Critique : Petra

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Petra

Espagne : 2018
Titre original : –
Réalisation : Jaime Rosales
Scénario : Jaime Rosales, Clara Roquet, Michel Gaztambide
Interprètes : Bárbara Lennie, Alex Brendemühl, Joan Botey, Marisa Paredes
Distribution : Condor Distribution
Durée : 1h47
Genre : Drame
Date de sortie : 8 mai 2019

4/5

Tous deux espagnols, Pedro Almodovar et Jaime Rosales sont, cinématographiquement parlant, très éloignés l’un de l’autre : autant le premier se complait dans l’outrance et l’exubérance sous toutes ses formes, autant le second choisit le plus souvent d’aller à l’essentiel avec une réalisation très sèche, sans afféterie inutile, avec des cadrages toujours millimétrés et des dialogues qui sonnent vrai. Petra est son 6ème long métrage, 5 d’entre eux ayant été sélectionnés dans deux des sections parallèles du Festival de Cannes, Un Certain Regard (La soledad et La belle jeunesse) et la Quinzaine des Réalisateurs (Les heures du jour, Un tir dans la tête et Petra). De toute évidence, un très grand réalisateur dont on s’étonne qu’il n’ait encore jamais eu droit à la compétition cannoise.

Synopsis : Petra, jeune artiste peintre, n’a jamais connu son père.
Obstinée, la quête de ses origines la mène jusqu’à Jaume Navarro, un plasticien de renommée internationale. Ce dernier accepte de l’accueillir en résidence dans son atelier, perdu dans les environs de Gérone. Petra découvre alors un homme cruel et égocentrique, qui fait régner parmi les siens rancœur et manipulation. Espérant des réponses, la jeune femme consent à se rapprocher de cette famille où dominent les non-dits et la violence. Petra trouvera-t-elle vraiment ce qu’elle est venue chercher ?

A la recherche du père

Pauvre Petra ! Certes, cette jeune artiste peintre, pour qui le fait de connaître enfin son père revêt une importance majeure, a bien réussi à se faire accepter en résidence par Jaume Navarro, un plasticien de grande renommée, mais cet homme, qui pourrait bien être son père, s’avère être un homme abject et manipulateur, un monstre de perversité qui ne pense qu’à l’argent et à faire le mal autour de lui. Mais qu’importe : Petra veut savoir et elle rencontre Marisa, la femme de Jaume, et Lucas, son fils. Petit à petit, il s’avère que  cette famille dysfonctionnelle est pleine de secrets et de mensonges.

Transformer le plomb en or

On pourrait très bien retrouver la trame de Petra dans un soap opera réalisé pour une chaîne de télévision quelque part dans le monde. Mais Jaume Rosales n’est pas un réalisateur de soap operas, c’est un réalisateur de cinéma, un grand réalisateur de cinéma. Son but étant, au travers de cette histoire, de parler de la recherche de son identité et de la rédemption, il lui a fallu, au travers de sa mise en scène et de ses choix relatifs au cadrage et au montage, arriver à transformer le plomb de cette trame feuilletonnesque en or de grand cinéma.

C’est au niveau du montage qu’il est le plus facile de prendre conscience de du grand talent de Jaime Rosales : le film étant partagé en 7 chapitres, le réalisateur a choisi de commencer par le 2ème chapitre, suivi du 3ème, puis du 1er, du 4ème, du 6ème, du 5ème et, pour finir, du 7ème. Rien de gratuit dans ce choix : même si le spectateur peut se sentir parfois un peu perdu, cela lui permet de beaucoup mieux partager la façon dont Petra prend connaissance des évènements troubles qu’a connus la famille de Jaume. Quant à la mise en scène, elle est, comme toujours chez Rosales, extrêmement inventive. A l’instar de Michael Haneke, avec lequel il est parfois comparé, il utilise le hors champ avec beaucoup d’intelligence. Plutôt que d’emprisonner ses personnages dans un cadre, il les enlace en opérant de lents mouvements de caméra qui finissent par les faire sortir de l’écran alors qu’ils continuent à converser. Au spectateur de faire alors travailler son imagination dans un contexte qui renforce les parts de mystère que comporte le film !

Une distribution solide et hétérogène

C’est une distribution à la fois très solide et très hétérogène en matière d’expérience cinématographique qui est réunie dans Petra. C’est ainsi que Joan Botey, l’interprète de Jaume,  apparait pour la première fois sur un écran, à près de 80 ans. Cet ancien ingénieur chimiste, à la fois spécialiste de la biodiversité et peintre amateur, est le propriétaire du domaine dans lequel le film a été tourné. Toute autre est l’expérience de Maria Paredes, l’interprète de son épouse Marisa, qui a commencé à tourner en 1960 et qu’on a souvent vue dans des films d’Almodovar. Le rôle de Lucas, le fils de Jaume, est tenu par Alex Brendemühl, un comédien espagnol comme son nom ne l’indique pas. Et puis, le rôle principal, celui de Petra, est interprété par Bárbara Lennie, une comédienne qu’on voit de plus en plus et que, n’en doutons pas, on verra de plus en plus tellement elle crève l’écran dans tous les rôles qu’elle interprète.

En plus de toutes les qualités déjà énumérées, Petra en ajoute deux autres, à mettre au crédit de la française Hélène Louvart, la Directrice de la photographie : une très belle lumière, une très belle photo.

Conclusion

Bien aidé par une distribution très solide et le grand talent de Hélène Louvart, sa Directrice de la photographie, Jaime Rosales nous gratifie d’un film déroutant et passionnant, mêlant la recherche de soi et la rédemption ainsi que la lutte entre le bien et le mal. Une fois de plus, il fait preuve d’une grande inventivité dans sa manière de filmer et il y ajoute, cette fois ci, un montage d’une grande intelligence.

https://www.youtube.com/watch?v=Jx_WXxWFU4Q

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