Jason et les argonautes
Royaume-Uni : 1963
Titre original : Jason and the Argonauts
Réalisation : Don Chaffey
Scénario : Jan Read, Beverley Cross
Acteurs : Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h44
Genre : Péplum, Fantastique
Date de sortie cinéma : 9 octobre 1963
Date de sortie DVD/BR : 18 février 2019
Pour reconquérir le royaume dont son demi-frère a usurpé le trône, Jason se lance dans la quête de la Toison d’Or. A bord de l’Argos dans lequel embarquent les meilleurs marins et guerriers, il met le cap sur une terre lointaine et dangereuse d’accès. S’il bénéficie de l’aide de certains dieux de l’Olympe, d’autres, par contre, dressent devant lui des créatures et monstres qui défient l’imagination : des squelettes encore très vivants, un titan de bronze, des harpies, un dragon a sept têtes…
Le film
[5/5]
Plus de cinquante ans après sa sortie, l’éclat de Jason et les argonautes (1963) reste inchangé : il s’agit assurément de l’un des grands films d’aventures de tous les temps : un de ces chefs d’œuvres sur lesquels le temps semble n’avoir aucune emprise. Cela dit, quand on évoque le film, on ne retient, le plus souvent, que le nom de Ray Harryhausen, à qui l’on doit les nombreux monstres et séquences les plus impressionnantes de Jason et les argonautes. Néanmoins, on notera que cette fantaisie mythologique a été mise en scène par Don Chaffey, et que le cinéaste britannique n’est pas éternellement resté dans l’ombre du maestro des effets spéciaux : on lui doit notamment la réalisation de quelques films pour la Hammer (dont Un million d’années avant J.C., à nouveau avec Harryhausen aux effets spéciaux), ou encore de Charley le borgne (1973) ou du détestable Peter et Elliott le dragon (1977). Des films qui ont contribué à lui donner un « nom » dans le cœur des cinéphiles, contrairement à l’écrasante majorité des cinéastes ayant travaillé avec Ray Harryhausen.
Il faut d’ailleurs avouer que Don Chaffey s’en sort particulièrement bien derrière la caméra : la capacité du film à traverser les décennies n’est pas sans rapport avec la capacité du cinéaste à insuffler à son récit un rythme et un souffle qui rendent les aventures de Jason pour le moins excitantes, le spectateur se révélant finalement véritablement emballé par l’histoire lui étant contée, et non seulement par les effets spéciaux, qui contribuent néanmoins certes à le distinguer durablement des autres péplums tournés à l’époque, si sympathiques soient-ils. Mieux encore, Jason et les argonautes constitue un excellent exemple de la grandeur cinématographique classique que les studios étaient capables de déployer dans les années 60 : le récit est en effet plein de rebondissements, et développe tout au long de son évolution un souffle épique doublé d’une époustouflante « vision » de cinéma : le film bénéficie qui plus est d’une mise en scène précise et réfléchie, d’une interprétation solide et surtout d’un rythme littéralement implacable – l’équilibre parfait entre le fond et la forme : un spectacle à la fois passionnant et visuellement grandiose.
Très classique dans son déroulement, le scénario du film de Don Chaffey suit la quête de la « Toison d’or » par Jason et le groupe de personnages qui l’accompagnent. Cet objet mythologique est présenté comme ayant « le pouvoir de guérir, de rétablir la paix et de débarrasser le pays de la peste et de la famine » : il s’agit là d’une rengaine certes familière dans le monde du divertissement, que cela soit dans le cinéma ou la littérature, mais elle dénote d’une certaine « universalité », et fera écho à de nombreux autres objets sacrés de la culture populaire, tels que le St Graal, l’arche d’alliance, les pierres d’Infinité, la lampe magique ou les fameux anneaux de pouvoir créés par Tolkien. Cette quête est parfaitement mise en place dans Jason et les argonautes, l’histoire est bien pensée, avec beaucoup d’action et plusieurs éléments surnaturels parfaitement exploités par le réalisateur Don Chaffey, qui jongle habilement avec les divers éléments narratifs afin de tisser un ensemble rythmé, véritable modèle de construction qui, contrairement à de nombreux films sur lesquels a pu travailler Ray Harryhausen, permet au film de ne jamais baisser de régime lors des séquences sans monstres ou effets spéciaux.
Mais comme on l’a déjà évoqué un peu plus haut, c’est « l’équilibre » parfait entre la narration et la splendeur visuelle des trucages signés Harryhausen qui font probablement de Jason et les argonautes le film le plus représentatif de l’Art de ce concepteur d’effets spéciaux de génie, et celui pour lequel on se rappellera encore de son nom pendant de très nombreuses années. La façon dont ces séquences « servent » le film sans pour autant le vampiriser totalement érige le film de Don Chaffe une véritable merveille du genre, d’autant que le travail de Harryhausen est de plus soutenu par des costumes et des décors vraiment exceptionnels.
Le Coffret Blu-ray + DVD + Livre
[5/5]
Il y a des choses qui, immanquablement, nous rappellent à notre triste condition d’être humain, et au temps qui, immuablement, ne cesse de s’écouler, contre vents et marées. Ainsi, à l’occasion de la sortie de cette édition Collector Blu-ray + DVD + Livre de Jason et les argonautes chez Sidonis Calysta, quelle ne fut pas notre stupéfaction en nous rendant compte que l’édition DVD précédente du film venait de fêter ses… 20 ans. Vingt ans donc que vous avez probablement cette antique édition de chez Sony Pictures sur vos étagères – vingt longues années, putain. Alors que vous vous remémorez probablement d’avoir enregistré le film lors de son passage sur Canal+, dans le « Cinéma de quartier » de Jean-Pierre Dionnet. Alors que les formats VHS et Laserdisc ne vous paraissaient peut-être pas non plus appartenir à un passé si lointain… 20 ans. Vingt ans plus tard donc, le chef d’œuvre de Don Chaffey débarque donc dans une belle édition Blu-ray, contenant également un « petit » livre de 152 pages intitulé « Ray Harryhausen, l’enchanteur des effets spéciaux » et signé de la plume de Marc Toullec, pilier historique de la revue Mad Movies.
Le master Blu-ray de Jason et les argonautes, stable et propre, a été restauré et s’affiche aujourd’hui débarrassé de la moindre trace de griffes ou autres poussières. Le grain argentique a été scrupuleusement préservé, la définition est accrue, le piqué précis, contrastes et couleurs sont solides, et le film s’offre une profondeur de champs inédite. Le transfert est indubitablement soigné, et la qualité du travail de l’éditeur ne se dément à nouveau pas du tout, même si, bien sûr, les plans en basse lumière et les plans « à effets » accusent un peu du poids des années ; cela dit, la présentation du film dans son ensemble ne manquera pas de vous étonner. Côté son, on pourra savourer le film soit en version originale soit dans son doublage français d’origine, les deux pistes étant mixées en DTS-HD Master Audio 2.0 et proposant un confort d’écoute optimal, bien que toutes deux soient assez saturées. Clairs et équilibrés, les deux mixages nous vierges de tout parasite, larsen ou autre pétouille sonore. La VO est par ailleurs également proposée en DTS-HD Master Audio 5.1, qui prendra essentiellement son ampleur et révélera un grand dynamisme lors des séquences mettant en scène les monstres et autres créatures. Le reste du temps, on est en présence d’une spatialisation « d’ambiance » plutôt réussie et immersive.
Du côté des suppléments, on commencera tout d’abord avec une présentation du film par Michel Eloy, spécialiste du péplum, qui reviendra sur le film pendant un peu plus d’une demi-heure. Il abordera l’œuvre de Don Chaffey non pas selon un axe purement analytique, mais en le rapportant d’avantage à la mythologie en général. Passionné, il en oublie peut-être un peu le « didactisme » généralement d’usage dans ce genre de présentations, évoquant des concepts et des idées avec lesquels le spectateur ne sera pas forcément familier. On continuera ensuite avec le formidable documentaire Ray Harryhausen : Le Titan des effets spéciaux (Gilles Penso & Alexandre Poncet, 2011), qui s’avère une exceptionnelle déclaration d’amour à Harryhausen et rassemble sur un peu plus d’une heure trente des entretiens avec le maestro, des images de tournage et autres archives rares et passionnantes. Le tout est entrecoupé d’interventions de noms absolument immenses du cinéma contemporain, de James Cameron à Steven Spielberg en passant par Peter Jackson, Tim Burton, Joe Dante, John Landis, Guillermo Del Toro ou Terry Gilliam… entre autres ! Déjà disponible depuis quelques années en DVD sous les couleurs de Rimini Editions, cet extraordinaire documentaire atterrit donc finalement au cœur de cette sublime édition Collector de Jason et les argonautes, probablement suite à un arrangement entre Jean-Pierre Vasseur (Rimini) et Alain Carradore (Sidonis), deux grands passionnés de cinéma désireux de livrer au consommateur français l’édition la plus belle et la plus complète possible. On terminera le tour des bonus avec la traditionnelle bande-annonce d’origine et une série de spots TV.