Critique : Nevada (Deuxième avis)

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Nevada

France, Etats-Unis : 2019
Titre original : The mustang
Réalisation : Laure de Clermont-Tonnerre
Scénario : Laure De Clermont-Tonnerre, Mona Fastvold, Brock Norman Brock
Interprètes : Matthias Schoenaerts, Jason Mitchell, Bruce Dern, Gideon Adlon
Distribution : Ad Vitam
Durée : 1h36
Genre : Drame
Date de sortie : 19 juin 2019

4/5

Pas encore tout à fait âgée de 36 ans, la comédienne française Laure de Clermont-Tonnerre est dorénavant installée à Los Angeles et elle semble vouloir mettre sa carrière d’actrice entre parenthèses afin de se consacrer à la réalisation. Nevada est son premier long métrage et c’est une belle réussite.

Synopsis : Incarcéré dans une prison du Nevada, Roman n’a plus de contact avec l’extérieur ni avec sa fille… Pour tenter de le sortir de son mutisme et de sa violence, on lui propose d’intégrer un programme de réhabilitation sociale grâce au dressage de chevaux sauvages. Aux côtés de ces mustangs aussi imprévisibles que lui, Roman va peu à peu réapprendre à se contrôler et surmonter son passé..

Des hommes et des animaux

Aimant la nature et les animaux, Laure de Clermont-Tonnerre est également très intéressée par tout ce qu’on peut faire en matière de réhabilitation dans les prisons. Sur ce sujet, elle avait réalisé un court-métrage en 2014 : Rabbit. Il s’agissait du portrait d’une femme, détenue dans une prison de haute sécurité de l’État de Washington, qui entamait un programme de réinsertion basé sur la cohabitation des détenus avec des animaux domestiques. Ici un lapin blanc. Autant dire que la réalisatrice s’est montrée très intéressée lorsqu’elle a appris que, dans plusieurs prisons des Etats-Unis, il existait des programmes de réhabilitation des prisonniers par les mustangs, ces chevaux sauvages qui pullulent dans l’Ouest américain et qui sont considérés comme étant un fléau pour les fermiers qui voient leur prés broutés par ces chevaux plutôt que par leurs vaches. Il est donc procédé régulièrement à des captures de ces chevaux dont beaucoup sont abattus. Un certain nombre sont envoyés dans des prisons afin d’être domestiqués puis vendus aux enchères. Une chance de rester vivants pour ces chevaux et de retrouver une voie pour les détenus retenus pour participer à ces programmes de dressage.

Un travail sérieux

Bien aidée par Kathleen O’Meara qui dirige le département psychologie/ psychiatrie des prisons californiennes, Laure a travaillé 5 ans sur son projet, visitant de nombreuses prisons pratiquant ce type de programmes et discutant avec des détenus. Elle a également reçu l’aide de Robert Redford, lui-même très branché chevaux et qui, ayant vu son court-métrage et étant très intéressé par son projet, est devenu producteur exécutif du film. Pour personnifier le sujet qu’elle voulait traiter, elle a choisi de raconter l’histoire de l’un des prisonniers qu’elle avait rencontrés.

De grands interprètes

Apparu très tôt dans le projet, Matthias Schoenaerts s’est tout de suite beaucoup investi, participant lui-aussi à la visite de nombreuses prisons. Dans le rôle de Roman Coleman, dont les raisons pour lesquelles il est en prison ne sont données que tard dans le film (donc, on ne les divulgâchera pas !), il est magistral dans un rôle qui demande un mélange de force physique, de brutalité difficilement canalisée et de sensibilité à fleur de peau. On retrouve aussi avec plaisir Bruce Dern qu’on avait tant aimé dans …  Nebraska (Il lui reste encore un certain nombre d’états américains à honorer de sa présence !) et qui, ici, interprète le vieil homme qui pilote l’opération de dressage des chevaux dans la prison. A leurs côtés, on remarque un excellent Jason Mitchell, vu récemment dans Detroit de Kathryn Bigelow,  ainsi que la très émouvante Gideon Adlon dans le rôle de la fille de Roman. A noter que plusieurs anciens prisonniers jouent plus ou moins leur propre rôle dans le film et que 3 chevaux différents ont été utilisés pour interpréter Marquis, le cheval que Roman est chargé de dresser : un cheval totalement sauvage, un autre à moitié dressé et un troisième totalement dressé. A la fin du tournage, ce dernier a  été adopté par la réalisatrice !
Laure de Clermont-Tonnerre était tout à fait consciente que ce qu’elle tournait était proche d’un western, et, de ce genre, elle a gardé l’alternance de plans larges et de plans (très) serrés. Par contre, Nevada étant un film sur l’enfermement, que ce soit celui des prisonniers ou celui des chevaux, elle a choisi le format 1.66, plus resserré que le 2.35. La photographie du belge Ruben Impens, le directeur de la photographie attitré de Felix van Groeningen, est absolument splendide : voir, en particulier, la première scène, celle de la capture des chevaux, une scène magnifique tournée à Misfits Flats, un lieu utilisé par John Huston dans Les désaxés.    

Conclusion

Nevada, le premier long métrage de Laure de Clermont-Tonnerre, prouve de façon indubitable qu’elle a des dons pour la réalisation : l’art de raconter une histoire, de se situer dans l’émotion sans tomber dans la mièvrerie, le sens du rythme, la justesse des plans, la direction d’acteurs, etc. Tout comme Tavernier dans Dans la brume électrique, elle prouve que des réalisateurs et des réalisatrices français peuvent faire des films américains tout aussi bons, voire meilleurs, que ce que font les réalisateurs locaux.  Son prochain film devrait être de nouveau tourné aux Etats-Unis, sur la côte est cette fois. On va l’attendre avec impatience.

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