Test Blu-ray : Hérédité

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Hérédité

États-Unis : 2018
Titre original : Hereditary
Réalisation : Ari Aster
Scénario : Ari Aster
Acteurs : Toni Collette, Gabriel Byrne, Alex Wolff
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 2h08
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 13 Juin 2018
Date de sortie DVD/BR : 15 octobre 2018

Lorsque Ellen, matriarche de la famille Graham, décède, sa famille découvre des secrets de plus en plus terrifiants sur sa lignée. Une hérédité sinistre à laquelle il semble impossible d’échapper…

Le film

[5/5]

Depuis quelques années, on tombe régulièrement sur des films d’horreur faisant le « buzz » sur Internet et les réseaux sociaux. Des films montés en épingle et annoncés à grands renforts de publicité comme « le choc horrifique de l’année », « le film d’horreur de la décennie », etc, etc. Hérédité est de ceux-là ; sur l’affiche française, on pouvait lire deux extraits de presse : « Le film d’horreur le plus fou de ces dernières années » (USA Today) et « L’exorciste de cette génération » (Time Out New York). Bien sûr, ce genre de déclarations qui claquent a de quoi enthousiasmer le spectateur, mais sans vouloir jouer systématiquement à l’empêcheur de tourner en rond ni d’avantage aller à l’encontre de ce que déclare généralement la presse, on a tout de même également souvent tendance à se méfier de ce genre de buzz ou d’engouement unanime. Ainsi, si l’on revient quatre ans en arrière, les films d’horreur ayant créé le buzz ces dernières années sont It follows (David Robert Mitchell, 2014), The witch (Robert Eggers, 2015), Grave (Julia Ducournau, 2016) et Get out (Jordan Peele, 2017). Et sans vouloir forcément faire de mauvais esprit – à titre personnel, à mon humble avis de rédacteur, tout çaaaaa / je prends tout un tas de précautions verbales parce qu’attention, l’ensemble de la rédaction est bien loin de partager mon opinion tranchée sur ces quatre longs-métrages – on n’est pas loin d’en considérer au moins trois sur les quatre comme de bonnes grosses baudruches bien surestimées, dont le seul intérêt ne réside au fond que dans une facture technique et visuelle intéressante (si ce n’est superbe). Qu’on se rassure néanmoins : Hérédité n’est clairement pas de ce bois-là.

Tant qu’on en est à s’attaquer aux films « mythiques » du cinéma fantastique, vous vous êtes peut-être déjà demandé pourquoi certains cinéphiles, pour la plupart parmi nos ainés, considéraient Rosemary’s baby (Roman Polanski, 1968) comme un chef d’œuvre absolu. De nos jours en effet, cette œuvre – certes intéressante par certains aspects – apparaît en effet beaucoup plus datée, plate et sans rythme que beaucoup de films tournés durant la même décennie, qui gardent quant à eux toujours le même charme, le même pouvoir hypnotique sur le spectateur. La découverte d’Hérédité, qui s’avère une œuvre dont la narration est construite selon le même schéma narratif que celle du film de Polanski, devrait vous aider à comprendre l’impact qu’a pu avoir Rosemary’s baby en son temps. Indéniablement, Ari Aster prend le temps de poser non seulement son cadre mais également ses personnages, dont la psychologie est abordée avec une finesse et un sens de l’observation remarquables. La grande réussite d’Hérédité réside néanmoins surtout dans l’évolution de son intrigue, au cœur de laquelle les éléments fantastiques et horrifiques s’insinuent lentement, de façon presque pernicieuse, au cœur d’un environnement stable. Le film glissera donc lentement du drame psychologique, par ailleurs authentiquement poignant, vers l’horreur la plus totale.

Ainsi, on a beau volontiers penser qu’elle en fait des caisses, la prestation de Toni Collette s’avère au diapason de l’intrigue : atone et incapable d’extérioriser ses sentiments durant la première heure, elle deviendra –littéralement– un pantin désarticulé, au jeu outré et excessif, dans la deuxième partie du film. Cette explosion dans le caractère du personnage campé par Toni Collette est d’ailleurs non seulement tout à fait à l’image de l’évolution insidieuse de l’horreur au cœur des deux heures de métrage, mais aussi, dans la diégèse même du récit, de la lente dégénérescence de la famille Graham, symbolisée par la maquette présente dans leur hall d’entrée. En effet, celle-ci représente leur maison, placée en équilibre précaire au sommet d’un singulier piton rocheux non seulement composé de pierre et de terre, mais également d’autres maisons et/ou fondations à l’architecture étrange. Cet étrange amalgame donne l’impression d’une famille menacée, mise en danger par le poids des générations passées – ce que nous démontrera le déroulement du film, qui met en scène dès ses premières minutes une famille déjà gangrénée par des générations de pourrissement et prête à succomber sous le poids de ce passé enseveli, mais dont les excroissances mauvaises ne demandent finalement qu’à ressurgir. Et Ari Aster de développer une maîtrise certaine dans l’instauration, par petites touches, d’une ambiance littéralement oppressante et hypnotique, aidé par des travellings lents cadrés au millimètre près.

Dans les années 70, Alain Resnais filmait dans Mon oncle d’Amérique des expériences sur le comportement animal et les comparait aux situations vécues par Gérard Depardieu et Nicole Garcia : on y voyait les réactions de souris blanches en cage confrontées à des situations typiques (douleur, plaisir, lutte pour la survie dans un environnement hostile…), tout ça monté en parallèle avec les séquences mettant en scène les acteurs. Ari Aster quant à lui choisit dans Hérédité de disséquer la sacro-sainte famille américaine en en observant les membres de la même manière distanciée au possible, proposant un parallèle entre la famille Graham et la traditionnelle « maison de poupées », mise au centre du récit par l’activité professionnelle du personnage de Toni Collette. Ainsi, dès les premiers plans du film, le ton est donné : les personnages évolueront dans le milieu clos d’un microcosme miniature, et tout ce qui les entoure ne semble être qu’artifices en tous genres ; en les confrontant à la douleur et à l’horreur, il poussera même l’expérience dans ses derniers retranchements, de façon à exacerber tous les sentiments, le deuil et la culpabilité menant les personnages à la lisière de l’hystérie et de la folie autodestructrice.

On retrouve également au cœur du film une série de références explicites au sacrifice d’Iphigénie par Agamemnon, qui donnent de fait de sérieux indices quant au destin de Peter. Par ailleurs, lors des passages évoquant l’œuvre d’Euripide, la notion de destin, tragique et inévitable, est elle-même évoquée, ce qui nous ramène à nouveau au statut de simples « poupées » des personnages par rapport à une puissance extérieure : quelles que puissent être leurs décisions au fil du récit, leur destin semble déjà écrit, scellé à l’avance. C’est peut-être d’ailleurs dans sa volonté de faire sens à tout prix qu’Hérédité trouve ses limites – mais en attendant, on ne pourra que s’incliner devant la virtuosité de l’ensemble, tant narrative que formelle, et devant le talent du nouveau venu Ari Aster, dont on suivra les prochains films avec le plus grand intérêt.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Le Blu-ray d’Hérédité édité par Metropolitan Vidéo s’impose comme un fier représentant du support Haute Définition : le transfert 1080p du film d’Ari Aster est en effet bluffant de précision, avec un piqué, un niveau de détail et une profondeur de champ assez époustouflants ; les couleurs sont naturelles et les noirs sans faille, ce renforce encore l’impact du film sur nos esprits ; qu’il s’agisse des plans d’ensemble ou de détail, tout est parfait. Le transfert semble par ailleurs exempt de toute trace de bruit, fourmillements, banding ou tout autre écueil numérique : un sans-faute donc ! Côté bande sonore, VF et VO sont toute deux proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 5.1 de haute volée, naturellement riches en basses et en effets d’ambiance multidirectionnels, permettant une immersion optimale au cœur de ce récit horrifique de haute volée. Les dialogues sont par ailleurs toujours clairs ; on privilégiera la version originale, plus convaincante pour de simples raisons artistiques.

Du côté des suppléments, Metropolitan Vidéo nous propose, outre les traditionnelles bandes-annonces, de découvrir un making of d’une vingtaine de minutes, durant lequel le scénariste / réalisateur Ari Aster et les membres de l’équipe évoquent leurs diverses influences conscientes : le cinéaste cite Carrie au bal du diable (Brian De Palma, 1976) et Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (Peter Greeenaway, 1989) comme étant ses deux influences majeures. Les traumatismes familiaux sont également largement évoqués, notamment par Toni Collette et Gabriel Byrne. On y interviendra un peu moins en revanche sur l’aspect surnaturel du récit. On poursuivra ensuite avec 17 minutes de scènes coupées, dont certaines s’imposent comme très belles, mais tirant peut-être un poil trop sur le pathos. L’ensemble est néanmoins une belle façon de prolonger le plaisir pris durant le film. On terminera ensuite avec une très belle galerie de photos, nous permettant de découvrir dans le détail les sublimes maquettes fabriquées pour le film.

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