémère. En parallèle, les autres couples préservent essentiellement le statu quo, au bout de quelques turbulences sans gravité. Et les moins bien logés sont ces pauvres célibataires, des mâles en rut qui finissent la plupart du temps comme les dindons de la farce. Le plus tragique d’entre eux est ce monsieur en apparence si distingué, l’image que les touristes se font d’un dandy parisien en somme, qui gagne pourtant sa vie en « homme-bouteille » – l’une des plus belles trouvailles visuelles du film, qui excelle surtout dans la mise en scène des objets – et qui est incapable d’organiser une soirée mondaine digne de ce nom pour ses invités. Toute la tristesse d’une immigration approximative se trouve condensée dans ce personnage, un homme pris au piège au moins autant de sa modeste condition sociale que des chimères qu’il poursuit en vain sous forme d’un tiercé qui n’arrive jamais gagnant.

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Conclusion

C’est avant tout la splendide restauration en 4K, soutenue par la Maire de Paris, quelle surprise, qui distingue Paris est toujours Paris. Car sinon, cette comédie passablement légère et divertissante ne fait pas grand-chose pour mettre astucieusement en perspective la vision touristique de la capitale française. Cette pauvreté toute relative du contenu se retrouve aussi du côté de l’interprétation, globalement solide, mais dépourvue de comédiens capables de transcender le carcan caricatural de leurs personnages respectifs, y compris un Marcello Mastroianni au début de sa carrière, qui campe le rôle ingrat du fiancé docile sans lui conférer quelque singularité que ce soit.

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