Test Blu-ray : La Sentinelle des maudits

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La Sentinelle des maudits

États-Unis : 1977
Titre original : The sentinel
Réalisation : Michael Winner
Scénario : Jeffrey Konvitz, Michael Winner
Acteurs : Cristina Raines, Ava Gardner, Chris Sarandon
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h32
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 13 juillet 1977
Date de sortie DVD/BR : 21 novembre 2018

Top model très en vogue mais psychologiquement fragile et aux tendances suicidaires, Allison Parker emménage dans un appartement au coeur de New York. Elle remarque un détail curieux : au dernier étage, un prêtre aveugle passe l’intégralité de son temps posté à la fenêtre. Rapidement, alors qu’Allison fait connaissance avec ses nouveaux voisins, son quotidien va commencer à se dérégler : la jeune femme souffre de migraines de plus en plus prenantes, et fait de terribles cauchemars qui font ressurgir de profonds traumatismes…

Le film

[5/5]

Unique film d’horreur de la carrière de Michael Winner, La Sentinelle des maudits est sorti sur les écrans en 1977, c’est-à-dire en pleine période faste pour le cinéma fantastique « de studio ». Après Rosemary’s baby (Roman Polanski, 1968) pour la Paramount, L’exorciste (William Friedkin, 1973) pour Warner et La Malédiction (Richard Donner, 1976) pour la Fox, le film de Winner donnait l’occasion au studio Universal de se lancer également dans le grand frisson sur celluloïd. Le film et le scénario de Jeffrey Konvitz surferont donc sur les thématiques « démoniaques » chères aux grands studios à l’époque. Plus particulièrement, il est quasiment impossible, à l’évocation du film, de taire l’influence qu’a pu avoir Rosemary’s baby, tourné neuf ans auparavant, sur la production et le tournage de La sentinelle des maudits – une influence grande, envahissante, planant telle une ombre pesante sur le film de Michael Winner au point que ce dernier demeure, encore aujourd’hui, relativement méconnu du grand public. Encore plus surprenant : La sentinelle des maudits restait jusqu’à ce jour tristement inédit en DVD en France.

On l’affirme donc haut et fort : La Sentinelle des maudits fait partie de cette race de films largement sous-estimés et, malheureusement, aujourd’hui un peu oubliés. Parce que sous ses airs de succédané de Rosemary’s baby, le film de Michael Winner cache en réalité un véritable petit chef d’œuvre, qui plus est extrêmement différent du film de Polanski avec lequel il entretient certes quelques similitudes. Puisqu’elles existent, évacuons donc d’entrée de jeu les ressemblances qui rapprochent les deux longs-métrages : bien sûr, les deux intrigues sont centrées autour d’une jeune femme fragile, en proie à la folie et aux hallucinations. Les deux se déroulent également dans le même genre de lieu, immense appartement au cœur d’un bâtiment ancien, où l’héroïne évolue la plupart du temps seule. On notera aussi la présence dans les deux cas d’un voisinage bizarre, composé de personnes âgées au comportement étrange.

Mais bien sûr, la principale différence entre les deux longs-métrages viendra de la personnalité même de leurs metteurs en scène, et de l’énergie qu’ils insuffleront à leurs films respectifs. Contrairement à Roman Polanski, Michael Winner n’a rien d’un intellectuel. Spécialiste du western, révélé au grand public par Un Justicier dans la ville (1974), Winner est en effet un cinéaste populaire, passant volontiers d’un genre à l’autre, et développant le plus souvent dans ses films un côté ouvertement pessimiste et violent. Autrement dit, Winner s’impose comme un bon « bourrin », un cinéaste qui ne fait pas dans la dentelle. Dès lors, il n’est point étonnant qu’au fur et à mesure de l’évolution de l’intrigue, La Sentinelle des maudits se dessine finalement non pas comme une resucée de Rosemary’s baby, mais bel et bien comme son « négatif », son inverse absolu, dans le sens où Winner ne développe aucunement de suspense quant à la santé mentale de son héroïne ; les éléments fantastiques prenant place dans le récit sont bel et bien présentés comme « réels », et non pas comme le fruit de l’imagination de l’héroïne, interprétée de façon fébrile par la débutante Cristina Raines. Cette volonté d’ancrer le film dans le « réel » se retrouve d’ailleurs dès les premières séquences du film, plantant bien le décor, la mythologie religieuse et surtout la dimension ouvertement fantastique de l’ensemble.

Et quitte à naviguer dans le cinéma fantastique, Michael Winner prend le parti de ne pas y aller à moitié : pensant sa mise en scène de façon à toujours présenter des espaces étouffants, il en rajoute encore dans la description des voisins de l’héroïne, présentés de façon à mettre le spectateur mal à l’aise. Nudité, attitudes obscènes, difformités, bizarreries en tous genres… Bien sûr, tous ces éléments culmineront lors des dernières séquences du film, littéralement hallucinantes, qui lorgnent volontiers vers le cinéma d’exploitation le plus pur et même le « bis » – ce qui, vous le savez bien si vous êtes un lecteur régulier de la section DVD / Blu-ray, ne doit absolument pas être pris au sens « péjoratif » que peut parfois revêtir ce terme, au contraire. La Sentinelle des maudits affiche qui plus est un casting composé de véritables stars dans des seconds rôles, tels que Burgess Meredith, Arthur Kennedy, Ava Gardner, Eli Wallach, Martin Balsam, John Carradine, José Ferrer, Christopher Walken ou encore Jeff Goldblum, même si pour certains d’entre eux, on est proches de la simple figuration. Un petit chef d’œuvre à redécouvrir au plus vite !

Le Blu-ray

[4,5/5]

Béni soit Elephant Films, qui nous propose de redécouvrir en Haute Définition quelques pépites de l’horreur au sein d’une vague de sorties étalées sur les mois de novembre / décembre 2018 ! L’occasion pour La Sentinelle des maudits, L’île sanglante, La Nurse, Enfer mécanique, Le fantôme de Milburn et Enterré vivant de s’offrir un très attendu lifting HD sur galette Blu-ray, et aux nouvelles générations de découvrir quelques classiques oubliés.

Aussi bien côté image que côté son, le master Blu-ray de La Sentinelle des maudits proposé par l’éditeur est de très bonne tenue. Le film est proposé au format respecté et encodé en 1080p, le piqué est d’une belle précision, le grain cinéma est parfaitement préservé, et couleurs et contrastes semblent avoir été tout particulièrement soignés, même si les noirs apparaissent comme un poil bouchés sur quelques plans épars. On notera également, bien sûr, que malgré une légère tentation au DNR propre à de nombreux masters de chez Universal, le grain argentique est globalement plutôt conservé. L’ensemble est donc plus que recommandable, surtout étant donné la force du film. Rien à redire non plus sur le mixage audio, proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle, même si la VO tient plus la route que sa consœur française.

Côté suppléments, Elephant Films nous propose, outre les bandes-annonces non restaurées de quelques films de la vague, une sympathique présentation du film par Julien Comelli et Erwan Le Gac. Bénéficiant à nouveau d’un montage et d’un ton amusants et originaux (ce qui n’empêche aucunement le film d’être sérieux), ce sujet s’avère rythmé et dynamique. Il sera accompagné d’un retour sur le lieu de tournage du film, le 10 Montague Terrace, qui se révèle bien différent de nos jours (et bien plus accueillant). On terminera le tour des bonus avec le générique du film en français (début et fin), probablement issu d’une antique copie VHS de La Sentinelle des maudits.

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