Cannes 2019 : la Quinzaine s’invite au Forum

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Comme chaque année, le Forum des Images reprend l’intégrale de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs. La 51ème édition est la première dirigée par Paolo Moretti qui rappelle que, «depuis sa création en 1969, la Quinzaine des Réalisateurs soutient et accompagne les cinéastes qui osent aller vers des territoires esthétiques et narratifs inexplorés, partageant avec le public du monde entier leurs éclats visionnaires (…) et contribue avec ses sélections à enrichir la proposition d’ensemble de cette grande fête cinéphile qu’est le Festival de Cannes, en étendant le spectre des matières et des pratiques représentées», ajoutant qu’elle «développe depuis ses débuts un discours qui témoigne de la variété d’univers créatifs et de modalités de production, en dialogue permanent avec les perpétuelles évolutions de la création contemporaine».

Jean Dujardin et Adèle Haenel dans Le Daim

Cette reprise, qui s’étend du 30 mai au 9 juin, s’ouvre avec l’iconoclaste Quentin Dupieux qui revient sur la Croisette avec le non moins iconoclaste Le Daim, l’histoire d’une étrange fusion entre un homme et une veste en daim. Une œuvre au burlesque tranquille plus proche de Rubber dans sa façon de faire vivre un objet comme s’il s’agissait d’un être vivant que de ses œuvres suivantes, Wrong, Wrong Cop, Reality ou Au poste ! Avec le même petit glissement vers le crime de psychopathe d’un autre genre… Jean Dujardin y confirme son goût prononcé pour un cinéma éloigné des sentiers battus tout en restant accessible. Un acteur qu’il est agréable à suivre, tant il évite la facilité dans ses choix de carrière. Sa sincérité rejoint celle du réalisateur dont le cinéma n’appartient qu’à lui et ne cesse de nous réjouir.

William Lebghil dans Yves

À la question «objets inanimés, avez-vous une âme ?», le film de clôture, Yves réalisé par le non non non moins iconoclaste Benoît Forgeard, répond tout aussi positivement avec son frigo parlant et réfléchissant aidant le DJ incarné par le toujours parfait William Lebghil à trouver l’inspiration. Le talent comique de ce comédien plus que prometteur a d’ailleurs explosé lors d’une précédente édition de la Quinzaine avec Les Combattants, où brillait déjà Adèle Haenel, elle confrontée au Daim et non à un frigo. Le monde de Cannes est tout petit !

The Orphanage

Parmi les films à ne pas manquer, des gestes politiques, cinématographiques, drôles et plus graves, parfois en un seul film. Signalons notamment un coup de coeur particulier pour The Orphanage qui mêle l’amour des nanars du cinéma à une dénonciation d’un régime oppresseur, auquel on ajoutera Halte, un nouveau marathon signé Lav Diaz (4h30 seulement, aurait-on envie de rajouter) et Alice et le Maire, une comédie politique où Nicolas Pariser (Le Grand jeu, avec Melvil Poupaud et André Dussolier) saisit une réalité du cynisme de la politique contemporaine sous le regard d’une candide jouée par Anaïs Demousier, chargée de redonner des idées au maire de Lyon incarné par Fabrice Luchini. Et d’autres attisent notre curiosité, comme Perdrix d’Erwan Le Duc qui nous avait plutôt séduit avec le court-métrage Le soldat vierge découvert à la Semaine de la Critique en 2016 et dirige le toujours excellent Swann Arlaud dans le rôle-titre.

Notre rédacteur Lucas Créac’h était à Cannes pour en découvrir certains et s’est particulièrement attaché aux films ci-dessous :

Dogs don’t wear pantsdu finlandais Jukka-Pekka Valkeapää qui donne une sévère fessée à l’insipide Cinquante nuances de Grey. Un veuf retrouve peu à peu le goût de vivre grâce à une femme adepte de plaisirs SM. Le choc attendu entre cet homme à la vie si rangée et ces pratiques si «dérangées» est particulièrement jouissif. Un humour à la fois subtil et grotesque est disséminé dans plusieurs scènes du film, sans que cela ne vire à la farce permanente. Ces plaisanteries savamment dosées ajoutent une singularité bienvenue à ce coup de fouet garanti.

Une fille facile de Rebecca Zlotowski. Ado indécise de seize ans, Naïma va vivre un été inoubliable grâce à Sofia, sa cousine de 22 ans, un poil exhibitionniste, mais dont le portrait est nuancé par une dose d’innocence qui la rend assez attachante. La jeune Mina Farid est une des grandes révélations de la Quinzaine 2019.

Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky, une comédie rythmée et vivante, pleine de péripéties, marquée par la rencontre entre Vic, un Américain d’origine russe malchanceux et Tracy, une jeune femme atteinte de la maladie de Charcot (désignée sous le nom de Lou Gehrig en anglais). Une excursion dans une Amérique oubliée avec dans sa première moitié, une énergie débordante qui ne laisse pas une seconde de répit au spectateur avant de devenir plus sérieuse. Le montage très saccadé est un ressort humoristique en lui-même. L’autre point fort de cette pépite est son interprétation parfaite, à commencer par Chris Galust, touchant d’abnégation et Maxim Stoyanov en boxeur difficile à cerner.

On va tout péter de Lech Kowalski, un documentaire immersif au coeur du combat des ouvriers de GM&S, menacés par une liquidation judiciaire et par une vague de licenciements. On va tout péter fait bien sûr penser au mouvement des gilets jaunes qui n’existait pas à l’été 2017, mais les propos de certains ouvriers, les blocages de routes et les altercations avec la police ne sont pas éloignés des événements nés à la fin de l’année dernière. Un documentaire captivant, scandé par les nombreux accrochages en tous genres qui opposent les salariés aux policiers, mais aussi aux journalistes, au président Macron ou entre eux car, après des semaines de combat, le front est n’est plus aussi uni. Comme revivre En guerre de Stéphane Brizé, mais en vrai… Une œuvre qui se range du côté de ces hommes fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font.

First love de Takashi Miike. Un film surprenant et déjanté qui se déroule à Tokyo, la nuit, autour de la rencontre entre un jeune boxeur et une call-girl toxicomane mais vierge, impliquée dans un trafic de drogue. Lors de leur folle virée rocambolesque, ils seront poursuivis par un policier corrompu, un yakuza et une femme-assassin envoyée par des groupes chinois, rien de moins. Percutant, drôle et parfois gore, ce nouveau film d’un cinéaste prolifique est un plaisant spectacle parodique qui saura combler ceux qui se laisseront entraîner dans le délire du réalisateur japonais.

The Lighthouse de Robert Eggers, avec deux gardiens de phare impressionnants : Willem Dafoe et Robert Pattinson, réunis dans ce drame d’épouvante par le réalisateur de The Witch. Un récit hypnotique et hallucinant, une folle et sublime virée dans l’horreur, dénuée de jumpscares. Le sublime noir et blanc joue sur les perspectives et participe à la perte de repères dans l’espace et le temps. Le son exacerbe nos peurs, au fond assez primitives : la peur de l’autre, du noir, de l’isolement…

And Then We Danced de Levan Akin, un drame situé dans le monde de la danse, sur fond de rivalité et de désir. La danse n’est d’ailleurs qu’une toile de fond permettant d’exploiter le thème de l’amour. Levan Akin nous promène dans divers lieux témoignant de l’effervescence musicale en Géorgie. Si le film transpire d’une certaine forme de fierté culturelle, il se veut aussi critique de traditions conservatrices, en montrant sans détour une Géorgie passéiste où l’homosexualité est vue soit comme une maladie soit comme un crime.

Alice et le maire

Plusieurs séances se dérouleront en présence des cinéastes ou des équipes de films, notamment pour accompagner les longs-métrages Une fille facile de Rebecca Zlotowski le 31 mai à 21h, Zombi Child de Bertrand Bonello le 1er juin à 20h30, Alice et le Maire de Nicolas Pariser le 2 juin à 17h30, On va tout péter de Lech Kowalski le 4 juin à 20h, Huo zhe chang zhe de Johnny Ma le 5 juin à 15h30, Perdrix d’Erwan Le Duc le 6 juin à 20h30, Yves de Benoît Forgeard, le 7 juin à 20h30 ainsi que le court-métragePlaisir fantôme de Morgan Simon le 9 juin à 17h30 dans le cadre du deuxième programme de courts.

Toutes les séances :

JEUDI 30 MAI

20h00 Le Daim de Quentin Dupieux

VENDREDI 31 MAI

14h30 The Orphanage de Shahrbanoo Sadat

16h30 Lillian d’Andreas Horvath

18h00 First love (Hatsukoi) de Takashi Miike

19h00 Ghost Tropic de Bas Devos

20h30 Wounds de Babak Anvari

21h00 Une fille facile de Rebecca Zlotowski

SAMEDI 1 JUIN

14h30 Por el dinero d’Alejo Moguillansky

15h30 Halte de Lav Diaz

16h30 Programme de courts métrages 1 (1h36)

18h30 Les Particules de Blaise Harrison

20h30 Zombi Child de Bertrand Bonello

21h00 Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky

DIMANCHE 2 JUIN

14h30 Ghost Tropic de Bas Devos

16h30 Oļeg de Juris Kursietis

17h30 Alice et le Maire de Nicolas Pariser

19h00 Canción sin nombre de Melina León

21h00 The Lighthouse de Robert Eggers

MARDI 4 JUIN

14h30 Sem seu sangue d’Alice Furtado

17h00 Canción sin nombre de Melina León

19h00 And Then We Danced de Levan Akin

20h00 On va tout péter de Lech Kowalski

21h00 Lillian d’Andreas Horvath

MERCREDI 5 JUIN

15h30 Huo zhe chang zhe de Johnny Ma

18h00 Le Daim de Quentin Dupieux

18h30 The Orphanage de Shahrbanoo Sadat

20h30 Tlamess d’Ala Eddine Slim

21h00 Koirat eivät käytä housuja de Jukka-Pekka Valkeapää

JEUDI 6 JUIN

15h00 Halte de Lav Diaz

17h00 Une fille facile de Rebecca Zlotowski

19h00 The Staggering Girl de Luca Guadagnino

20h30 Perdrix d’Erwan Le Duc

21h00 Sem seu sangue d’Alice Furtado

VENDREDI 7 JUIN

14h30 Tlamess d’Ala Eddine Slim

17h00 Alice et le Maire de Nicolas Pariser

18h00 The Lighthouse de Robert Eggers

19h15 Oļeg de Juris Kursietis

20h30 Yves de Benoît Forgeard

21h30 Koirat eivät käytä housuja de Jukka-Pekka Valkeapää

SAMEDI 8 JUIN

14h30 And Then We Danced de Levan Akin

16h30 Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky

17h00 Perdrix d’Erwan Le Duc

19h00 Wounds de Babak Anvari

20h00 Por el dinero d’Alejo Moguillansky

21h00 Hatsukoi de Takashi Miike

DIMANCHE 9 JUIN

14h30 Yves de Benoît Forgeard

17h00 On va tout péter de Lech Kowalski

17h30 Programme de courts métrages 2 (1h25)

19h30 Huo zhe chang zhe de Johnny Ma

20h30 Red 11 de Robert Rodriguez

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