Test Blu-ray : Mais qu’avez-vous fait à Solange ?

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1990

Mais… qu’avez-vous fait à Solange ?

Italie : 1972
Titre original : Cosa avete fatto a Solange ?
Réalisation : Massimo Dallamano
Scénario : Bruno Di Geronimo, Massimo Dallamano
Acteurs : Fabio Testi, Cristina Galbó, Karin Baal
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h47
Genre : Thriller, Giallo
Date de sortie cinéma : 1 mars 1973
Date de sortie Blu-ray : 1 août 2022

La stupeur frappe Londres suite au meurtre sauvage d’une collégienne dans un petit bois au bord de la Tamise. Présents sur les lieux au moment des faits, Enrico Rossini et Elizabeth Seccles, respectivement professeur d’italien et lycéenne dans le même établissement que la victime, entretiennent une liaison. Tandis que l’enseignant mène sa propre enquête, l’assassin traque sa prochaine victime… Elizabeth !

Le film

[4/5]

Grâce à sa sortie en DVD en 2006 sous les couleurs de Neo Publishing, Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? est probablement l’un des Gialli les plus célèbres et les plus populaires auprès des cinéphiles français. On ne peut d’ailleurs globalement que saluer la mémoire de cet éditeur, disparu en 2010, qui a globalement plutôt bien contribué à remettre sur le devant de la scène des genres qui étaient, à l’époque, honteusement sous-exposés en vidéo (Giallo, Poliziottesco…).

En plus de sa sortie au format DVD, une poignée de chanceux avaient pu (re)découvrir Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? en 2011, lors de la quatrième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. Voici ce que l’auteur de ces lignes en disait à l’époque, sur un site concurrent :

« Petit plaisir déviant projeté dans le cadre du cycle Edgar Wallace, le film de Massimo Dallamano s’avère finalement toujours aussi plaisant, dans ses horreurs graphiques, son érotisme racoleur (ce plan séquence sous la douche !) et ses exagérations désuètes mais souvent amusantes. Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? nous a de plus été projeté dans une copie très abîmée, pleine de griffes / poussières et aux couleurs tellement dénaturées et tendant vers le rose qu’on avait l’impression de le visionner à travers une peau de couille, ce qui en rajoutait dans le côté « grindhouse » de la projo. »

Bien sûr, grâce aux efforts éditoriaux et techniques du Chat qui fume, on mettra cette fois de côté l’aspect « peau de couille » de l’image : sans déflorer outre mesure la partie technique de cette page, on peut déjà vous affirmer que Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? retrouve ici en Blu-ray toute sa fraîcheur originelle. Pour le reste, onze ans après avoir revu le film, le ressenti esthétique sur le film de Massimo Dallamano reste absolument le même : il s’agit d’un excellent Giallo, et on va s’efforcer de vous en évoquer les qualités de façon un peu moins lapidaire que par le passé.

Pour ceux qui l’ignoreraient, Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? est donc adapté d’un roman d’Edgar Wallace, paru en 1923 au Royaume-Uni, et sorti en France sous le titre « Les deux épingles » en 1930. Ce que l’on sait encore moins en général, c’est que le roman en question avait déjà connu deux adaptations cinématographiques avant de devenir un des fleurons du Giallo. La première adaptation est intitulée Le Secret de l’épingle (Arthur Maude, 1929) : il s’agit du tout premier long-métrage britannique entièrement parlant, et de l’un des dix films tournés en utilisant le « British Phonotone », qui synchronisait le son et l’image par le biais de disques de 12 pouces (30 cm). Il y eut ensuite un deuxième film, également intitulé Le Secret de l’épingle (Allan Davis, 1961), ce qui s’avère logique si l’on considère que le titre original du roman de Wallace était « The Clue of the New Pin ».

Le critique et réalisateur Michael McKenzie, passionné par la question du genre dans le Giallo, a également théorisé en 2015 que Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? pouvait être considéré comme le premier volet d’une trilogie de Massimo Dallamano consacrée aux « Écolières en péril » (« schoolgirls in peril »), et bien entendu centrée sur la représentation de la violence sur des adolescentes. Le deuxième volet de cette trilogie serait La Lame infernale (1974), et le troisième Énigme rouge (Alberto Negrin, 1978), qui avait été écrit par Dallamano, et qui devait le tourner, mais le cinéaste est malheureusement décédé avant le tournage. Cette réflexion sur la violence faite aux enfants / adolescents pourrait éventuellement être étendue à d’autres Gialli de l’époque, tels que Qui l’a vue mourir ? (Aldo Lado, 1972) ou La Longue nuit de l’exorcisme (Lucio Fulci, 1972).

Une des particularités du Giallo, qui est probablement due à sa nature européenne (et par conséquent souvent un peu plus explicite d’un point de vue thématique par rapport aux films américains de la même période), est d’ailleurs de sous-entendre de façon claire que les jeunes filles de la période post-68 sont sexuellement actives à un âge précoce, allant parfois même jusqu’à faire s’adonner de très jeunes filles à la prostitution. Voilà une idée sordide qui, bien sûr, donne des Frissons d’horreur (lire notre article) à beaucoup de pères ayant du se résoudre à inscrire leurs filles à l’école publique plutôt que de les envoyer au couvent, et qui se retrouve au cœur de Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ?, même si le film dépassera ce parti pris pour plonger le spectateur au cœur d’un whodunit très solide.

Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? fait preuve, sur toute sa durée, d’une certaine cruauté et d’une foutue complaisance vis à vis des jeunes filles que l’intrigue met en scène, qui se retrouvent en danger non pas en raison de leur « innocence » enfantine, mais à cause de leur propre comportement. Bien entendu, on pourra toujours arguer du fait que le fait de voir la sexualité de ces jeunes filles punie à l’écran développe surtout une morale extrêmement réactionnaire, mais le fait est que Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? décrit AUSSI le personnage d’Enrico, le professeur incarné par Fabio Testi dans le film, comme un véritable prédateur sexuel – il suffit de voir les regards qu’il jette aux jeunes passantes à l’issue de la première séquence du film, alors qu’Elizabeth (Cristina Galbó) vient de se refuser à lui, pour comprendre qu’il est un amateur de chair fraîche.

Sans trop en révéler sur les rebondissements de l’intrigue, l’attrait du professeur pour les adolescentes deviendra bientôt public, ce qui l’amènera à se confesser auprès de sa femme Herta (Karin Baal), dans l’espoir qu’elle s’associe à lui pour comprendre ce qui se passe. Comme on pouvait s’y attendre, les meurtres sont tous commis dans l’école où travaille le professeur, et ce dernier découvrira bientôt un secret bien gardé, partagé par un grand nombre de filles du lycée. Vous l’aurez compris, Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? dépasse le simple cadre du whodunit ou du Giallo, si stylisé soit-il, en abordant de front une certaine réalité sociale. A l’inverse d’un Lucio Fulci qui, la même année, nous plongeait dans les superstitions d’un autre âge qui régnaient au cœur des Pouilles dans La Longue nuit de l’exorcisme, Massimo Dallamano choisit de s’attarder sur la face cachée de la bourgeoisie Londonienne, où les étudiantes ne sont pas les anges d’innocence qu’elles semblent être.

Le contraste est d’autant plus saisissant qu’au cœur de l’école au centre de l’intrigue de Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ?, le corps professoral est présenté comme sympathique et ouvert d’esprit : on est loin des humiliations scolaires et des préceptes religieux radicaux mis en scène par d’autres films à la même époque. Même quand l’idylle qui liait Enrico et Elizabeth est révélée au grand jour, le proviseur du lycée (Günther Stoll) se montrera compréhensif, presque fraternel vis à vis de son collègue. Même son de cloche du côté de la police (représentée par l’inspecteur Barth, interprété par Joachim Fuchsberger), des élèves, des autres profs et même de la femme d’Enrico, Herta, qui « retombera » amoureuse de son mari en apprenant que celui-ci n’était pas arrivé à ses fins – sexuellement parlant – avec la jeune Elizabeth.

Bref, on nage en plein dans la « libération sexuelle » post-Mai 1968, même si bien sûr il ne faudra pas gratter bien longtemps pour entamer ce vernis de respectabilité : le personnage de Fabio Testi ne sera en effet pas le seul à montrer un appétit vorace pour les très jeunes filles qui peuplent le lycée, et le fameux plan-séquence sous la douche évoqué un peu plus haut sera également l’occasion de révéler que chaque personnage du film a des choses à cacher, ce qui pourra également orienter un temps le spectateur vers un autre suspect. Bref, le développement narratif de Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? s’avère assez original, et ne manquera pas de réserver un certain nombre de surprises au spectateur, avec notamment un gros « twist » en milieu de métrage qui explicitera le titre du film tout en renversant le regard que l’on portait jusque-là sur les personnages.

Bien sûr, parallèlement à son scénario, Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? comporte également un certain nombre de fioritures formelles qui maintiendront assurément l’intérêt du spectateur en éveil. Ainsi, on notera que si les scènes de meurtres ne sont pas particulièrement explicites et/ou gore, elles demeurent parfaitement efficaces, notamment dans la brutalité du modus operandi du tueur, qui souligne très fortement la nature sexuelle des crimes – un couteau dans la schneck, rappelez-vous, on avait déjà évoqué ce type de meurtre à l’occasion de notre test Blu-ray de L’assassin a réservé neuf fauteuils. On notera également que la photo de Joe D’Amato est très belle, notamment sur les scènes en noir et blanc que l’on découvrira dans le dernier tiers du film, et que bien sûr, la musique d’Ennio Morricone est absolument renversante.

Le Blu-ray

[5/5]

Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? débarque aujourd’hui au format Blu-ray chez Le chat qui fume, et comme d’habitude avec l’éditeur, cette édition Haute-Définition du film de Massimo Dallamano enverra le bois avant même d’avoir été insérée dans notre lecteur, grâce à son superbe digipack trois volets avec sur-étui cartonné, dont le design a été assuré par le talentueux Frédéric Domont, alias BaNDiNi. Avant même la découverte de la galette à proprement parler donc, cette édition fera déjà forte impression : il s’agit d’un bel objet aux finitions parfaites, qui se doit d’intégrer derechef la vidéothèque de tout cinéphile qui se respecte un tant soit peu. On notera également que cette édition Collector est limitée à 1000 exemplaires.

C’est donc avec un plaisir non feint que l’on (re)découvrira Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? sur support Blu-ray. L’image est naturellement proposée au format 1.85:1 respecté, et nous fait profiter d’un gain sensible de précision côté image par rapport aux sources SD auxquelles nous étions habitués jusqu’ici. La photo de Joe D’Amato est lumineuse, le piqué est très satisfaisant, et le tout est proposé dans un master restauré parfaitement stable, avec de belles couleurs vives et surtout un grain argentique parfaitement préservé. Côté son, VO et VF d’origine nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 propres, nets et sans bavures. On notera bien entendu que la version française est tout à fait amusante dans son genre : certains personnages y sont doublés de façon un peu Wtf, tandis que Fabio Testi est doublé par Pierre Arditi (mais si, vous savez bien, la voix de Maître ShiFu dans Kung Fu Panda…).

Mais une édition du Chat qui fume se fait traditionnellement remarquer par la qualité de ses suppléments, et Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? ne fera pas exception à la règle. On commencera donc par un entretien avec Fabio Testi (20 minutes). L’acteur y évoquera ses débuts en tant que cascadeur, puis reviendra sur le film, sur son admiration pour Massimo Dallamano, sur la personnalité de Joe d’Amato et sa contribution au film, ou encore sur le tournage en langue anglaise, avec l’aide de « répétiteurs ». Il reviendra ensuite sur l’incursion progressive de la TV dans le cinéma italien, ainsi que sur ses collaborations avec d’autres cinéastes (Enzo G. Castellari, Sergio Sollima, Lucio Fulci…). On continuera ensuite avec un entretien avec Pilar Castel (24 minutes), interprète de l’une des victimes du tueur. D’un naturel assez rieur, l’actrice évoquera tout d’abord son parcours, sa rencontre avec Mario Bava sur Baron vampire, puis reviendra sur Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? : ses relations avec Massimo Dallamano et Joe D’Amato, la personnalité de Fabio Testi, le tournage de certaines scènes (et en particulier celle du chat)… Enfin, on aura également droit à un entretien avec le producteur Fulvio Lucisano (10 minutes). On notera que son nom est orthographié Fluvio Licisano dans le menu du Blu-ray, et Fluvio Lucisano sur la jaquette. Bavard et enthousiaste, le producteur reviendra de façon précise sur la production de Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ?, évoquera Massimo Dallamano, le casting, les problèmes avec la censure, le succès du film et sa carrière à l’international. Il se rappellera ainsi avoir rencontré Quentin Tarantino qui lui avait confié que c’était ce genre de films qui lui avaient appris à faire du cinéma, et terminera en évoquant la possibilité d’un remake, mais également de la nécessité de faire évoluer le scénario si tel était le cas. On terminera ensuite avec la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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