Critique : Cold War

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Cold War

Pologne, Grande-Bretagne, France : 2018
Titre original : Zimna Wojna
Réalisation : Pawel Pawlikowski
Scénario : Pawel Pawlikowski, Janusz Glowacki, Piotr Borkowski
Interprètes : Joanna Kulig, Tomasz Kot, Agata Kulesza
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h27
Genre : drame, romance
Date de sortie : 24 octobre 2018

4/5

Réalisateur polonais qui a commencé sa carrière cinématographique par des documentaires, Pawel Pawlikowski, né à Varsovie en 1957, a vécu en Allemagne, en Italie, en Angleterre et à Paris, avant de revenir s’établir en Pologne. En 2013, Ida a été son premier film réalisé dans ce pays depuis son retour. Sélectionné dans de nombreux festivals en 2013 et en 2014, sorti dans notre pays en février 2014, ce film en noir et blanc a obtenu, entre autres, l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015, ainsi que le César du meilleur film étranger la même année. Cette année, Cold War était en compétition au Festival de Cannes et il en est reparti avec le Prix de la mise en scène.

Synopsis : Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.

 

La Pologne et son folklore musical

1949, Pologne. Mandatés par les autorités de leur pays, Wiktor et Irena le parcourent de long en large afin de collecter des chants du folklore et de découvrir les talents capables de les interpréter au sein d’un groupe de chanteurs et de danseurs d’une douzaine d’unités. Parmi tous ces artistes, Zula retient particulièrement l’attention de Wiktor et pas uniquement sur des critères musicaux : son talent de chanteuse est incontestable mais, en plus, elle est jeune, elle est belle, elle est pleine d’énergie, une attirance à laquelle Wiktor succombe très rapidement. Alors que la troupe réunie par Wiktor et Irena rencontre le succès et se voit invitée dans diverses capitales du bloc de l’est, les instances politiques polonaises s’intéressent de plus en plus aux messages que les chansons peuvent véhiculer, au point d’exiger que soient rajoutées aux textes traditionnels des paroles à la gloire de Staline ou des plans agricoles du pays. Une exigence que Wiktor et Irena sont loin de prendre du bon côté. Au point que Wiktor, épris de liberté artistique et attiré par le jazz, interdit dans son pays, décide de s’enfuir vers l’ouest, espérant être accompagné par Zula.

Une belle histoire d’amour et une reconstitution soignée

Pawel Pawlikowski fait partie de ces réalisateurs, aujourd’hui de plus en plus rares, qui sont capables de raconter énormément de choses dans un film dont la durée ne dépasse pas 90 minutes. C’est ainsi que Cold War nous plonge dans les tourments d’une histoire d’amour épisodique tout en offrant une belle reconstitution de l’après guerre dans trois pays, sur une durée d’une quinzaine d’années : la Pologne, la France et la Yougoslavie. En effet, après la naissance en Pologne de l’histoire d’amour entre Wiktor et Zula et le départ de Wiktor vers l’ouest, Zula restant en Pologne, les deux amants vont se retrouver et se séparer à plusieurs reprises, en particulier dans le Paris des clubs de jazz des années 50 que fréquente Wiktor avec succès. Par contre, malgré son titre, Cold War n’aborde que très marginalement les problématiques de la « guerre froide ».

Un autre intérêt du film réside dans tout ce qui tourne autour de la musique et, tout particulièrement, les musiques issues du folklore et l’utilisation qu’on peut en faire. A l’instar du travail effectué par Alan Lomax aux Etats-Unis, Wiktor et Irena font du collectage un peu partout en Pologne, allant rechercher et écouter des chansons souvent interprétées sans aucun accompagnement. Comme il est considéré que ce type d’interprétation n’est pas susceptible d’intéresser le grand public, on assiste à la métamorphose de ces chansons, avec orchestration massive et interprétation par un groupe important de chanteurs et de chanteuses. Aux spectateurs de voir où vont leurs préférences ! Autre métamorphose : l’interprétation très réussie que fait Zula, dans un club de jazz parisien, d’une chanson populaire polonaise dans un arrangement de jazz et en langue française.

Un très beau noir et blanc

Voulant sans doute rebondir sur le succès remporté par Ida et tirant partie de la période pendant laquelle se déroule l’histoire qu’il nous raconte, c’est de nouveau un film en noir et blanc que nous propose Pawel Pawlikowski. Un noir et blanc beaucoup plus réussi que sur Ida, plus contrasté, plus travaillé au niveau de la lumière. On notera que, sur Ida, deux directeurs de la photographie, Ryszard Lenczewski et Lukasz Zal, s’étaient partagés la tâche et que nous ne retrouvons que le seul Lukasz Zal sur Cold War.

La distribution de Cold War reprend certains interprètes de Ida : Joanna Kulig, excellente comédienne et très bonne chanteuse, dans le rôle de Zula, Agata Kulesza dans le rôle d’Irena. Tomasz Kot, l’interprète de Wiktor, est un comédien polonais très réputé. N’étant pas musicien lui-même, c’est le pianiste et arrangeur Marcin Masecki qu’on entend interpréter tous les morceaux de jazz. Pressenti un moment comme interprète de Wiktor, il n’avait finalement pas été retenu dans ce rôle, n’ayant ni l’expérience de comédien  ni le physique adéquat.

Conclusion

Après le succès remporté par Ida, Pawel Pawlikowski reste fidèle au noir et blanc. Même celles et ceux qui avaient trouvé excessif le succès remporté par Ida ne pourront pas rester insensibles à Cold War, un film beaucoup plus abouti, beaucoup plus passionnant et même esthétiquement beaucoup plus beau grâce à un noir et blanc plus contrasté, plus travaillé au niveau de la lumière.

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