Berlinale 2019 : The Shadow Play

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The Shadow Play

Chine, 2017

Titre original : The Shadow Play

Réalisateur : Lou Ye

Scénario : Mei Feng, Qiu Yujie & Ma Yingli

Acteurs : Jing Boran, Song Jia, Qin Hao, Ma Sichun

Distribution : –

Durée : 2h05

Genre : Policier

Date de sortie : –

1,5/5

Ça y est, nous avons désormais dépassé le point de non retour de notre couverture du Festival de Berlin. La fatigue s’accumule. Les films se confondent dans notre mémoire cinématographique. Et encore, nous n’en sommes pas aux vingt, trente, voire quarante films consommés en quelques jours à peine par certains confrères. Comment ils font ?! Il y a donc des motifs et des figures qui reviennent, qu’on a déjà vus dans d’autres films ces derniers jours. Était-ce hier, avant-hier ? On ne sait plus. Un couple qui fait l’amour à la sauvette en pleine nature, un cadavre abandonné qui n’a pas l’air d’intéresser grand monde, un objet pointu – un couteau dans notre film précédent, des ciseaux ici – à l’usage détourné, une jeune femme qui susurre langoureusement toutes ses peines dans une chanson triste. Présenté dans la sélection du Panorama, The Shadow Play aurait pu être le film qui résume tout ce que l’on a vu jusque là. Une formidable occasion de faire le point ou au moins un bilan provisoire dans notre tête, en quelque sorte. Hélas, et les mots assassins nous manquent pour le descendre en bonne et due forme comme seule Pauline Kael savait le faire, le film de Lou Ye doit compter parmi les œuvres les plus pénibles qu’on a eu le privilège de découvrir pendant nos couvertures successives de la Berlinale ! Rien n’y fonctionne, ni le héros, un jeune flic ambitieux, obligé de défendre sa réputation tout en enquêtant sur une affaire dont le point de départ remonte à plusieurs années, ni le ton lourdement accusateur et donc pompeux sur ce fléau de la vie chinoise qu’est la corruption, ni, surtout, le style très marqué du réalisateur, à la caméra chancelante en permanence et au montage criminellement approximatif, plus imbu de lui-même que préoccupé de conter son histoire d’une façon tant soit peu accessible !

© Dream Factory Tous droits réservés

Synopsis : En avril 2014, le promoteur Tang Yijie meurt dans des circonstances étranges, en tombant d’un bâtiment prêt à être démoli, après avoir tenté de calmer les habitants, en colère contre son projet de rénovation urbaine dans un quartier en pleine évolution dans la ville de Guangzhou. Le jeune commissaire Yang Jiadong mène l’enquête. Il découvre alors la vie complexe de la victime : en concurrence financière et romantique avec son associé Jiang Zicheng, Tang était marié avec une femme qui ne l’aimait pas, dont la fille Nuo pourrait ne pas être de lui. Au fur et à mesure qu’il remonte dans le temps et qu’il dévoile les zones d’ombre d’une carrière considérée comme exemplaire dans la Chine d’aujourd’hui, Yang devient à son tour la cible de toutes sortes de calomnies et de guets-apens.

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Quand on n’a rien de bon à dire …

Puisque nous tentons presque toujours d’avoir quelque chose de positif à écrire sur les films que nous choisissons de regarder, on pourrait s’aventurer à dire que le cinéma de Lou Ye est fermement relié au présent à l’état brut. Son esthétique hautement chahutée, voire volontairement laide, s’agite fiévreusement au plus près des personnages, eux-mêmes en chute libre dans des films dépourvus de repères. Ce cahier de charges amplement rempli peut éventuellement s’appliquer avec succès à des histoires où les sentiments priment sur les faits, où le ressenti tortueux des individus a tout loisir de se morfondre dans sa propre misère. Pour un film à l’ambition scénaristique aussi vaste que The Shadow Play, il doit par contre échouer avec fracas, définitivement paumé dans le labyrinthe de trois, quatre, peut-être même cinq niveaux temporaires différents. Combien sont-ils précisément et quelle incidence ont-ils sur le cours de l’intrigue ? Là non plus, on ne le sait pas très bien. L’impression que la narration n’en sait pas davantage, qu’elle s’en moque même un petit peu, est cependant incomparablement plus fâcheuse que notre ignorance de spectateur paumé dans une histoire affreusement bancale.

© Dream Factory Tous droits réservés

… il vaut mieux se taire, non ?

D’emblée, on sent en effet que la mise en scène nous force la main. Elle ne le fait pas pour nous permettre d’acquérir efficacement et à toute vitesse un sens de familiarité avec les personnages, ainsi qu’avec les liens conflictuels entre eux, mais dans le dessein indigeste d’une grande entreprise de fumisterie pseudo-artistique, tape-à-l’œil et artificiellement mélodramatique. Les sauts dans le temps y sont légion, rendus complètement incohérents par des transitions imprécises, censées conférer au film ce qui lui manque cruellement : une virtuosité formelle qui se répercuterait sur le fond. Inversement, les coups de théâtre fabriqués de toutes pièces ne s’agencent jamais avec la carcasse visuelle que Lou Ye agite sans direction apparente. Car même en faisant abstraction de ces innombrables coïncidences suspectes et autres altercations grotesques qui rythment très vaguement le récit, nous n’avons tiré aucun plaisir, mais vraiment aucun, de son aspect plastique, brouillon et prétentieux. C’est donc un échec sur toute la ligne, déplaisant à regarder et à suivre, dans la mesure où ce fait divers gonflé en fiction faussement haletante n’a strictement rien de pertinent à dire ou à dénoncer sur la société chinoise contemporaine. Ah si, avec beaucoup de bonne volonté et d’abstraction, on pourrait y déceler une mise en garde contre le culte du bling-bling, dont ce film raté est paradoxalement l’adepte suprême.

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Conclusion

La Chine n’est guère en bonne position à cette édition-ci du Festival de Berlin. Entre l’un de ses films en compétition déprogrammé à la dernière minute, One second de Zhang Yimou, et ce policier bâclé de Lou Ye montré au Panorama, tous les espoirs de son cinéma reposent désormais sur l’épopée familiale de Wang Xiaoshuai longue de trois heures, projetée en fin de festival. Ce dernier sera logiquement plus intéressant que The Shadow Play, le premier film qu’on a vu depuis longtemps à nous donner l’envie irrépressible de quitter la salle !

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