Critique : Les Cinq secrets du désert

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Les Cinq secrets du désert

États-Unis, 1943

Titre original : Five Graves to Cairo

Réalisateur : Billy Wilder

Scénario : Charles Brackett et Billy Wilder, d’après la pièce de Lajos Biro

Acteurs : Franchot Tone, Anne Baxter, Erich von Stroheim

Distribution : Paramount Pictures

Durée : 1h36

Genre : Guerre

Date de sortie : 29 novembre 1946

3/5

Un film tourné en plein conflit armé par l’une des parties adverses et qui a pour arrière-plan cette même guerre revêt forcément une dimension de propagande. Perçu à l’époque par bon nombre de peuples opprimés comme une brillante lueur d’espoir vers laquelle se tourner, le cinéma hollywoodien ne fait pas exception à la règle, puisqu’il a produit d’innombrables pamphlets anti-nazis au cours de la Deuxième Guerre mondiale. La plupart de ces films sommeillent au fin fond des archives des institutions en charge de la sauvegarde du patrimoine cinématographique. Le fort accent mis sur leur propos partisan les date irrémédiablement, sans y laisser un attrait particulier par leurs valeurs intrinsèquement filmiques pour un public contemporain. Les Cinq secrets du désert est a priori de ceux-là. Le deuxième film tourné par Billy Wilder dans sa nouvelle patrie américaine répond amplement aux prérequis d’une charge vigoureuse contre ces vilains Allemands, appelés selon eux à régner sur le monde, mais finalement trop vaniteux et bêtes pour mettre complètement à exécution leur dessein. Les cartes ne sont effectivement pas distribuées de manière équitable dans cette histoire d’espionnage, où l’alliance des victimes fait la force face à des occupants pas toujours ridiculisés à bon escient. Aussi difficile que cela puisse paraître, il faudrait donc faire abstraction de ce coloris tendancieux, qui va de pair avec l’effort de guerre fourni à l’époque sur tous les fronts, pour apprécier ce film pour le divertissement solide qu’il reste néanmoins, trois quarts de siècle après sa sortie.

© Paramount Pictures Tous droits réservés

Synopsis : En 1942, l’armée britannique bat en retraite face à l’assaut des divisions allemandes sous le commandement du maréchal Rommel en Afrique du Nord. L’unité de tanks du caporal anglais John Bramble a été anéantie et le rescapé arrive à se traîner avec ses dernières forces jusqu’à une bourgade, où le gérant de l’hôtel Farid et la femme de chambre Mouche l’accueillent contre leur gré. Car l’armée allemande, les nouveaux maîtres des lieux, ne tarde pas à débarquer et à s’installer à l’hôtel. Dans le mince espoir d’avoir la vie sauve, Bramble se fait passer pour Paul Davos, le serveur alsacien boiteux, tué dans un bombardement la veille. Il pense même pouvoir freiner tant soit peu l’avancée de l’ennemi, en commettant un attentat contre le maréchal Rommel, le locataire prestigieux de l’hôtel. Or, les fonctions troubles de l’homme dont il a usurpé l’identité vont peut-être lui permettre de porter un coup encore plus fatal à l’ennemi redouté.

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Tenir le mauvais côté du bâton

Plus de quinze ans après la mort de Billy Wilder, sa réputation en tant que l’un des meilleurs réalisateurs de son époque a beau rester intacte, il y a certains aspects de sa filmographie qui nous posent plus ou moins problème. Notamment du côté de l’humour, puisque la manifestation purement comique de ce dernier fonctionne sensiblement moins bien de nos jours que ses variations plus acerbes, proches de la satire cinglante. Ainsi, dans Les Cinq secrets du désert, les personnages secondaires dont la seule et unique raison d’être consiste à apporter un peu de légèreté présumée sont beaucoup trop nombreux. L’inquiétude maladive du gérant – un type de rôle atrocement stéréotypé dont Akim Tamiroff avait fait son fond de commerce exclusif dès les années 1940 – tout comme la jovialité de l’officier italien, par ailleurs la cible répétée d’une moquerie de plus en plus lourde, sont autant d’éléments annexes qui n’apportent strictement rien à la tension dramatique du récit. Pire encore, ils parasitent irrévocablement le ton d’un film, qui ne sait par conséquent plus trop sur quel pied danser : celui de la comédie aux relents xénophobes archaïques ou bien celui de l’aventure héroïque, où tous les subterfuges sont bons pour vaincre l’ennemi. Au moins, ce dernier, malgré toute sa mégalomanie arrogante dans les hautes sphères de la hiérarchie militaire et ses abus de pouvoir malsains à un niveau subalterne, s’en sort avec une certaine noblesse de la démesure, aussi grâce à l’interprétation impériale de Erich von Stroheim, sensiblement moins machiavélique lors de sa collaboration suivante avec le réalisateur dans Boulevard du Crépuscule, et celle, plus modeste, de Peter Van Eyck.

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Les frustrations de la gente masculine selon Billy Wilder

Apparemment, Cary Grant aurait dû jouer le rôle du soldat presque littéralement parachuté dans un nid de vipères duquel il ne pourra sortir qu’au prix d’un courage patriotique hors pair. Même si l’acteur n’avait pas encore tout à fait acquis à l’époque son aura de charmeur suprême, nous sommes finalement contents que les coïncidences hollywoodiennes en aient décidé autrement. Car cet apprenti héros est avant tout un homme ordinaire, certes trop beau sous les traits de l’ancien jeune premier Franchot Tone, nullement aguerri à l’art de l’espionnage, quoique prêt à en apprendre les rouages sur le tas et dans un délai très court. Son statut de serviteur éclopé fait de lui l’observateur idéal, un personnage hors jeu socialement et romantiquement parlant, dont l’action influera pourtant sur les prises de conscience des uns et sur l’amer éveil de la déception des autres. C’est d’ores et déjà un agent redoutable de la passivité, comme il y en aura tant d’autres – admettons-le plus mémorables que lui – dans les films ultérieurs de Billy Wilder. Sauf que les impératifs du genre, surtout en temps de guerre, relativisent son emploi de souffre-douleur docile, faisant alors de lui un protagoniste presque entreprenant. Cependant, il est réduit in extremis à déclamer un discours de propagande pure et dure, au lieu de serrer son alliée de moins en moins récalcitrante dans ses bras, une Anne Baxter qui pourrait se targuer d’être la seule à tenir un rôle à peu près ambigu dans cette intrigue outrancièrement manichéenne.

© Paramount Pictures Tous droits réservés

Conclusion

Les débuts à Hollywood n’étaient pas forcément aisés pour Billy Wilder. Le réalisateur a en effet tardé à y imposer sa vision du monde, cynique mais parfois oh si jubilatoire, comme dans son film suivant, le magistral Assurance sur la mort. Les Cinq secrets du désert est donc en quelque sorte un dernier film de commande, une œuvre aussi consciencieuse dans la transmission d’un message teinté de propagande que soignée dans l’agencement d’un suspense d’espionnage conventionnel. Parmi les films semblables de son époque, il fait preuve d’un savoir-faire solide et hélas pas si discrètement au service d’une tâche nationale, à laquelle le cinéma se devait d’apporter sa pierre.

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