Escape Game
États-Unis, 2019
Titre original : Escape Room
Réalisateur : Adam Robitel
Scénario : Bragi Schut & Maria Melnik
Acteurs : Taylor Russell, Logan Miller, Jay Ellis, Tyler Labine
Distribution : Sony Pictures Releasing France
Durée : 1h40
Genre : Thriller
Date de sortie : 27 février 2019
3/5
Quand est-ce que le cinéma de genre hollywoodien s’est réellement renouvelé pour la dernière fois ? Depuis un certain temps, l’immense majorité des films d’horreur et autres thrillers de survie ressemble en effet au mieux à des resucées plus ou moins astucieuses de recettes éprouvées depuis le début du siècle, voire plus anciennes. Cette boucle répétitive ne nous gène pas outre mesure, puisque nous ne nous efforçons pas de découvrir de façon exhaustive toutes les productions de ce type que les aléas du marché de la distribution font arriver jusque sur les écrans de cinéma français. En même temps, nous ne nous attendons pas non plus à des miracles cinématographiques, quand on croise l’un de ces produits amplement formatés. Bref, si vos attentes ne sont pas trop élevées, vous pourrez passer un bon moment de frissons en compagnie de Escape Game, un film dont l’intrigue emprunte bon nombre d’éléments à l’univers de Saw et à tous ceux qui s’en sont inspirés depuis bientôt quinze ans. Le film de Adam Robitel fonctionne ainsi plutôt bien, à condition que vous n’analysiez pas trop ses éventuelles motivations idéologiques et autres thèses complotistes sur lesquelles l’intrigue se sent hélas obligée de conclure.
Synopsis : La veille du week-end de Thanksgiving, l’étudiante aussi brillante que renfermée sur elle-même Zoey, le trader ambitieux Jason, le magasinier alcoolique Ben et trois autres personnes reçoivent une boîte mystérieuse, qui les invite à rejoindre un jeu d’évasion hors du commun. Par appât du gain, puisqu’il y a tout de même un lot de dix-mille dollars à remporter, ou par simple goût des défis improbables, tous les invités répondent présent et se retrouvent dans la salle d’attente d’un immeuble anonyme. Alors qu’ils s’impatientent de voir enfin le jeu commencer, ils devront apprendre à leur dépens que le processus sélectif est d’ores et déjà en cours.
Le jeu le plus sympa avec les gens les plus méchants
Sa simplicité apparente est tout à l’honneur de la prémisse de Escape Game, un parcours viscéral dont surtout les personnages ne sortiront pas indemnes. L’impact immédiat sur le spectateur, dû à notre besoin inné de trouver un point d’identification sur lequel projeter nos propres peurs, y a néanmoins tendance à s’amoindrir. Au fur et à mesure que la surface vierge délimitée tout juste au début du film par les traits de caractère caricaturaux des personnages se remplit par le biais d’histoires et de traumatismes personnels, notre investissement affectif s’en détache, le spectacle sanguinaire prenant en quelque sorte la relève d’une crainte plus universelle et diffuse. Avant ce point de basculement, qui intervient au plus tard lorsque l’effet de répétition aura fixé de manière inébranlable les enjeux du récit, aucun dispositif n’est par contre écarté pour orchestrer assez adroitement notre immersion dans la terreur. Du pré-générique en guise d’avant-goût conventionnel des choses horribles et avant tout horriblement injustes à venir, en passant par une présentation successive de la moitié des personnages qui en dévoile juste assez pour que notre intérêt soit titillé à leur sujet, jusqu’aux premiers traquenards jonglant efficacement entre la prise de conscience paniquée du groupe pris au piège et la satisfaction de notre propre sadisme de spectateur, qui pense forcément toujours en savoir un peu plus que les pauvres cobayes sur les épreuves à venir : les ingrédients sont certainement réunis afin de nous faire passer un moment effrayant, ni trop prévisible, ni trop extravagant encore dans l’agencement des instruments de torture psychologique.
Sans issue
Le hic, malheureusement incontournable pour ce genre d’histoire obligé de se terminer tôt ou tard, c’est qu’une sensation de lassitude ne tardera pas à se manifester. Rien de vraiment préjudiciable non plus qui nous ferait relativiser amèrement le capital de bienveillance accumulé par une première partie plus réussie, juste le sentiment qu’à force d’aménager à la fois une conclusion platement explicative et une porte de sortie en lien direct avec une suite programmée peut-être prématurément, les scénaristes courent le risque de perdre de vue l’essentiel : l’horreur à l’état pur, sans logique, ni raison. Curieusement, le sort des personnages nous importe alors de moins en moins, à chaque étape où la pression croissante du processus d’élimination aurait dû faire en sorte que, à l’inverse, leur survie nous tienne de plus en plus à cœur. L’interprétation des acteurs, globalement plutôt méconnus mais quand même bien choisis pour incarner avec conviction des stéréotypes prêts à être sacrifiés, y est moins pour quelque chose que la dynamique dramatique du récit. Ce dernier a en effet l’air de se contenter progressivement de mettre en valeur le mode opératoire des différents décors, au détriment de quelques échanges plus sophistiqués que ce soit au sein du groupe de survivants, au nombre dangereusement en baisse.
Conclusion
Vous n’y échapperez pas, à l’engrenage d’un plan diabolique et passablement ingénieux, représentatif du phénomène à la mode des jeux d’évasion ! Pas davantage d’ailleurs qu’aux règles fâcheusement inertes du cinéma de genre américain, toujours capables de nous fournir des divertissements parfaitement calibrés, ce que Escape Game est pour la majeure partie de sa durée, et en même temps complètement désarmées lorsqu’il s’agit de sortir tant soit peu des sentiers balisés par des dizaines, voire des centaines de films semblables qui l’ont précédé.