Cannes 2019 : Bacurau (compétition)

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Brésil, 2019
Titre original : –
Réalisateur : Kleber Mendonça Filho, Juliano Dornelles
Scénario : Kleber Mendonça Filho, Juliano Dornelles
Acteurs : Barbara Colen, Sonia Braga, Udo Kier
Distribution : SBS Distribution
Durée : 2h12
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 25 septembre 2019

En seulement deux longs-métrages, Kleber Mendonça Filho a su s’imposer comme un des représentants du cinéma brésilien contemporain. Dans Bacurau, il livre encore un récit engagé sur son pays, une déclaration d’amour et d’espoir qui durant plus de deux heures nous emmène sur des chemins inattendus.

Synopsis : Dans un futur proche … Le village de Bacurau dans le sertao brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte …

Cent ans de solitude

Tout commence dans un village. Avant de comprendre ce dont il est question dans Bacurau, nous partons à la rencontre de la communauté du village éponyme, guidés par le cinéaste. Un microcosme qui enterre sa matriarche, comme signe de la fin d’une époque. Dans cette longue scène d’introduction, Mendonça Filho arrive avec brio à caractériser chaque personnage haut en couleur, il fait exister ce village pour le spectateur qui finit par avoir l’impression de l’avoir toujours connu. Si parmi eux, des figures fortes vont se distinguer, il n’en reste pas moins que le long-métrage va réussir à être un film sans véritable héros autre que le groupe en général – et quel groupe ! Attachants, les habitants de Bacurau vont cependant devoir affronter un groupe d’antagonistes que le réalisateur a, malheureusement, plus de mal rendre vivants.

Pour parler du film, il nous faut dévoiler des éléments de l’intrigue qui n’apparaissent pas dans le synopsis. Si vous voulez ne rien en savoir, vaut mieux peut-être patienter jusqu’à la sortie de Bacurau en septembre, mais quoiqu’il en soit, passer la surprise du cap que prend le récit (et qui sera sûrement annoncé dans les bande-annonces), il ne s’agit pas de révélations majeures. En effet, sans crier gare, débarquent des mercenaires américains dans l’histoire. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser en lisant le synopsis, le long-métrage ne s’inscrit pas dans le fantastique, mais se transforme en film d’action atypique, traitant de problèmes concrets du Brésil actuel avec des éléments de narration qui n’auraient pas dépareillé dans Mad Max !

Max o louco (Mad max)

Non pas que Mel Gibson débarque au détour du Sertão brésilien, ou que le film se transforme en longue course-poursuite. La comparaison aux films de George Miller s’arrête à ce dont il est question au cœur du film de Mendonça Filho : la paupérisation de ressources aussi vitales que l’eau. Car le « dans un futur proche » qui ouvre Bacurau n’est pas là pour inscrire le récit dans un avenir hypothétique, mais bel et bien pour l’ancrer dans le réel, comme pour nous avertir : « voilà ce qui va arriver ». Si le réalisateur est pessimiste quand à la voix sur laquelle s’engage le Brésil, il n’en garde pas moins un grand espoir envers ses habitants. Ils apparaissent unis face à un adversaire qui relève à la fois de l’état (un préfet corrompu) et d’envahisseurs (des mercenaires américains).

La communauté va en effet devoir, pour sa survie, se défendre face à ces mercenaires décomplexés, qui semblent être là pour permettre une expropriation, et prive peu à peu Bacurau de ses ressources et de son accès à l’extérieur – la communauté se retrouve déconnectée du monde (prosaïquement : ils n’ont plus de réseau). Dommage que les « méchants » soient le gros point faible du film : assez stéréotypé, il font un peu tâche face aux nuances éclatantes du groupe de protagoniste. D’autant plus qu’ils explicitent parfois ce qu’on avait compris par la simple narration, jusqu’alors très maitrisée. Reste que leur leader arrive à briller, car son interprète, Ugo Kier, fait partie de ces acteurs avec une « gueule » de cinéma incroyable, qui nous fait (un peu) oublier la faiblesse des antagonistes.

Qu’importe de petit défaut : Bacurau est pétri de qualités. Tel le très bon Les Oiseaux de passage l’année dernière, il arrive à livrer un film d’action efficace et bien loin des poncifs du genre, affirmant son identité latino-américaine pour le plus grand plaisir du spectateur. Peut-être faut-il être brésilien pour comprendre toute les nuances du discours de Mendonça Filho, mais le film est assez riche pour être passionnant, et nous donne une image du Brésil autre que les sempiternelle favelas. Le tout avec images de toute beauté, lumineuses, qui nous explique à elles seules : tout n’est pas perdu.

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