Cannes 2018, carnet de bord, cinquième partie

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Une affaire de famille (4/5) – Asako (4/5)

Retour sur deux films japonais présentés au sein de la compétition officielle. Deux très grands moments de cinéma, grâce à un nouveau venu et à un habitué de la compétition avec Nobody knows (prix d’interprétation en 2004 pour le jeune Yuya Yagira), Tel père, tel fils (prix du jury en 2013) ou Notre petite sœur, son film le plus marquant à nos humbles yeux. Une affaire de famille (Shoplifters, ou voleurs à la tire, un titre anglais plus explicite) permet à Hirokazu Kore-eda de questionner les liens traditionnels de la cellule familiale, à travers une communauté qui comme et des actes délictueux ou immoraux et reste pourtant attachante. Quelques indices annoncent une vérité qui éclatera à la suite d’un malencontreux incident et perturberont ce qui ressemblait presque au bonheur. Avec une approche plus humaine que frontalement politique, Kore-eda critique une société encline à juger facilement tout en négligeant les vraies tragédies. (voir aussi la critique de Tobias).

Auteur du film fleuve Happy hour d’une durée de cinq heures, primé à Locarno, rebaptisé Senses pour sa sortie en salles, Ryusuke Hamaguchi devrait s’imposer comme l’une des grandes révélations de cette année 2018. Avec Asako, il signe une œuvre magique sur l’amour et sa volatilité. Asako est dévastée lorsque l’énigmatique Baku disparaît sans prévenir, mettant ainsi fin à leur relation fusionnelle. Elle quitte Osaka pour une nouvelle vie et rencontre Ryohei, sosie presque parfait de son ex. Même visage, mais personnalité bien différente. Masahiro Higashide crée deux personnages totalement opposés, l’un trouble et fondamentalement égocentrique, l’autre plus attentif. Impressionnante pour ses débuts, Erika Karata est toujours juste dans l’expression de ses désirs fluctuants. Un conte sentimental mystérieux et émouvant, sans céder à la facilité.

Pauline asservie

Détour par la Semaine de la Critique avec le premier des deux programmes de la compétition de la section. On retiendra surtout trois films sur les cinq présentés, à commencer par Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet. Anaïs Demoustier, jeune femme en vacances à la campagne avec sa meilleure amie, attend désespérément un texto de son amant, un homme marié. Une obsession amoureuse aux dialogues hilarants, portée par une comédienne au débit de mitraillette communicatif. Schächer de Flurin Giger est un home invasion inquiétant et magique, à la mise en scène impressionnante. Un jour de mariage d’Elias Belkeddar est très réussi, mais un brin frustrant, comme s’il était le prologue très réussi d’un long-métrage qui ne le serait pas moins. Le principal protagoniste est Karim, un voyou français en exil à Alger, qui vit de petites combines mais sans grande conviction. Son interprète lui donne une jolie mélancolie, ce qui sied à ce personnage qui nous embarque dans son mal-être le temps d’une journée.

Viré de la Croisette en 2011 après ses propos tenus lors de la Conférence de presse de Melancholia, Lars Von Trier revient en sélection officielle, mais hors-compétition, avec The house that Jack built (3,5/5) où un tueur en série qui met en scène ses meurtres comme s’il signait des œuvres d’art apparaît très vite être l’autoportrait d’un sale gosse du cinéma, capricieux et agaçant qui s’amuse à citer ouvertement ses propres films. Ce qui aurait pu être mot d’excuse destiné à ses accusateurs lui permet de rajouter une couche de provocation rageuse. Le prologue où son double à l’écran, Matt Dillon, est confronté à Uma Thurman, risque de mettre mal à l’aise par sa violence exacerbée, doublée d’une ironie outrée. Lars Von Trier prend soin d’éviter d’être complaisant avec les actes et propos insupportables de cet assassin, à travers le personnage de Verge, joué par le mythique Bruno Ganz. La violence prégnante de cette lente descente aux enfers est à ne pas mettre sous tous les yeux mais son propos est bien plus riche qu’une provocation facile.

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