Test Blu-ray : Harlots – Saison 1

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Harlots – Saison 1

 
 
Royaume-Uni, États-Unis : 2017
Titre original : –
Créatrices : Moira Buffini, Alison Newman
Acteurs : Samantha Morton, Lesley Manville, Jessica Brown Findlay
Éditeur : Koba Films
Durée : 6h00 environ
Genre : Série TV, Historique
Date de sortie DVD/BR : 20 mars 2019

 

Londres, 1763. La ville est en plein essor. Malheureusement, les femmes n’ont toujours que deux choix pour survivre : le mariage ou la prostitution. Deux maisons closes, tenues par des femmes que tout oppose, se livrent à une guerre sans merci pour attirer les faveurs de ces messieurs…

 


 

La saison

[4/5]

Le fil rouge du premier épisode de la série Harlots, et l’élément « clé » à l’origine du show créé en 2017 par Alison Owen et Moira Buffini, est une publication britannique annuelle tirée à environ 8000 exemplaires entre 1757 et 1795 : le Harris’s list of Covent Garden ladies. Et si à la découverte de l’épisode inaugural, le spectateur pourra peut-être un temps penser que la lecture que font les héroïnes est tirée d’un journal intime un peu honteux, on se rendra cela dit assez vite à l’évidence : le Harris’s était un « guide » plutôt pris au sérieux, mais un guide touristique d’un genre un peu particulier : il recensait en effet les prostituées du quartier de Covent Garden à Londres. Édité en format de poche, ce « Guide Michelin du bordel » était vendu à prix relativement modique (deux shillings et des brouettes), et chaque numéro répertoriait entre 120 et 190 prostituées officiant dans le quartier ou dans ses environs. Bien sûr, à la manière de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « Guide du routard » (plutôt un guide du queutard en l’occurrence !), le Harris’s list of Covent Garden ladies fournissait de précieux renseignements pour chacune des prostituées répertoriées, avec une description physique et un inventaire des pratiques sexuelles proposées. Si cette série de publications ne remonte qu’à 250 ans environ (elle est contemporaine des années de naissance de William Blake ou Jane Austen), elle apparaît cependant aujourd’hui comme le fruit d’une époque révolue, et nul n’aurait de nos jours l’outrecuidance d’envisager la parution d’un tel compte-rendu de « terrain » envisageant les femmes comme des produits de consommation courante – hormis peut-être un étudiant en médecine ou un champion de natation en goguette.

Or, le Harris’s a bel et bien existé, et pour ceux que ça intéresse, l’historienne britannique Hallie Rubenhold a d’ailleurs consacré deux ouvrages sur le sujet en 2005 : « Harris’s List of Covent Garden Ladies : Sex in the City in Georgian Britain », qui s’avère une compilation des descriptions les plus croustillantes issues des différents guides, ainsi que « The Covent Garden Ladies : Pimp General Jack & the extraordinary story of Harris’s List », gros pavé de 320 pages revenant quant à lui sur la création du guide et la personnalité des principaux protagonistes impliqués dans sa publication. Et aujourd’hui, le Harris’s sert de base improbable à une série TV, Harlots, co-produite entre le Royaume-Uni et les États-Unis. La volonté de la série est claire : il s’agit ici de dépasser le manuel sexiste et de dresser de ces prostituées présentées telles de simples « références » sur un catalogue une série de vrais « portraits de femmes » imaginés à partir de leurs descriptions on ne peut plus réductrices. C’est là que l’on pourra repérer, malgré le défilé de corps dénudés et de croupes rebondies qui ne manqueront pas d’appâter l’adolescent en rut, la réelle dimension « féministe » de la série, créée, produite, écrite et réalisée quasi-uniquement par des femmes, et dont le public cible est bel et bien également plutôt féminin. Si la présence de Jessica Brown Findlay au casting nous fera, automatiquement, dresser une batterie de passerelles mentales entre Harlots et Downton Abbey, ces comparaisons ne feront pas long feu à la découverte de la première saison de Harlots, tant l’atmosphère est différente entre les deux shows. Dans les deux cas, on notera un attachement certain à dépeindre des personnages nettement plus complexes qu’ils n’y paraissent à priori, et dans les deux cas, la reconstitution historique est remarquable, et constitue un des points forts de la direction artistique de l’ensemble, mais c’est tout – on navigue ici au cœur de deux univers quasiment opposés l’un à l’autre, d’autant que la bande originale de Harlots joue la carte du décalage, avec des morceaux pop-rock complètement anachroniques par rapport à ce qui nous est montré, mais « So Sofia Coppola » dans l’esprit. La reconstitution historique est par ailleurs très soignée, le générique tout simplement superbe (on a d’ailleurs tendance à penser qu’on en apprend beaucoup sur une série rien qu’en regardant son générique), et l’ensemble met en avant une certaine idée de violence sociale, très intéressante et vraiment déprimante dans la façon dont elle met en lumière certaines inégalités et dysfonctionnements judiciaires liés aux différences de classe.

 

 

Série chorale, mettant en scène, à la façon d’Orange is the new black, une douzaine de personnages dont les destins et les histoires personnelles se croiseront au fil des épisodes, Harlots nous propose tout de même un personnage central à la narration, autour duquel graviteront tous les autres : il s’agit bien sûr de celui de Margaret Wells, incarnée à l’écran par l’excellente Samantha Morton, mère maquerelle cherchant à monter sur l’échelle sociale en se servant de ses filles Charlotte (Jessica Brown Findlay) et Lucy (Eloise Smyth). La philosophie de Margaret est simple : dans la société britannique au cœur de laquelle elle évolue, l’argent semble le seul et unique moyen pour une femme d’accéder au pouvoir et, surtout, à une certaine idée de « liberté ». Comme quoi, si certaines choses ont évolué en 250 ans, certaines autres restent à peu de choses près les mêmes…

Habituée aux rôles ambivalents et difficiles, Samantha Morton confère vraiment une réelle « humanité » au personnage de Margaret, qui s’impose autant comme une redoutable femme d’affaires que comme une mère (réelle ou de substitution selon les filles), avec ce que cela peut sous-entendre en termes d’affection (voire d’amour) et de protection, quelles que soient les manœuvres qu’elle entreprend. La traditionnelle image de « la maman et la putain », personnifiée en un personnage aux décisions parfois borderline, utilisant ses filles et le pouvoir que représente le sexe, manœuvrant dans l’ombre, manipulant les autres dans le but d’arriver à ses fins.

Car comme Dallas, le bordel est un univers impitoyable, où les maisons rivales se livrent une guerre sans merci, et cette première saison d’Harlots s’efforce de proposer au spectateur une peinture assez fidèle des différentes magouilles et autres rapports de force qui peuplent ce monde cruel, où tout n’est qu’apparences et mensonges. D’ailleurs, qu’il s’agisse d’illustrer les différences de classe ou les rapports hommes / femmes, le show s’avère d’une brutalité sans concession : tout ne semble être qu’abus de pouvoir et d’autorité, le portrait est extrêmement noir, d’une violence sociale extrêmement dérangeante. L’ambiance est d’ailleurs parfois tellement lourde au fil des huit épisodes de cette première saison que les arcs narratifs les plus légers de la série manquent sans doute un peu d’air pour s’exprimer de façon satisfaisante : on aura par exemple du mal à imaginer une issue favorable à l’idylle se nouant entre le personnage de Jessica Brown Findlay et celui incarné par Rory Fleck Byrne. Bien sûr, le show n’est pas dénué d’humour, mais ce dernier est souvent noir, et de plus en plus cynique, amer, au fur et à mesure que les épisodes avancent. Puissants et immersifs, les huit épisodes de cette première saison ne nous donneront au final qu’une seule frustration : celle de ne pouvoir découvrir derechef les épisodes de la saison 2, qui mettent en scène Liv Tyler… mais qui ne seront disponibles chez Koba Films qu’à partir du 5 juin !

 

 

Le coffret Blu-ray

[4/5]

C’est donc Koba Films qui nous propose aujourd’hui de découvrir la première saison d’Harlots au format Blu-ray, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’éditeur a vraiment soigné sa copie : le résultat est superbe, définition au taquet, piqué d’une précision redoutable, couleurs éclatantes de naturel… L’encodage qui nous est ici proposé en Bleu nous offre un spectacle visuel de toute beauté, composé de tableaux poétiques s’imposant comme autant de superbes images d’époque en mode « réaliste », un peu crado et naturaliste, en tous cas éloigné de toutes les images d’Epinal que l’on peut avoir en tête concernant le XVIIIème Siècle. Les épisodes sont proposés en 1080i, mais on suppose que cela correspond au format de diffusion TV. En deux mots, la définition est magistrale, irréprochable, avec un léger grain préservé et des scènes nocturnes admirablement gérées : un superbe boulot technique. Même constat d’excellence pour les pistes sonores, VF et VO étant encodées en DTS-HD Master Audio 2.0 : équilibrés et relativement dynamiques, les deux mixages proposent une répartition et un placement des voix très subtil, et le tout délivre une parfaite efficacité. On notera que l’absence de bande-son en 5.1 ne nous étonne guère, nos voisins anglais étant d’une manière générale plutôt allergiques à la spatialisation de leurs séries.

Du côté des suppléments, on trouvera un passionnant entretien avec les deux créatrices du show, Alison Newman et Moira Buffini (10 minutes environ). Elles y évoqueront leur découverte du Harris’s list of Covent Garden ladies, les sessions d’écriture à un rythme échevelé, la vie des femmes à l’époque georgienne et notamment la « confession d’Ann Duck » qui les a beaucoup inspiré ou encore l’influence Shakespearienne concernant la lutte entre les deux maisons closes et l’importance / influence qu’ont pu avoir les acteurs sur leurs personnages. On continuera ensuite avec trois featurettes réunies sous le nom de « Secrets de tournage » (13 minutes environ), qui nous proposera de découvrir l’envers du décor avec des focus sur les costumes (et la façon dont on oppose même d’un point de vue formel la maison Wells et la maison Quigley), les maquillages (et tout particulièrement celui de Lesley Manville) et enfin les décors de la série, dont nous découvrirons qu’ils ont quasiment tous été construits au même endroit. Captivant !

 

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