Critique : Tel Aviv on fire

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Tel Aviv on fire

Luxembourg, France, Israël, Belgique : 2018
Titre original : –
Réalisation : Sameh Zoabi
Scénario : Sameh Zoabi, Dan Leinman
Interprètes : Kais Nashif, Lubna Azabal, Yaniv Biton
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h37
Genre : comédie
Date de sortie : 3 avril 2019

3/5

Cinéaste israélo-palestinien, Sameh Zoabi est dorénavant installé aux Etats-Unis. On lui doit, entre autres, la réalisation de Téléphone arabe, sorti en France en 2012, et l’écriture du scénario de Le chanteur de Gaza, en collaboration avec Hany Abu-Assad, le réalisateur du film. Présenté dans la sélection Orizzonti lors du dernier Festival de Venise, en septembre 2018, Tel Aviv on fire a permis à son acteur principal, Kais Nashif, de remporter le Prix d’interprétation masculine de cette sélection.

Synopsis : Salam, 30 ans, vit à Jérusalem. Il est Palestinien et stagiaire sur le tournage de la série arabe à succès Tel Aviv on Fire ! Tous les matins, il traverse le même check-point pour aller travailler à Ramallah.  Un jour, Salam se fait arrêter par un officier israélien Assi, fan de la série, et pour s’en sortir, il prétend en être le scénariste. Pris à son propre piège, Salam va se voir imposer par Assi un nouveau scénario. Evidemment, rien ne se passera comme prévu.

Plus bel (Tel) Aviv !

Neveu de Bassam, son producteur, Salam a été engagé comme assistant sur le tournage, à Ramallah, de la série palestinienne « Tel Aviv on fire ». Salam, qui vit à Jérusalem, a surtout pour lui sa connaissance parfaite de l’hébreu, un atout dans la mesure où l’action de la série se déroule en 1967, 3 semaines avant la guerre des 6 jours, et met en scène Tala, une espionne arabe chargée de s’introduire auprès de Yehuda, un général israélien.

Bien que considérée par certains comme étant antisémite du fait de ses positions antisionistes (!), cette série palestinienne est très regardée par les israéliens. Alors que Salam occupe une place de plus en plus importante dans  l’écriture du scénario, le choix de la conclusion pose problème à la production : Tala doit-elle privilégier ses sentiments envers Yehuda ou son devoir envers sa patrie ? Sera-t-il ou non possible d’envisager une saison 2 ? En tout cas, pour Bassam, le producteur de la série, un homme qui a participé à la guerre des 6 jours, il est important de rendre sa fierté au peuple palestinien au travers de ce feuilleton. Sauf que cette conclusion risque finalement d’être choisie par le camp adverse car Salam, qui doit passer 2 fois par jour par le check point de Ramallah pour se rendre sur son lieu de travail, se retrouve faire l’objet d’un chantage de la part d’Assi, le responsable de ce check point, la femme de ce dernier étant une grande fan de la série.

Un pari gagné

Pas facile de faire rire avec un sujet doublement inspiré par le conflit israélo-palestinien : inspiré par la situation actuelle avec les check points qui pourissent la vie des palestiniens ; inspiré par la situation d’il y a un peu plus de 50 ans, au moment de la guerre des 6 jours. Pour réussir son coup, deux ingrédients sont absolument indispensables :  trouver l’angle adéquat et trouver un personnage principal qui puisse engendrer le rire tout en étant attachant. Avec ce jeu de miroir entre les scènes de la vie réelle et celles tournées pour le feuilleton, la première partie du contrat est parfaitement remplie. Quant à Salam, grand adolescent de 30 ans vivant toujours chez sa mère, ses maladresses et son immaturité ne peuvent que prêter à rire, son côté rêveur le rendant d’autant plus attachant. A ces deux ingrédients indispensables, viennent s’ajouter, entre autres, le personnage et le comportant un brin loufoque d’Assi, le responsable du check point de Ramallah.

Reste une inquiétude que pourra avoir le spectateur potentiel : ce film israélien réalisé par un arabe israélien et ayant comme sujets le conflit israélo-palestinien et la situation actuelle, va-t-il se montrer très engagé, voire d’un manichéisme outrancier ? En fait, la charge, si charge il y a, est plutôt légère : elle se concentre sur le problème posé aux palestiniens par les check points dans leur vie de tous les jours et sur la vision assez furtive du fameux mur qui sépare les territoires. On peut aussi voir dans le comportement de l’israélien Assi, cherchant imposer au palestinien Salam l’écriture d’un scénario qui aille dans le sens qui lui convient, une dénonciation de la difficulté qu’auraient les palestiniens à créer une œuvre libre, mais ce serait oublier les nombreux réalisateurs israéliens qui, jusqu’à présent (mais pour combien de temps encore ?) ont réussi à dénoncer dans leurs films la façon dont leur état traite les palestiniens. En fait, Tel Aviv on fire, en montrant, sous la forme d’une comédie satirique, l’absurdité d’un certain nombre de situations, est un film dont l’engagement principal consiste à se situer du côté de la paix. Dommage, toutefois, que son excellent scénario soit quelque peu gâché par une réalisation souvent trop molle.

Une très bonne distribution

On va répéter que Kais Nashif, l’interprète du rôle de Salam, a obtenu en septembre dernier le prix d’interprétation masculine de la sélection Orizzonti de la dernière Biennale de Venise. On se contentera d’ajouter que cette distinction est méritée, l’acteur excellant à amener son rôle sur les chemins de la maladresse et d’une certaine forme de rêverie. A ses côtés, le comédien Yaniv Biton, connu en Israël pour ses prestations de stand-up, campe un succulent Assi, un militaire quelque peu barré. On ne manquera pas, aussi, d’évoquer le plaisir qu’on a à retrouver la comédienne belge Lubna Azabal, irrésistible dans son rôle d’espionne arabe.

Conclusion

C’est forcément avec un mélange de curiosité et de circonspection qu’on se dirige vers une comédie prenant comme sujet le conflit israélo-palestinien : curiosité de pouvoir rire à propos d’une situation qui, normalement, depuis le temps, ne peut que contribuer à prolonger une grande et longue déprime ; inquiétude de se retrouver face à un film outrageusement militant et manichéen, que ce soit d’un côté ou de l’autre. En fait, Tel Aviv on fire s’avère être une comédie sympathique, basée sur un excellent scénario mais dont on peut regretter que la réalisation manque souvent de vitalité.

 

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